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Espagne, les livreurs à vélo deviennent des salariés

samedi 9 octobre 2021

Depuis le 12 aout et la loi dite Rider, les livreurs à domicile sont devenus des salariés en Espagne. La loi prévoit une série de mesures de protection et d’accès aux droits du travail pour ces travailleurs qui livrent à domicile à travers des plateformes digitales. Ils cessent d’être considérés comme des entrepreneurs autonomes. Le gouvernement de gauche a décidé de modifier le code du travail. Mais la mesure, pionnière en Europe, se heurte aux stratégies des grandes entreprises du secteur : refus de négocier une convention collective, voire pour Deliveroo, la société britannique, menace de quitter le pays.

Un peu d’histoire

Pour comprendre la loi, il faut remonter au mois de septembre 2020 quand le Tribunal suprême espagnol, saisi par les syndicats et le Parti communiste espagnol, édicte que les livreurs n’étaient pas des autonomes indépendants mais des travailleurs. S’en est suivie une période de négociation entre les partenaires sociaux espagnols interprofessionnels sous l’égide du ministère du Travail. Cette négociation a abouti à un accord en mars 2021 signé du côté syndical par les Commissions Ouvrières (CC OO) et l’UGT (Union générale des travailleurs) et côté patronal par la CEOE (équivalent du Medef) et Cepyme (CPME). Une signature unanime. C’est cet accord qui a été repris par la loi. Les entreprises disposent de 3 mois pour régulariser les situations des salariés.

Les deux principales dispositions du décret-loi royal

  • La loi oblige les plateformes digitales à embaucher les livreurs comme salariés.
  • Toutes les entreprises doivent informer les salariés du fonctionnement des algorithmes ou des systèmes d’intelligence artificielle utilisés qui affectent la prise de décision et les conditions de travail, l’accès et le maintien dans l’emploi y compris la question des profils. Cette contrainte ne concerne pas que les entreprises de livraison de nourriture à domicile mais aussi toutes les plateformes dédiées à la répartition ou à la distribution de tout produit ou marchandises.

La loi établit « la présomption de salariat pour les travailleurs fournissant des services rétribués de livraison (…) à travers une plateforme numérique ». En conséquence, ces travailleurs précaires peuvent accéder à la protection sociale et la loi oblige les plateformes comme n’importe quel employeur à cotiser pour eux.

Les suites actuelles et celles à venir

Si les syndicats ont montré leur satisfaction, l’association des plateformes de service a rejeté la loi, arguant du fait que le secteur apporte 700 millions d’euros au PIB espagnol. Quatre grandes plateformes dominent le marché : Deliveroo, Just Eat, Glovo et Stuart. Elles se sont positionnées différemment.

Pour l’instant, la plate-forme Just Eat est la première à négocier une convention collective avec les CC OO et l’UGT. À l’inverse, la, plateforme Deliveroo a entamé au mois de septembre une consultation de ses employés sur la fin de ses activités sur le marché espagnol. Globo quant à lui, annonce le lancement d’un nouveau modèle d’autonome inédit en Espagne.

La ministre du Travail, Yolanda Díaz « n’a pas exclu que d’autres secteurs, comme celui des chauffeurs VTC, puissent être inclus » dans la loi, selon le journal ABC.

Une extrême vigilance du gouvernement est demandée par les syndicats

Ils craignent un contournement de la loi. Aussi, l’UGT a demandé au gouvernement qu’il adopte les mesures légales nécessaires pour que la loi soit respectée. Dans la continuité, le syndicat réclame plus de pression du gouvernement espagnol pour qu’une norme européenne soit prise pour réguler les plateformes et le respect des droits des travailleurs.

Après les mesures adoptées en Grande-Bretagne par la Cour suprême requalifiant en salariés des chauffeurs UBER qui en avaient fait la demande, l’Espagne devient le premier pays européen à apporter une réponse législative forte à cette situation bâtarde, mais l’application sera difficile.

La confédération européenne des syndicats (CES) vient d’adopter une résolution dans ce sens le 9 septembre 2021

Principaux extraits

La CES appelle la Commission à proposer une directive ambitieuse basée sur l’article 153 (2) du TFUE qui prévoit une présomption réfragable de salariat où la charge de la preuve devrait être supportée par l’entreprise (l’entreprise de plateforme) et qui doit respecter les traditions et pratiques nationales et l’autonomie des partenaires sociaux.

La CES s’oppose fermement à la création d’une troisième catégorie différenciant les travailleurs et les indépendants. Le champ d’application personnel de la proposition devrait englober tous les travailleurs, y compris les travailleurs atypiques, notamment ceux qui travaillent via des plateformes, ainsi que les entreprises de plateforme numériques opérant dans l’UE.

Les entreprises de plateforme doivent respecter leurs obligations en matière de travail, de protection sociale et de fiscalité en tant qu’employeurs, y compris les accords sectoriels négociés dans le cadre de négociations collectives par les partenaires sociaux…

Le rôle des syndicats et de la négociation collective est essentiel lorsqu’il s’agit d’organiser le travail via des plateformes et de défendre les droits et les intérêts de ces travailleurs. L’UE devrait encourager les États membres et les partenaires sociaux à stimuler le dialogue social dans le cadre du travail via des plateformes et à soutenir le renforcement des capacités dans ce contexte.


Sources