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France : la croissance est plus importante que prévue

mercredi 1er juin 2016

Notre pays irait mieux. En effet, la croissance repart, le chômage baisse, nos exportations se portent bien, …autant de bonnes nouvelles qui permettent d’envisager une sortie de crise. Mais si une partie des raisons de ce rebond peuvent s’expliquer par les politiques intérieures, une bonne partie s’explique aussi par des effets extérieurs.

La croissance repart : elle est en effet en hausse sur les quatre derniers trimestres. On constate que la croissance trimestrielle du PIB est passée de 0% au deuxième trimestre 2015, avant de s’élever à 0,3% sur la deuxième partie de l’année 2015. Elle atteint 0,6% au premier trimestre 2016, niveau non atteint depuis un an.

Ce rebond du PIB sera-t-il pérenne ?

Tout d’abord un bref regard sur les 4 dernières années nous montre que le rebond observé au premier trimestre 2016 a déjà été observé au premier trimestre 2015 (0,6%). De même un autre rebond à 0,7% avait été observé au 2e trimestre 2013. Malheureusement ces deux rebonds ont à chaque fois été suivis d’une retour à la normale assez brutal : 0% au 2ème trimestre 2015 ou même -0,1% au 3ème trimestre 2013 ! Et déjà la Banque de France nous prévient que la croissance ralentira à 0,3% au trimestre en cours cette année.

Principal problème, notre croissance est donc erratique et les périodes de légère croissance sont souvent suivies d’une rechute. Deux facteurs majeurs jouent sur la croissance : la consommation et l’investissement.

Le rôle incertain de la consommation des ménages

Tout d’abord, les reprises observées sont souvent le fait d’une reprise de la consommation des ménages. Celle de 2016 n’y fait pas exception. Or, peu de bonnes nouvelles peuvent soutenir à long terme la croissance de la consommation : le taux de chômage est encore élevé et n’incite pas à trop dépenser pour la plupart des ménages, craignant pour leur emploi. La consommation a pu être soutenue par les baisses d’impôts sur les ménages les plus modestes (suppression de la 1ère tranche du barème de l’impôt sur le revenu). Mais d’autres effets peuvent expliquer le rebond de la consommation.

D’un point de vue psychologique, l’éloignement de la date des attentats de Paris a pu soutenir un retour de la consommation après une fin d’année bien morose.

D’un point de vue financier, la baisse des prix du pétrole, libérant du pouvoir d’achat sur les dépenses contraintes (déplacements, chauffage) a permis de réorienter les dépenses vers d’autres biens de consommation, tandis que la baisse historique des taux directeurs de la Banque centrale a pu soutenir la consommation à crédit.

Néanmoins ces effets sont surtout extérieurs aux politiques nationales (effets du pétrole et de la désinflation sur la politique monétaire européenne). Et les cours du pétrole sont déjà remontés alors que la politique monétaire ne restera pas indéfiniment à des taux directeurs négatifs…

Le retour de l’investissement des entreprises

L’autre facteur de croissance du PIB est bien évidemment l’investissement : celui-ci semble se redresser et semble bien davantage prometteur pour la croissance à venir. En effet, une hausse de la quantité de capital productif signifie que les entreprises prévoient de produire davantage à l’avenir, donc de vendre plus et d’embaucher… Cette fois, l’INSEE pense que l’investissement dans l’industrie devrait croître de 7% en 2016 après seulement 1% l’année précédente. L’investissement dans tous les secteurs est passé de 0% au 3ème trimestre 2015 à +0,9% au 1er trimestre 2016.

Qu’est ce qui peut doper l’investissement des entreprises ? En général, on considère que l’impact de la demande à venir est important, mais il semble ici limité. Cependant le manque d’investissement des années passées nécessite de rattraper le retard. Cela tombe bien : les taux d’intérêts pour emprunter en banque sont bas grâce à la Banque centrale européenne et les taux de marge des entreprises sont remontés de 29,5% à 31% du PIB entre 2014 et 2015 sous l’effet de la modération salariale et du Pacte de Compétitivité qui a diminué l’impôt sur les sociétés (Crédit d’impôt compétitivité emploi CICE).

La politique de l’offre marcherait-elle ?

Sans aucun doute, le Pacte de compétitivité et d’emploi joue ici un effet non négligeable. En abaissant le coût du travail par le CICE, il a permis de renforcer le taux de marge des entreprises (la part des profits dans la richesse nationale). L’INSEE souligne ainsi que « les mesures de baisse du coût du travail continueraient d’enrichir la croissance en emplois. En effet, outre le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), les cotisations patronales baissent à nouveau au 1er avril dans le cadre du Pacte de responsabilité et de solidarité (PRS) et le plan d’urgence pour l’emploi annoncé le 18 janvier se traduit par une baisse supplémentaire du coût du travail pour les bas salaires dans les PME ». Mi-2016, le taux de marge des entreprises devrait ainsi dépasser les 32% d’après l’INSEE.

Cette politique en faveur des entreprises permet ainsi de redresser leurs comptes et de faire repartir l’investissement. Néanmoins pour qu’un cercle vertueux s’engage, il faut maintenant que les salariés soient eux aussi intéressés au processus de croissance, tout d’abord par des embauches et ensuite par des hausses de salaires. Sinon, la stratégie de l’offre butera sur le manque de demande intérieure. L’enjeu n’est pas de simplement redistribuer fiscalement du pouvoir d’achat à court terme mais de favoriser l’emploi (en quantité et en qualité) à moyen terme pour permettre un processus de croissance auto-entretenue. De plus, pourrons-nous compter sur nos voisins pour tirer notre croissance alors que l’économie mondiale patine quelque peu ? Pourrons-nous compter sur l’Allemagne où le moment de redistribuer aux salariés devrait largement arriver…


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