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Quels effets du départ en retraite à 62 ans en 2010 ?

samedi 11 mars 2023

Pour diminuer le déficit des caisses de retraite, en 2010, l’âge de départ en retraite a été repoussé de 60 à 62 ans. Quel bilan peut-on faire aujourd’hui des conséquences sur l’emploi des séniors, sur l’augmentation des minimas sociaux, de l’assurance maladie, du surcroît de jours à indemniser, de l’invalidité en fin de carrière, de l’augmentation du chômage sur l’ensemble de la population ?

L’enquête CEET-CNAM « connaissance de l’emploi », à partir de la base administrative Hygie (2005-2015), a créé plusieurs sous-groupes de la population en fonction de leur état de santé pour analyser les problèmes liés à la santé. L’indicateur choisi de l’état de santé est le nombre annuel de trimestres comptabilisés entre 40 et 55 ans, correspondant à des périodes assimilées au titre de la maladie, de la maternité et des accidents du travail et maladies professionnelles :

  • Un trimestre est validé chaque fois que l’assuré a bénéficié d’au moins 60 jours consécutifs d’indemnisation d’arrêt maladie.
  • Selon cet indicateur, un individu est jugé en « bonne santé » s’il n’a validé aucun trimestre pour ces motifs entre 40 et 55 ans. S’il a validé au moins 1 trimestre, il est jugé en « mauvaise santé » du fait de problèmes de santé nécessitant un arrêt maladie de longue durée ou de problèmes de santé liés au travail (accidents du travail, maladies professionnelles).
  • La réforme des retraites a eu un effet plus fort sur la probabilité d’arrêt pour les individus ayant connu des évènements de santé conduisant à des absences maladie de longue durée par le passé (+2,2 points). Le report de l’AOD (âge d’ouverture des droits) entraîne une augmentation de 1,8 jour environ.
  • De plus, certains individus ne sont pas forcément toujours considérés en « bonne santé », car ils peuvent avoir des problèmes de santé moins graves, ne nécessitant pas un arrêt maladie de longue durée de plus de 60 jours consécutifs. Les salariés découvrent souvent avec retard leurs maladies professionnelles.

Par suite de la réforme, on constate que les taux d’arrêts maladie ont augmenté chez les hommes comme chez les femmes : le report de l’AOD (âge d’ouverture des droits) a des effets hétérogènes selon l’état de santé du salarié.

  • Les générations 1952-1954 ont des taux d’arrêts maladie à chaque âge après 60 ans (l’âge ancien de départ en retraite) supérieurs à ceux des générations non assujetties à la réforme.
  • L’augmentation des arrêts maladie est de 1,7 point de pourcentage soit un nombre annuel cumulé de jours d’arrêts maladie de +0,021.
  • L’effet est plus prononcé chez les femmes s’agissant du nombre d’arrêts mais moins s’agissant de la durée. Cela pourrait s’expliquer par des différences comportementales face à des problèmes de santé, les femmes consultent plus tôt et plus souvent.
  • La proportion des femmes ayant eu au moins un arrêt maladie dans l’année à l’âge de 61 ans est de 4,46 % en moyenne chez les générations de référence contre 7,7 % environ pour les salariées assujetties à la réforme.

Vu leur état de santé, certains individus ne peuvent plus rester en emploi, ils se tournent vers les dispositifs d’assurance sociale alternatifs à la retraite car plus d’une personne sur trois n’est ni en emploi, ni à la retraite après 60 ans. La majorité sont en situation d’invalidité ou de chômage. Avec le recul de l’âge minimal de la retraite, le nombre de bénéficiaires de pensions d’invalidité a augmenté sous deux effets :

  • Le maintien plus long en invalidité des personnes qui l’étaient déjà avant 60 ans.
  • L’entrée dans le dispositif de nouveaux bénéficiaires sociaux de 60 à 62 ans.

Le relèvement de l’âge minimal de départ à la retraite a eu aussi pour effet d’augmenter significativement le nombre de bénéficiaires de minima sociaux : RSA, AAH (allocation aux adultes handicapées), ASS (allocation de solidarité spécifique). Un supplément de 600 millions d’euros par an depuis 2010.

  • Ces surcoûts indirects sont à mettre en regard de l’effet direct pour les régimes de retraite du relèvement de l’âge minimal d’ouverture des droits.
  • D’après les études, les régimes de retraite économiseraient environ 14 milliards d’euros à partir de 2017, grâce à la diminution du nombre de pensions de retraite de droits directs.
  • Un surcoût pour l’assurance maladie.
  • Ces chiffrages restent partiels, ils ne tiennent pas compte des surcoûts en termes d’allocations de chômage versées entre 60 et 62 ans, ni à l’inverse des gains pour les finances publiques en termes d’impôt sur le revenu et de CSG.

Ainsi les enquêtes, dont celle sur la santé du CEET-CNAM ou celle de la DREES constatent des effets négatifs sur la santé et un surcoût d’environ 1,2 à 1,5 milliard d’euros pour les régimes gestionnaires des pensions d’invalidité et une augmentation des dépenses d’allocation de minima sociaux de 600 millions d’euros par an :

  • Entre 125 000 et 150 000 personnes supplémentaires bénéficieraient d’une pension d’invalidité entre 60 et 62 ans, soit un peu moins de 8 % de cette classe d’âge.
  • Environ 80 000 personnes supplémentaires (soit 5 % de la classe d’âge) seraient allocataires de l’un des trois principaux minima sociaux (RSA, AAH, ASS) en termes d’effectifs, pour un supplément d’allocations versées de l’ordre de 600 millions d’euros par an.

Le CEET propose plusieurs mesures d’accompagnement :

  • Renforcer les dispositifs de départ anticipé pour les salariés « fragilisés par leur état de santé ou par leur parcours professionnel ». Il estime que les dispositifs de carrière longue et le compte pénibilité sont insuffisants et doivent être renforcés en cas de nouveau décalage de l’âge de départ à la retraite.
  • Mettre en place des mesures de prévention en améliorant les conditions de travail pour préserver la santé des salariés, de réserver les postes les moins pénibles aux séniors.
  • Assouplir le temps de travail des séniors par le recours au temps partiel ou à la retraite progressive.

Fin 2021, les retraités étaient 17 millions, ils sont partis à la retraite à 62 ans et 7 mois, âge en progression depuis plusieurs années. La nouvelle réforme n’aurait peut-être pas le même impact sur la santé des salariés avec le recul de l’âge de la retraite si les évolutions sur les carrières longues permettent de partir après 60 ans ou après 62 ans. Mais cela est marginal par rapport à l’ensemble de la population retraités.


Références