Quels enseignements tirer de ce travail statistique ? Cette étude conforte les publications antérieures : ce sont parmi les niveaux intermédiaires qu’on observe les départs à la retraite le plus tôt, tandis que la plupart des métiers peu ou à l’inverse très qualifiés partent généralement à la retraite plus tard. Ainsi ce sont les catégories de qualification intermédiaire qui sont les plus touchées par la réforme de 2023 :
- L’âge moyen élevé de départ observé pour la plupart des professions d’employés non qualifiés tient au fait qu’elles sont exercées principalement par des femmes dont la carrière a été interrompue (sans doute pour élever leurs enfants) et qui doivent attendre l’âge d’annulation de la décote de 67 ans pour liquider leurs droits à taux plein.)
- Pour certaines professions, ce sont des possibilités spécifiques de départ anticipé directement liées au métier qui expliquent l’âge moyen de départ à la retraite plus bas, notamment pour des métiers classés en catégories dites « actives » dans la fonction publique (infirmiers, aides-soignants, policiers…) ou qui s’exercent principalement dans certains régimes spéciaux (conducteurs de trains…), ou encore qui bénéficient d’une reconnaissance automatique d’incapacité (dockers…). Dans la plupart des cas, les disparités observées ne tiennent pas au métier lui-même (puisque les mêmes règles s’appliquent à tous), mais aux caractéristiques des personnes qui les exercent.
- Dans certaines professions où l’âge moyen de départ est élevé, une grande partie des assurés ont en réalité cessé de travailler plusieurs années avant la liquidation des leurs droits à la retraite.
- Quasiment toutes les professions d’ingénieurs et cadres ou de techniciens passent plus de 80 % de la durée entre 50 ans et leur départ à la retraite en emploi, tandis que la proportion est plus faible (et parfois inférieure à 60 %) parmi les professions moins qualifiées.
- Concernant les inégalités de genre, il n’apparait pas de corrélation nette entre la proportion de femmes dans une profession et l’âge moyen de départ.
L’hétérogénéité est toutefois marquée au sein de chaque groupe de qualification, si bien que certaines professions parmi les plus qualifiées partent à la retraite plus tôt que d’autres qui le sont nettement moins. Les premières sont donc à ce titre « a priori » davantage touchées par la réforme que les secondes.
- Ainsi, les cadres commerciaux ou les ingénieurs et cadres de production, par exemple, liquident leurs droits à la retraite à 62,5 ou 62,6 ans en moyenne en 2022-2023.
- Les ouvrières et ouvriers du nettoyage ou les agentes et agents de service du nettoyage dans le public (professions comptant, en fin de carrière, 80 % de femmes) partent à la retraite, avant la réforme, à 64,1 ans en moyenne.
- Par ailleurs, de nombreux métiers d’ouvriers qualifiés ou de techniciens bénéficient fréquemment des dispositifs de départ anticipés et ont pour cette raison un âge moyen de départ à la retraite plus bas que l’âge minimal de droit commun (62 ans avant la réforme), mais ce n’est pas non plus systématique.
- Les chauffeurs-livreurs ou conducteurs de la collecte de déchets partent par exemple à 63,1 ans en moyenne et les assistants de service social à 62,8 ans.
Partir à la retraite plus tard, ne signifie pas forcément travailler plus longtemps en fin de carrière : dans certaines professions où l’âge moyen de départ est élevé, une grande partie des assurés ont en réalité cessé de travailler plusieurs années avant la liquidation de leurs droits à la retraite.
- Les ouvriers peu qualifiés du gros œuvre du bâtiment partent à la retraite à 64 ans en moyenne, mais passent moins de 6 ans en emploi entre 50 ans et cet âge (soit 42 % de la durée entre 50 ans et le départ à la retraite).
- Ces écarts entre l’âge moyen de départ à la retraite et la sortie d’emploi, plus ou moins marqués selon le niveau de qualification, peuvent tenir à l’état de santé des personnes.
- Cela peut signifier que la proportion de personnes ayant eu une carrière incomplète est telle que la part de celles reconnues inaptes (et pouvant partir à ce titre à l’âge minimal) ne suffit pas à contrebalancer, en termes d’impact sur l’âge moyen de départ, la proportion élevée de celles qui doivent attendre 67 ans pour liquider leur retraite à taux plein.
L’étude recense quinze métiers avec la part de départs précoces de l’emploi la plus élevée pour cause de chômage, de santé, de conditions de travail contraignantes…
- du second œuvre du bâtiment, de la mécanique ou de la métallurgie, caissiers et employés de service, ouvriers de la manutention, aides à domicile, cuisiniers,
- Plus de 50 % pour des conditions de travail contraignantes : patrons et cadres d’hôtels, cafés, restaurants, professions de l’action culturelle, sportive et surveillants, ouvriers qualifiés de l’électricité et de l’électronique.
Cet étude confirme la difficulté pour les travailleurs de certains métiers de se tenir en bonne santé passé 50 ans. 59 % considèrent que leur travail est mentalement éprouvant, près de la moitié qu’il impacte négativement leur santé physique. D’après Eurofound, Agence européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, 39 % des Français disent que leur travail menace leur santé, soit 5 points de plus que la moyenne européenne.

Référence
- Quel âge de départ à la retraite après quel Métier ?
https://www.ipp.eu/actualites/quel-age-de-depart-a-la-retraite-apres-quel-metier/