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Les fins de carrière perturbées par la réforme des retraites

samedi 16 septembre 2023

Au 1er septembre 2023, l’âge légal de départ à la retraite est passé à 62 ans et trois mois pour les personnes nées à partir du 1er septembre 1961. L’âge de départ sera décalé de trois mois chaque année pour atteindre 64 ans en 2030.

Les bénéficiaires des congés « fins de carrière » et des « temps partiels séniors », nés après le 1er septembre 1961, sont concernés par le recul de l’âge de départ en retraite. Cela contraint les salariés et leurs employeurs à changer leurs plans et leurs accords : les entreprises sont-elles prêtes à renégocier leurs accords ? Les salariés souhaitent-ils travailler plus longtemps ? Que faire pour ceux qui ont déjà quitté l’entreprise et déménagé ? Doivent-ils s’inscrire au chômage ? Doivent-ils revenir dans leur entreprise ?

  • Au 1er janvier 2024, ce sont les salariés nés en 1962 qui resteront six mois de plus au travail.
  • En 2030, les salariés devront travailler deux années de plus, pour atteindre 64 ans.
  • Chaque année, les salariés seront donc de plus en plus nombreux à prolonger leur présence dans l’entreprise.

Quelques accords d’entreprises comportent des clauses de sauvegarde en cas de réforme : c’est le cas d’Orange. Les accords négociés depuis 2018 comportent une clause de sauvegarde : « Dans l’hypothèse d’un allongement des durées de cotisations ou d’une modification de l’âge de départ en retraite après l’entrée d’un salarié dans un dispositif TPS (temps partiel sénior), le salarié verra son TPS prolongé au-delà de la date initialement prévue, en temps libéré. Cette prolongation fera l’objet d’un nouvel avenant/protocole TPS entre le salarié et l’employeur ».

  • La direction du groupe a confirmé que les salariés concernés par le temps partiel sénior se verront appliquer la clause de sauvegarde. Ce temps partiel sénior est scindé en deux : une partie s’effectue à temps plein (les deux premières années), la seconde est totalement libérée (la dernière année).
  • La prolongation concerne bien la seconde partie pendant lequel le salarié est en inactivité.
  • Les nouveaux départs se feront en fonction de deux paramètres : le nouvel âge de départ à taux plein, 62 ans et 3 mois pour les assurés nés en 1961, 62 ans et 6 mois pour les assurés né en 1962 et de la nouvelle durée de cotisation (172 trimestres).

Toutes les entreprises n’ont pas anticipé de telles clauses de sauvegarde : certaines grandes entreprises, lors de leur CSE central, ont déjà répondu positivement sur leur engagement à financer les 3 mois de décalage :

  • C’est le cas chez Airbus « Les salariés ont déjà reçu leurs courriers » confirme la CGC.
  • Chez Renault Trucks SAS « quelques personnes sont concernées, uniquement celles qui font valoir leurs droits à partir du 1er septembre. Elles resteront en dispense d’activité pendant 3 mois supplémentaires, après le 31 décembre 2023 » selon la CFDT, « elles percevront une allocation entre 70 % et 75 % du pourcentage du salaire mensuel moyen, totalement prise en charge par l’entreprise » (prolongation de l’accord ruptures conventionnelles collectives).
  • Chez Stellantis France, FO confirme la réception d’un courrier aux délégués syndicaux centraux, pour confirmer la poursuite des dispositifs jusqu’au départ des salariés concernés par le nouvel âge légal.

D’autres entreprises vont relancer des négociations : c’est le cas de Safran, pour statuer sur le sort des salariés expérimentés qui ont quitté l’entreprise avant la promulgation de la loi du 14 avril 2023. Plusieurs dispositifs permettent de partir de l’entreprise jusqu’à 3 ans avant la date effective de la retraite : les mesures relatives à la pénibilité, le temps partiel sénior, le compte épargne-temps mais aussi la conversion de l’indemnité supra légale de départ à la retraite en temps (jusqu’à 4 mois) :

  • « La direction ne souhaite pas faire revenir les gens, mais elle pourrait leur proposer d’utiliser leur reliquat de droits relatifs à l’indemnité de départ à la retraite pour combler les trimestres manquants avant une participation de l’entreprise » confirme un délégué syndical.

Certaines entreprises disent ne pas avoir les moyens d’assurer cette rallonge : des salariés du groupe nucléaire Orano, en congés de fin de carrière (ils n’ont pas liquidé leurs droits à la retraite), ont reçu un courrier de leur entreprise qui leur annonce qu’à la suite de la loi retraite ils doivent soit reprendre leur travail, soit perdre leur salaire.
« Impossible de compenser les 3 mois manquants » confirme le directeur de l’AFPA, (7 000 salariés). Le DRH prévoit de recontacter les salariés qui ont quitté l’entreprise afin de proposer aux salariés lésés 3 options :

  • Revenir pour effectuer une mission ponctuelle si cela s’avère possible ;
  • Donner un trimestre sans solde ;
  • Lisser leur rémunération jusqu’à leur nouvelle date de départ à la retraite.

Dans beaucoup d’entreprises, il n’y a pas encore eu de prises de décisions : chez Sanofi « c’est le flou artistique » déclare la CGT.
À la rencontre des entrepreneurs de France (REF), organisée par le Medef, fin août, peu de patrons avaient commencé à réfléchir à l’impact de la réforme des retraites pour eux « c’est trop tôt » disent-ils. Cela pose beaucoup de questions, les salariés doivent-ils reprendre leur travail ? Si oui :

  • Les salariés peuvent-ils rester au même poste ?
  • Faut-il inciter aux temps partiels ?
  • Faut-il favoriser la retraite progressive ?
  • Faut-il la même politique pour toute l’entreprise ou laisser le choix à chaque division ?

Les employeurs vont devoir renégocier leurs dispositifs de fin de carrière, temps partiel séniors, utilisation du compte épargne temps (CET), départs anticipés, pour en modifier les bornes d’âge. En contrepartie la réforme des retraites modifie le compte pénibilité, ce qui permettra au salarié d’augmenter son nombre de points et le cumul emploi-retraite ouvre de nouveaux droits et modifie les critères des carrières longues.


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