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Les clés du social : Dispositifs de partage de la valeur et salaires, concurrence ou complémentarité ?

Dispositifs de partage de la valeur et salaires, concurrence ou complémentarité ?

Publié le 10 mai 2025 / Temps de lecture estimé : 5 mn

Une étude sur les dispositifs de partage de la valeur en fonction des caractéristiques des entreprises vient d’être publiée par France Stratégie. Elle fait le point dans une première partie du rapport sur les différentes études réalisées dans ce domaine depuis les années 90 complétée, dans sa deuxième partie, par une enquête auprès d’experts et de responsables d’entreprise sur les dispositifs actuels et plus anciens et leur influence en fonction des entreprises sur les politiques de rémunération.

On peut retenir de la première partie que les dispositifs de partage de la valeur ne peuvent atteindre leurs objectifs d’efficacité économique et sociale que s’ils sont accompagnés d’une politique dynamique et participative de relations sociales dans l’entreprise, contraire à un modèle hiérarchisé et vertical encore trop souvent pratiqué dans les entreprises.

Quelles logiques d’usage des dispositifs de partage de la valeur suivant les caractéristiques de l’entreprise ?

La deuxième partie du rapport porte sur le retour d’une enquête qualitative effectuée en 2023-2024 auprès de responsables d’entreprise et de tables rondes regroupant des dirigeants d’entreprises, des experts et des responsables syndicaux. On regrettera toutefois que des responsables syndicaux d’entreprise n’aient pas été consultés au même titre que leurs employeurs pour donner leur point de vue sur le sujet.

L’objectif de ce travail était de produire « une analyse qualitative… sur l’existence et l’ampleur des dispositifs de partage de la valeur dans les entreprises, ainsi que sur les différences d’accès entre salariés » alors qu’en 2022, 53 % des salariés étaient couverts par de tels dispositifs mais seulement 19,9 % des salariés des entreprises de moins de 50 salariés.

De quels dispositifs parlons-nous ?

Sans rentrer dans les détails, Clés du social en a souvent parlé (voir en bas de page les articles connexes), il s’agit d’anciens dispositifs tels que la participation, l’intéressement mais aussi la prime de partage de la valeur (PPV) dite « prime Macron » ou encore tous les dispositifs d’épargne salariale ainsi que l’actionnariat salarié.

Quels usages suivant les caractéristiques des entreprises ?

L’usage de ces outils peut être différent en fonction de facteurs structurels tels que la taille de l’entreprise, le type de main œuvre employée, le secteur d’activité ou la répartition du capital mais aussi en fonction de la conjoncture économique plus ou moins stable et prévisible, le marché du travail, etc...

La taille des entreprises, facteur déterminant

Plus la taille l’entreprise est petite, moins elle est prête à faire évoluer l’usage des dispositifs : difficulté de suivre l’actualité sociale et de s’approprier les outils et leurs évolutions notamment sur les exonérations fiscales et sociales pour évaluer les coûts et avantages de telle ou telle mesure et en envisager de nouvelles. Finalement, elles se limitent aux dispositifs existants qui ont fait leur preuve, souvent les plus anciens et plus particulièrement la participation et l’intéressement. Pourquoi changer une formule qui gagne ?

D’autre part, dans ces entreprises les politiques de rémunération et l’utilisation des dispositifs de partage de la valeur sont liés très souvent à l’histoire sociale de l’entreprise et la sensibilité sociale ou non de ses dirigeants et le mode de management hiérarchisé, vertical ou non.

Au final, les grandes entreprises ont plus de moyens pour être réactives ou s’adapter aux changements et en tirer le meilleur parti.

Usages différents suivant la catégorie de main d’œuvre

Les entreprises inscrivent leur recours aux dispositifs de partage de la valeur dans leur politique globale de rémunération et donc proposent souvent des outils différents suivant les catégories. Des entreprises effectuent même un bilan social individuel récapitulant l’ensemble des rémunérations et avantages sociaux perçus.

Quand il s’agit d’attirer et de fidéliser une main d’œuvre qualifiée, l’entreprise recherchera plutôt des valeurs sûres sur le long terme telles que la participation et l’intéressement. L’intéressement par sa souplesse d’application permet de toucher aussi des publics ciblés pour répondre à cet objectif de pouvoir d’achat. Pour les moins qualifiés, elle proposera plutôt le recours à la prime de partage de la valeur qui répond à un besoin immédiat de maintien ou de progression de pouvoir d’achat.

Pour les cadres, l’actionnariat salarié ou les dispositifs d’épargne salariale peuvent être un facteur d’attractivité.

Des différences aussi dépendantes des modèles d’entreprise notamment pour les groupes

Suivant le degré d’autonomie à l’intérieur d’un groupe, il peut y avoir des différences de traitement et de mesures qui peuvent susciter des tensions entre les entités et leurs salariés. L’utilisation de fonds d’épargne salariale communs peut constituer une solution pour créer plus de cohésion.

Un dialogue social pas toujours maîtrisé

Si l’épargne salariale est le premier thème de textes produits dans les entreprises (44 % des textes), beaucoup le sont en dehors de toute présence syndicale (soit par décision unilatérale de l’employeur, soit avec des élus sans étiquette, ou par référendum). D’autre part, beaucoup d’entreprises s’inspirent des textes types produits par l’administration, ce qui réduit d’autant les marges de manœuvre ou d’imagination pour définir les outils et les critères.

S’agissant d’une matière technique parfois difficile à appréhender notamment par les représentants du personnel d’après les responsables d’entreprise dans l’enquête, certains employeurs regrettent le caractère binaire de certaines réactions syndicales (approbation sans discussion ou opposition de principe). C’est notamment le cas des négociations sur l’intéressement. On aurait aimé connaître le point de vue des représentants des salariés sur cette question…

Les employeurs ont aussi parfois du mal à établir l’équilibre entre une réelle incertitude liée à des critères pas toujours faciles à appréhender et le réflexe de type « avantage acquis » vécu par certains salariés qui vient à l’encontre de l’objectif de motivation des salariés pour réaliser les objectifs.

Éternel débat : complémentarité ou substitution ?

L’accord de février 2023 sur le partage de la valeur le stipule bien : les dispositifs de partage de la valeur ne peuvent pas se substituer à la politique salariale. Dans la pratique, les responsables d’entreprise pensent que « c’est une vue de l’esprit ».

Le fait, par exemple, que la négociation de la prime de partage de la valeur soit annuelle l’intègre de fait dans la NAO sur les salaires. D’ailleurs, plus largement, les directions mais aussi les organisations syndicales font le lien entre politique salariale et partage de la valeur qu’ils globalisent dans la politique générale de rémunération de l’entreprise.

Il y a très clairement des vases communicants entre les deux. Ainsi, dès que la PPV a été moins attractive sur le plan fiscal, son utilisation s’est essoufflée ou son montant a nettement diminué. Les employeurs ont constaté qu’elle n’avait d’ailleurs pas ou peu d’impact sur la motivation des salariés. Par ailleurs, dans le cadre des négociations salariales, les dispositifs de partage de la valeur peuvent utilement servir d’échange ou de compensation pour parvenir à un accord global sur les rémunérations.

Atteindre les objectifs recherchés par ces dispositifs d’amélioration de la productivité, de motivation des salariés et de leur engagement ne peut que s’accompagner d’une politique globale de ressource humaine qui allie reconnaissance réelle par le salaire, politique de management ouverte, favorisant le dialogue professionnel. Autre condition indispensable : un dialogue social riche.


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Source :
https://www.strategie.gouv.fr/.../PartagevaleurrapportfinalAprèscommentairesdesmembres.....pdf