mercredi 22 octobre 2014
On estime à un million le nombre de travailleurs européens qui travaillent dans un autre pays européen que le leur, détachés dans le cadre d’une prestation de service. Le BTP y est pour beaucoup.
Depuis l’origine (la première directive date de 1996), on a cherché à éviter que ce détachement ne soit source d’exploitation pour les salariés concernés. Mais on l’a fait imparfaitement (point 1) et en oubliant que le ressort même de la prestation de service transeuropéenne est, pour celui qui en bénéficie, c’est-à-dire le donneur d’ordre, d’y gagner par rapport à ce qui lui en coûterait de recourir à la main d’œuvre de son pays (point 2).
1. La protection des travailleurs détachés reste imparfaite.
La directive européenne de 1996 prévoit des mesures de protection importantes mais insuffisantes.
On retiendra pour l’essentiel que :
2. Le risque de dumping social n’est pas neutralisé.
Il résulte de ce qui vient d’être rappelé que dans tous les cas il est plus intéressant financièrement pour un donneur d’ordre français de recourir à un prestataire de service d’un pays à régime social moins favorable qu’aux salariés de son propre pays. C’est là la motivation quasi exclusive du détachement, car les exemples de détachements justifiés par la recherche de qualifications ou spécialisations rares sont exceptionnels.
La concurrence intra-européenne par le social est donc admise et pratiquée. C’est la liberté de circulation des personnes et des services qui est privilégiée, au détriment de la protection sociale.
Certes la législation française a anticipé ce qu’une directive européenne révisée autorisera bientôt, en introduisant une responsabilité solidaire du donneur d’ordre en cas de défaillance du prestataire de service (voir « Clés du social » du 16 août 2014 [1]). Si ce dernier est défaillant ou a fraudé, le donneur d’ordre lui sera substitué pour respecter les obligations sociales qui auront été oubliées.
Mais il n’en reste pas moins que les responsables européens sont pas allés aussi loin qu’il le faudrait pour imposer que les salariés détachés le soient aux mêmes conditions que les salariés nationaux de niveau et compétences équivalents dans le secteur concerné.
Non seulement ils ont renoncé à imposer que les cotisations sociales soient celles du pays d’accueil - et non pas celles du pays d’origine, alors que c’est là que réside l’essentiel du différentiel de coûts et qu’une solution technique de reversement aux organismes des pays d’origine était envisageable -, mais la Commission vient de tancer la Belgique qui a décidé, par la loi, d’étendre la responsabilité du donneur d’ordre au paiement des cotisations sociales belges en cas de fraude du prestataire de service. Elle estime que le problème doit être réglé par signalement à l’administration du pays d’origine, à charge pour lui d’agir pour sanctionner la fraude… Un processus aléatoire qui prendra des mois, laissant libre le délinquant de finir sa prestation et de disparaître impunément…
Il reste donc bien du progrès à accomplir pour que le détachement des travailleurs ne soit pas source de dumping social…
Mais cela ne doit pas empêcher les syndicats de s’emparer des moyens légaux existants pour combattre les abus, même s’ils sont limités, car l’action des administrations du travail n’y suffira pas…