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Référendum en entreprise : une démocratie d’opinion

samedi 5 décembre 2015

Les nouvelles technologies nous apportent une masse d’informations. Impossible de les vérifier toutes, nous manquons d’experts ! Cette situation sème le doute, on ne fait plus confiance à personne. Cette méfiance fait perdre toute crédibilité aux corps intermédiaires et notamment aux syndicats. La démocratie représentative est rejetée. Les élus sont reniés au profit de la démocratie d’opinion : un vote simple, rapide pour une question simple basée sur une réflexion binaire.

Dans les années 1970, l’autogestion était défendue par la CFDT. L’autogestion « c’est le fait que des personnes qui sont dans un même rapport à un objet ou une institution ont la capacité de délibérer collectivement pour en organiser la gestion. » (Pierre Rosanvallon). Ex : une autogestion de conseils syndicaux de copropriétaires ou une autogestion d’un atelier composé de personnes ayant le même statut.

Dans le référendum en entreprise organisé par le patron, les protagonistes sont loin d’avoir le même rapport au pouvoir. Les salariés ont un lien de subordination avec leurs employeurs, les cadres sont plus autonomes, souvent libres d’organiser leur travail et parfois en responsabilité, les ouvriers ont peu de marge de manœuvre dans l’organisation de leur travail ou dans leurs horaires.

Un des référendums le plus médiatisé a été celui organisé par l’employeur de l’usine SMART autour de l’allongement du temps de travail : « Voulez-vous travailler 39 heures au lieu de 35 heures sans augmentation de salaire, en échange d’une garantie d’emploi jusqu’en 2020 ? » avec, bien sûr, des rumeurs autour de licenciements si le vote était négatif. Aucune expertise du comité d’entreprise n’était demandée pour vérification de l’état de santé de l’entreprise. 74 % des cadres ont voté oui alors qu’ils n’étaient que 39 % à voter oui côté ouvriers. La réalité du travail n’est pas la même pour ces deux types de salariés. Les médias, se sont emparés de l’affaire et au nom de la liberté ont soutenu l’employeur. Les syndicats CFDT et CGT se sont opposés à cette position demandant expertise,et négociations avec l’entreprise. « Un jeu de dupes, ce référendum » dit la CFDT. Pourquoi ? La démocratie ne s’arrête pas au vote décidé par l’employeur au détriment de l’organisation des instances de l’entreprise. La démocratie dans l’entreprise est garantie par plusieurs institutions, dont le comité d’entreprise qui se porte garant d’un corpus de règles garantissant le vivre ensemble négocié au nom de l’intérêt général pour les salariés et l’entreprise.

Un risque juridique ? : Entre le référendum « passage en force », qui vise à faire basculer le rapport de force entre les représentants des salariés et la direction, et le référendum « participatif », destiné à conforter un processus de négociation et à légitimer la stratégie collaborative des acteurs collectifs engagés, la distinction est ténue. Mais, le référendum SMART a été organisé en pleine négociation annuelle obligatoire (NAO). Or il est interdit de choisir un autre partenaire que les organisations syndicales représentatives de l’entreprise. N’est-ce pas ce qu’a fait l’employeur, lorsqu’il a organisé la consultation des salariés avant de conclure un accord avec les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise ?

Le Président de la République et la Ministre du Travail Myriam El Khomri ont exprimé leurs réserves sur le référendum en entreprise : « Le référendum d’entreprise, je n’y crois pas, je n’y suis pas favorable. Je crois aux syndicats dans notre pays. Pour moi, les corps intermédiaires sont importants, ils représentent les salariés, ils ont été élus par eux. »

Suite au rapport Combrexelle, la réforme que prépare la Ministre : donnera, dit-elle « plus de place à la négociation d’entreprise ou de branche. Elle donnera plus de souplesse aux entreprises et rendra plus lisible le droit ».


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