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Pouvoir d’achat : les plus modestes pénalisés

mercredi 11 octobre 2023

La question du pouvoir d’achat est devenue centrale en cette rentrée 2023. Qu’en est-il réellement entre ressenti, buzz médiatique et réalité objective alors que les études paraissent contradictoires. Plutôt optimiste sur le moyen terme, le bulletin de la Banque de France nous aide à y voir plus clair. D’autres études issues de cabinets de recrutement, dont la presse fait état, laissent penser que certains salariés ne s’en tirent pas trop mal. Mais face au contenu de l’inflation, la structure de consommation des différentes catégories sociales est un élément déterminant de l’appréciation que l’on peut porter sur l’évolution du pouvoir d’achat.

Qu’en est-il de l’inflation ?

Après les derniers chiffres de l’inflation qui marquent, sauf pour l’énergie, un certain ralentissement, la Banque de France attend un retour progressif à 2 % d’inflation en 2025. Vers la fin 2023, elle se situerait à 5,8 % en moyenne sur l’ensemble de l’année 2023. Elle devrait continuer de baisser en 2024 et 2025 malgré le niveau actuel de l’énergie et des produits alimentaires et la persistance de l’inflation sur le prix des services.

Quand on décompose la contribution des différents facteurs à l’inflation, ce sont les prix de l’énergie qui ont contribué le plus à l’inflation en 2022 et le coût des produits alimentaires en 2023 avec des hausses de l’ordre de 12 à 13 % sur un an. Ce sont ces facteurs d’augmentation qui ont le plus touché les ménages modestes. Une étude de l’INSEE [1] montre qu’en 2017, la consommation des produits alimentaires représentait 18,3 % du budget des 20 % des ménages les moins riches alors que cela ne représentait que 14,2 % des dépenses des 20 % les plus riches.

Et les salaires ?

Toujours selon la Banque de France, l’augmentation du salaire moyen est de 5 % au deuxième trimestre 2023 en moyenne annelle engendrant une nouvelle baisse du pouvoir d’achat cette année. Mais le pouvoir d’achat du salaire moyen par tête (SMPT) devrait de nouveau progresser en 2024 et 2025. Toutefois, les bas salaires pourraient perdre encore du pouvoir d’achat si, par ailleurs, le bouclier tarifaire venait à diminuer.

Les cabinets de recrutement confirment cette analyse de la banque de France sur le moyen terme et considèrent, même au vu des enquêtes effectuées auprès de leurs entreprises clientes, une progression dès 2023. Il faut dire que beaucoup d’accords d’entreprise, notamment les plus grandes, ont anticipé une inflation supérieure à celle réellement enregistrée en 2023.

Des salariés plus exigeants…

Ces cabinets ont par ailleurs constaté que la structure des augmentations de salaires s’est modifiée avec le retour de l’inflation. Ainsi, les augmentations générales de salaire ont été négociées ou appliquées par les entreprises à un niveau que nous n’avions pas connu depuis longtemps. De plus, selon le cabinet LHH reprise par le journal Le Monde, les entreprises qu’elles ont interrogées ont permis de compenser l’augmentation des prix avec des avantages divers et notamment la prime de partage de la valeur. 45 % d’entre elles auraient utilisé cette prime dite prime Macron pour une moyenne de 800 euros. Il semble aussi que pour attirer de nouveaux talents, les entreprises aient aussi plutôt privilégié des propositions salariales fixes plutôt que des avantages variables pourtant souvent plus rémunérateurs. Les candidats semblent aujourd’hui plus attirés par les revenus sûrs que par le passé.

…mais les femmes et les séniors plutôt défavorisés

Des rémunérations dont tout le monde ne semble pas avoir bénéficié puisqu’un autre cabinet de recrutement (PageGroup) révélait dans une étude reprise par le journal Les Échos que 45 % des femmes et 48 % des 45-65 ans déclaraient n’avoir perçu aucune augmentation au cours des 12 derniers mois…C’est aussi le cas pour les travailleurs de nombreuses PME. Toutefois les salariés qui travaillent à plein temps au Smic ont été préservés avec les augmentations successives du Smic et les aides publiques (voir l’article de Clés du social paru le 27 septembre [2]).


En résumé, si globalement le niveau de rémunération des salariés a pu se maintenir à un niveau proche de l’inflation et si, comme le prévoit la Banque de France, la situation devrait s’améliorer, cela n’a pas été le cas pour un certain nombre d’entre eux. Les salariés les plus modestes sont tout de même à la peine pour faire face aux augmentations des prix de l’énergie et des produits alimentaires. Là où des mesures salariales n’auront pas été appliquées, notamment là où il n’y a pas de présence syndicale et plus particulièrement dans les petites entreprises et pour les personnes sans emploi ou avec des contrats précaires ou en temps très partiel, l’année 2023 comme celle de 2022 se révélera être une année noire pour le pouvoir d’achat. De quoi inciter à la syndicalisation dans ces entreprises et à la vigilance dans les négociations d’entreprises et de branche.

Dans ce contexte difficile sur la question essentielle du pouvoir d’achat, les attentes sont fortes sur la conférence sociale du 16 octobre 2023 concernant la négociation de branches sur les bas salaires ainsi que sur la concertation salariale dans la fonction publique.


Source


Notes :

[1Insee Les ménages les plus modestes dépensent davantage pour leur logement et les plus aisés pour les transports https://www.insee.fr/fr/statistiques/4764315