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Modernisation du dialogue social : la loi du 31 janvier 2007 …et depuis ?

samedi 14 mai 2022

À l’heure où les partenaires sociaux reposent la question de l’articulation de la démocratie sociale et de la démocratie politique et de leur rôle dans la création des droits sociaux, il peut être utile de faire un retour sur l’évolution de leur place dans la définition des règles qui régissent le monde du travail, avec l’exemple d’une loi centrale, pas toujours appliquée, celle du 31 janvier 2007.

La France, traditionnellement un pays de lois

Depuis la Révolution française, la France est le pays des lois, avec l’ambition de couvrir par de mêmes textes nationaux toutes les réalités présentes sur le territoire. Car c’est la Révolution, avec la loi Le Chapelier de1791, qui interdit l’existence des corporations donc toute organisation ouvrière. Quelques lois concernant le travail sont élaborées au cours du XIXème siècle : travail des enfants, droit de grève, syndicats, accidents du travail, entre autres. La loi Le Chapelier ne sera abolie qu’en 1864 et loi relative à la création des syndicats professionnels (dite loi Waldeck-Rousseau) et qui les autorise est enfin votée le 21 mars 1884. Et il faut attendre 1919 pour que soit créé le droit à des conventions collectives, démarrant ainsi officiellement la négociation collective. Mais la loi restait la source essentielle des règles du travail.

Cela change à partir de 1982 avec les lois Auroux qui, entre autres, créent l’obligation annuelle de négocier : les fameuses NAO, négociations obligatoires annuelles [1] sur les salaires, organisation et durée du travail. Cela multiplie les négociations d’entreprises et fait entrer un plus de dialogue social dans les entreprises (sauf TPE-PME).

Plus récemment, la loi du 4 mai 2004 permet aux accords d’entreprise de déroger pour la première fois au « principe de faveur », c’est-à dire à l’obligation d’être mieux disant que les accords collectifs supérieurs auxquels l’entreprise est rattachée.

La loi du 31 janvier 2007, dite « loi Larcher »

Mais le dialogue social restait limité et, aux yeux de beaucoup, restait très en retard par rapport à d’autres pays (Allemagne, Suède, etc.) et au processus européen où, depuis le traité de Maastricht du 20 septembre 1992, tout projet de législation sociale européenne devait passer par une procédure obligatoire de consultation des partenaires sociaux par la Commission européenne, pouvant donner lieu, s’ils le souhaitent, à une négociation entre eux (maximum 9 mois).

De plus en 2006-2007 les temps étaient très orageux avec le projet du gouvernement de créer un « contrat première embauche » que bien sûr les syndicats refusaient. De nombreuses voix s’élevaient pour demander une modernisation du dialogue social, au lieu d’un fonctionnement avec tensions récurrentes et incompréhensions entre l’État et les partenaires sociaux. Le ministre du Travail, Gérard Larcher, en était convaincu et fit adopter la loi « de modernisation du dialogue social » du 31 janvier 2007, très courte mais essentielle, d’autant plus qu’elle est devenue l’article L1 du Code du travail.
« Tout projet de réforme envisagé par le Gouvernement qui porte sur les relations individuelles et collectives du travail, l’emploi et la formation professionnelle et qui relève du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle fait l’objet d’une concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel en vue de l’ouverture éventuelle d’une telle négociation ». Même si le texte précise que « le présent article n’est pas applicable en cas d’urgence », ce qui crée une incertitude par la non-définition de ce concept, la loi instaure une méthode de préparation des lois sociales par le développement de la négociation préalable.

Ainsi, quand le gouvernement prévoit de faire une loi sociale, il doit d’abord transmettre aux partenaires sociaux un document comportant « des éléments de diagnostic, les objectifs poursuivis et les principales options ». Les partenaires sociaux décident ou non de négocier sur le sujet. Et après négociation et/ou concertation, le gouvernement rédige son projet de loi, le transmet pour avis au conseil de concertation nationale compétent, puis le transmet au Parlement pour discussion et vote.

Une loi inégalement appliquée

Les premiers temps de son existence, effectivement la négociation a précédé des lois, tel l’ANI du 11 janvier 2008 repris par la loi du 25 juin 2008 de « modernisation du marché du travail » (suppression du contrat première embauche, rupture conventionnelle, CDD à objet défini, légalisation du portage salarial…) puis la loi du 20 aout 2008 de « rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail », dont les règles de représentativité qui, basées sur les suffrages, renforcent la légitimité des syndicats. Ce processus avec négociation a permis une meilleure intégration des réalités du terrain, une meilleure stabilité des textes, une application plus consensuelle.

Mais pourtant, cela ne dure pas toujours, notamment en fins de quinquennats. C’est le cas lors de la fin de celui de Nicolas Sarkozy, qui a imposé les accords de compétitivité pouvant modifier, sans leur accord, le temps de travail et le salaire de salariés, pendant une période de difficultés de l’entreprise. De la même façon, le quinquennat de François Hollande débute par la négociation de sécurisation de l’emploi avec un ANI le 11 janvier 2013 (généralisation de la complémentaire santé, droits rechargeables au chômage, incitation à la négociation des PSE) repris par la loi du 14 juin 2013 ainsi que quelques autres textes. Mais il se termine par la loi Travail, avec conflit social et usage du 49.3.

Quant au quinquennat qui vient de se terminer, il n’a pas vraiment été marqué par la concertation et la négociation avec les partenaires sociaux, fonctionnant à ses débuts par des ordonnances, non incluses dans la loi Larcher de même que les propositions de loi, pour modifier les règles du travail et du dialogue social en entreprise, sans véritable concertation avec les partenaires sociaux. Si la pandémie a amené à plus de concertation, la question reste entièrement posée. Seule, la loi Santé au travail [2], pourtant issue d’une proposition de loi d’un duo de députées, dont Charlotte Lecocq qui avait produit un rapport sur la question, a été pour la première fois précédée de la négociation des partenaires sociaux…



Il n’est donc pas étonnant que les partenaires sociaux, mécontents de ces relations aient relancé leurs discussions et négociation et ont élaboré un projet d’accord national sur le paritarisme actuellement à la signature, accepté par le patronat et 3 syndicats (CFDT, CFTC, CFE-CGC) et en attente de la décision de FO, signe qu’ils veulent peser pour que les relations entre l’État et les partenaires sociaux évoluent vers une meilleure reconnaissance de leur place et de leur rôle dans l’élaboration des règles sociales et dans la définition de l’intérêt général.


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