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Assises du travail : une réflexion de fond sur les évolutions et le sens du travail

mercredi 10 mai 2023

Le 24 avril 2023 le rapport des « garants » des Assises du travail a été remis officiellement au ministre du Travail Olivier Dussopt. Ce rapport intitulé « Reconsidérer le travail » fait 17 recommandations qui reprennent les conclusions des travaux menés lors de ces Assises. Elles ont débuté le 2 décembre 2022 sous l’égide du ministre du Travail répondant ainsi à une demande de la CFDT dans le cadre du Conseil national de la refondation (CNR).

Les Assises du travail

Répondant ainsi à une demande de la CFDT au Conseil National de la refondation (le CNR), le ministre du Travail, Olivier Dussopt a donc lancé ces « Assises du travail » le 2 décembre 2022, devant de nombreux acteurs économiques, sociaux et associatifs, des universitaires et des spécialistes du monde du travail. À la suite de cette réunion, trois groupes thématiques se sont mis au travail sur les trois grands thèmes mis en débat : le rapport au travail ; la santé qualité de vie au travail ; la démocratie au travail. Parallèlement, des événements ont été organisés dans les territoires. Des contributions individuelles et de la part d’institutions ont été envoyées sur un site dédié et 5 000 réponses à un questionnaire sur le travail sur ce même site. À cela, il faut rajouter un évènement en ligne organisé par l’OIT France et un autre par le CESE qui a abordé la question de la santé au travail et l’environnement.

Supervisées par deux garants, Sophie Thiéry [1] et Jean-Dominique Senard [2], les Assises ont donc rendu leurs conclusions le 24 avril 2023.

Une volonté de redonner du sens

Le titre de ce rapport traduit l’ambition de ces assises « Reconsidérer le travail ». Comme l’a dit Sophie Thiéry lors de la présentation du rapport « Reconsidérer le travail, c’est le penser autrement face aux transformations actuelles, mais c’est aussi mieux le reconnaître ».

Les garants mettent l’accent sur la continuité de ce travail avec celui effectué pour le rapport "L’entreprise, objet d’intérêt collectif" préparatoire à la loi PACTE. Ils constatent la volonté de nombreux jeunes de donner du sens à leur travail. Ils soulignent le rôle fondamental que doit jouer l’encadrement de proximité trop souvent « cantonné à un rôle de contrôleur ». Ils préconisent « l’évolution des pratiques managériales » pour donner « plus de responsabilité, d’autonomie et de reconnaissance aux salariés ». Les recommandations du rapport ont l’ambition de redonner du sens collectif pour « expérimenter de nouvelles idées pour renforcer l’écoute, le dialogue et la prévention des risques pour la santé au travail ». Il s’agit aussi « d’accorder de l’importance à l’équilibre des temps de vie et de la santé au travail » en rendant effective la portabilité des droits indispensable pour « accompagner et anticiper les évolutions ».

Amplifié par la crise du Covid, les bouleversements provoqués par le changement climatique, les évolutions technologiques ou encore l’évolution de notre rapport au travail amènent des mouvements de fond dans notre société. Les demandes d’un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, les nouvelles formes d’emploi, l’allongement des carrières, la recherche de sens et de cohérence réelle entre discours et actions des entreprises dans un contexte de pénurie d’emploi sont des questions auxquelles il faut apporter des réponses.

Les propositions du rapport

Les rapporteurs font donc 17 propositions autour de quatre axes qui devraient déboucher sur des évolutions législatives mais aussi sur des travaux complémentaires notamment au CESE et sur des négociations entre partenaires sociaux. On y retrouve aussi quelques recommandations qui sont contenues dans la feuille de route du gouvernement.

1er axe - Gagner la bataille de la confiance par une révolution des pratiques et en associant les travailleurs

La première proposition du rapport c’est l’instauration d’un rendez-vous annuel pour suivre la mise en œuvre des recommandations des Assises.

Mais ce premier axe propose surtout de révolutionner les pratiques managériales pour passer « de la culture du contrôle à celle de la confiance a priori ». Il faut replacer l’organisation du travail en s’appuyant sur la réalité du travail et en donnant plus d’autonomie aux travailleurs. Il est ainsi proposé de développer la formation de l’encadrement de proximité mais il s’agit aussi de « renouveler la démocratie au travail en généralisant le dialogue professionnel sur l’organisation et la qualité du travail  ».

Le rapport recommande aussi d’organiser le dialogue social en proximité en précisant la place et les missions des représentants de proximité notamment par des négociations de branche et en abaissant le seuil de mise en place des commissions santé, sécurité et conditions de travail.

Il faut aussi d’évaluer et renforcer la responsabilité sociale des entreprises notamment dans les entreprises à mission et plus largement en rendant obligatoire d’aborder à chaque consultation du CE les conséquences physiques et mentales des décisions des entreprises.

2ème axe - Adapter les organisations du travail, favoriser les équilibres temps de vie et accompagner les transitions pour les travailleurs

Le rapport propose au CESE une mission d’évaluation des différentes formes de semaine de 4 jours. Il recommande l’application réelle du droit à la déconnexion en encourageant les chartes des temps et la formation des managers notamment pour repérer les signaux faibles d’épuisement professionnel. Le rapport propose aussi la mise en place d’un dispositif de compte épargne temps « tout au long de la carrière, quel que soit le statut d’emploi ». Il recommande aussi de concevoir une dispositif de diminution progressive d’activité en fin de carrière. Pour favoriser les évolutions professionnelles, il faut renforcer le conseil en évolution professionnelle.

3ème axe - Assurer aux travailleurs des droits effectifs et portables tout au long de leur parcours professionnel

Constatant la difficulté des travailleurs les plus précaires à constituer des droits sociaux et à les utiliser, le rapport fait trois propositions : lancer une mission d’expertise sur le caractère effectif des droits acquis par ces travailleurs ; demander aux partenaires sociaux de généraliser la couverture du risque accidents du travail et maladie professionnelle pour les travailleurs des plateformes de mobilité ; mettre en place un portail unique d’accès aux différents comptes sociaux.

4ème axe - Préserver la santé physique et mentale des travailleurs, un enjeu de performance et de responsabilité pour les organisations

Le rapport reprend le constat que, depuis les années 2000, les accidents du travail ne diminuent plus et insiste sur l’importance de développer la culture de la prévention. Il fait quatre recommandations : ajouter le principe de l’écoute des travailleurs sur la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail et les relations sociales aux neuf principes existants dans la loi en matière de conditions de travail ; développer la culture de la prévention par la formation dans le privé et le public ; encourager le respect des obligations en matière d’identification des risques ; monter en puissance les services de prévention et santé au travail en améliorant l’attractivité du métier de médecin du travail et en développant la pluridisciplinarité.

Des acteurs diversement intéressés

La CFDT, la CFTC et l’UNSA, ont participé activement à ces assises. La CFE-CGC est venue à certaines réunions des groupes de travail. FO et la CGT ont refusé d’y participer. Les organisations patronales représentatives se sont impliquées dans les débats avec toutefois une certaine prudence notamment quand il s’agissait de toucher aux ordonnances de 2017.

La CFDT a donné une appréciation positive sur les propositions du rapport notamment quand il s’agit de donner plus de pouvoir aux travailleurs mais a regretté qu’elles n’aient pas été plus « incisives pour modifier les ordonnances travail ».

L’UNSA a considéré que le rapport donnait des pistes « intéressantes à concrétiser » mais aussi portait des « insuffisances ». Elle a regretté que ces assises ne se soient pas déroulées en amont de la réforme des retraites.

La question du travail, sa place dans la société mais aussi les conditions de son exercice et la démocratie sociale, sont évidemment des sujets essentiels et méritent une réflexion collective qui débouche sur un engagement de toute la société et notamment les pouvoirs publics et les partenaires sociaux. Bien évidemment, le contexte social rend difficile le dialogue dans la période. Les réponses aux questions du travail sont pourtant essentielles et les recommandations faites dans ce rapport sont de nature à y aider.


Source


Notes :

[1Sophie Thiéry est Présidente de la commission travail-emploi du Conseil Economique social et environnemental (CESE) et directrice de l’engagement sociétal chez AESIO Mutuelle.

[2Jean-Dominique Sénard est Président du Conseil d’administration de Renault group et Président du conseil opérationnel de l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi