Si cette situation a permis d’assurer la formation théorique de la très grande majorité des apprentis, elle n’a pas réglé la question des apprentissages « pratiques » qui nécessitent une appropriation personnelle profonde des « gestes professionnels » et de la culture propre au métier. Ce problème se pose d’ailleurs avec la même acuité pour les élèves de la voie professionnelle sous statut scolaire scolarisés en lycées professionnels. Cette question est majeure pour les formés en classe terminale d’un cycle (CAP, BAC PRO, BTS…), qui, même s’ils obtiennent la validation de leurs diplômes via leur livret scolaire, ne seront pas aussi directement « opérationnels » que leurs prédécesseurs. Certains s’interrogent d’ailleurs sur la valeur du diplôme ainsi attribué.
Au-delà des jeunes déjà entrés dans les systèmes par alternance, les centres de formation sont confrontés à leur avenir et à celui de ceux qu’ils accueillent.
En effet,
- Le confinement est tombé en pleine campagne de recrutement et n’a pas permis la mise en place des procédures habituelles pour ce faire, ni aidé les nouveaux CFA d’entreprise (créés suite à la parution de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel de 2018) à se faire connaître.
Des solutions palliatives ont été mises en place : visites de centre de formation virtuelles, demandes d’inscription en ligne, tests de sélection et entretiens par téléphone, jury à distance, visioconférences, salons virtuels…, mais un certain retard sur les admissions persiste [2] .
- La conjoncture économique risque de limiter fortement les embauches, fortement tributaire de l’état du marché du travail et, au-delà de la question de leur volonté ou non de former, de la capacité des entreprises à leur offrir un emploi. Les études du Cereq réalisées depuis une vingtaine d’années montrent bien que la courbe des recrutements en apprentissage suit les tendances de crise et de croissance. De fait, dans toutes les situations de crise, face à l’incertitude, les entreprises renoncent souvent à embaucher. Les premières victimes de cette situation sont les plus jeunes. Il faut cependant noter que cette limitation des embauches d’alternants ne sera sans doute pas la même selon le taille des entreprises (les chercheurs s’accordent pour dire que les effets de la conjoncture économique seront beaucoup plus rapidement néfastes dans les PME ou l’artisanat que dans les grandes entreprises) ou les secteurs professionnels, selon qu’ils aient été ou non fortement touchés par la crise et ses conséquences.
- La crise risque donc d’aggraver les inégalités et de laisser au bord de la route les plus fragiles… Depuis les années 90, le développement de l’apprentissage se fait surtout grâce aux formations assurées dans l’enseignement supérieur. Les jeunes des premiers niveaux de qualification, catégorie de jeunes où il y a le plus de décrocheurs, ne sont pas perçus avec autant d’intérêt par les recruteurs. Ils pâtiront d’autant plus de la situation actuelle.
Pour conclure
L’implication accrue des branches induite par la réforme de 2018 et les choix financiers de France compétences pourraient permettre d’atténuer les effets de la crise ; mais ce sont sans doute les choix politiques de « l’après » crise (revalorisation des métiers aujourd’hui considérés comme peu ou non qualifiés, développement ou non des métiers du grand âge et du « care », « révolution écologique »…) qui auront un effet majeur sur l’avenir des jeunes alternants et des différents centres de formation.
