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Accord sur le paritarisme : les partenaires sociaux marquent leur territoire !

mercredi 18 mai 2022

« Les organisations signataires de cet accord national interprofessionnel, attachées à la démocratie, réaffirment leur détermination à être, pleinement, des acteurs de la consolidation et du renouvellement de la démocratie sociale et de la transformation de la société ». Ce sont par ces mots que débute le préambule du projet d’accord national interprofessionnel du 14 avril 2022 « Pour un paritarisme ambitieux et adapté aux enjeux d’un monde du travail en profonde mutation ». Une façon de montrer que les transformations économiques, sociales et environnementales ne pourront pas se faire sans les partenaires sociaux. Dix ans après l’accord sur le fonctionnement et la modernisation du paritarisme du 17 février 2012, ils ont ainsi réaffirmé « la nécessité et la pertinence d’un dialogue social constructif et ambitieux ».

Cette négociation avait trois objectifs : la construction d’un agenda économique et social paritaire autonome vis-à-vis de l’agenda politique tel qu’il a été mis en œuvre l’an passé et dont cet accord est un des sujets programmés par les partenaires sociaux ; l’articulation des rôles respectifs des partenaires sociaux et de l’État ; la modernisation du paritarisme de gestion.

La place du dialogue social et de la négociation collective

Les partenaires sociaux ont mis noir sur blanc leur conception du dialogue social et de la négociation collective. Au travers de cet accord, ils veulent démontrer combien la démocratie a besoin aujourd’hui de la complémentarité entre démocratie sociale et politique. Ils ont l’ambition de « contribuer à la construction de l’intérêt général et du bien commun ». Affirmant leur autonomie, ils prétendent pouvoir déterminer par eux-mêmes des thèmes de négociation collective et considèrent que la production de normes est partagée entre l’État et les partenaires sociaux. Une clarification utile dans la période.

Les périmètre, domaine et typologie des accords nationaux interprofessionnels

L’accord rappelle le périmètre de la négociation collective nationale interprofessionnelle qui concerne toutes les entreprises et leurs salariés relevant du champ des organisations syndicales nationales interprofessionnelles. Ses domaines portent notamment sur les relations de travail, l’emploi, la formation professionnelle, la santé au travail, la protection sociale, l’accès au logement ou la sécurisation des parcours professionnels ou encore le traitement des « mutations économiques et environnementales majeures qui transforment la société ». Ils peuvent même élargir le champ de la négociation « à tous sujets qu’ils décident de mettre à l’ordre du jour de l’agenda autonome, dès lors qu’il les concerne ».

Une restriction toutefois, le dialogue social territorial ne peut avoir de portée normative, un vieux débat que les organisations nationales semblent avoir voulu trancher définitivement.

Enfin, le texte aborde les types d’accords que les partenaires sociaux peuvent produire : les textes à portée normative, soit directement, soit par transposition législative ; les productions de positionnement des partenaires sociaux ; les productions sur des innovations ou expérimentations qualifiées d’impulsions à visée prospective ou expérimentale.

La construction du dialogue social national interprofessionnel

Le texte d’accord formalise et ritualise l’agenda social autonome des partenaires sociaux. Cet agenda qui devient annuel détermine la liste des chantiers à mettre en œuvre et la liste des accords ou dispositifs à évaluer. Il doit être construit en présence de tous les partenaires sociaux au plus tard le 31 janvier de chaque année. Il fait l’objet d’un relevé de décision.
L’accord institue un « espace de dialogue autonome » permettant de faire, en temps réel, des points de situation économique et sociale, de confronter les points de vue, d’anticiper un certain nombre de mutations et de construire l’agenda social autonome. Il sera aussi chargé de suivre, d’évaluer l’agenda social, de valoriser les accords et d’élaborer un bilan annuel. Il sera en outre chargé d’interpréter les accords nationaux interprofessionnels.

L’application de l’article 1er du code du travail

Pour bien préciser le rôle de l’État en matière de dialogue social, le texte de l’accord reprend les termes de l’article 1er du code du travail issu de la loi Larcher du 31 janvier 2007 qui stipule qu’avant tout projet de texte en matière de relations du travail, emploi ou formation professionnelle ou qui relève de la négociation collective, l’État doit se concerter avec les partenaires sociaux en vue de l’ouverture d’une éventuelle négociation entre eux.
Au-delà des principes, les partenaires sociaux ont tenu à rappeler et préciser quelques règles d’application au vu de l’expérience passée. Ainsi, le document d’orientation du gouvernement ne doit pas être « un document de cadrage », ce qu’il est devenu, et doit « laisser toute sa place à la négociation ». Ils demandent qu’en amont de la production du document d’orientation, il y ait une phase de concertation avec les partenaires sociaux. Le recours à la procédure d’urgence doit être « définie et explicitée » et ne doit pas faire obstacle à la négociation.

Lorsque l’accord est signé et qu’il nécessite une transposition, les partenaires souhaitent qu’elle soit la plus fidèle possible. Les écarts éventuels doivent faire l’objet d’un dialogue permettant d’échanger entre le gouvernement et les signataires. Des projets d’amendements communs pourront être portés à la connaissance des parlementaires.

Moyens et conditions de la négociation collective

La négociation d’un accord doit être précédée d’une phase d’évaluation, de bilan, ou/et d’état des lieux portant notamment sur l’analyse de l’environnement économique et social. La première séance doit préciser l’organisation matérielle de la négociation : la définition paritaire du lieu de la négociation, ce qui laisse entendre qu’elle pourrait avoir lieu ailleurs qu’au Medef comme c’est toujours le cas aujourd’hui ; la définition du nombre de participants dans chaque délégation en encourageant la parité ; la création d’un espace partagé ; la définition d’un calendrier prévisionnel. Pour la loyauté des débats, l’accord précise le délai de diffusion des textes (72 h avant la séance de négociation). Ceux-ci ne doivent pas être diffusés à la presse avant la négociation. Les échanges tenus durant la négociation sont confidentiels mais bien évidemment, chacun garde sa liberté de parole publique.

Adaptation des règles du paritarisme de gestion

Si l’accord traite pour une grande part de la négociation, il aborde aussi le paritarisme de gestion. Difficile de définir des règles communes à tous les organismes qu’ils gèrent depuis très longtemps parfois et qui ont eu souvent des pratiques autonomes et souvent revendiquées. L’accord qui complète celui de 2012 tente de façon assez pragmatique d’avancer tout en laissant à chacun sa part d’autonomie.

Ainsi, de façon très pratique les partenaires sociaux s’engagent à faciliter l’accès aux droits des bénéficiaires en favorisant leur information allant jusqu’à « l’automaticité lorsque cela est pertinent ». Ils s’engagent à formaliser « la raison d’être » des organismes à l’occasion d’une modification des accords constitutifs de ces organismes, de manière à en approfondir le sens et les missions. Ils généraliseront et formaliseront leurs travaux d’évaluation et communiqueront davantage sur les services rendus et la nature des prestations qu’ils offrent Dans un souci de transparence, des rapports seront produits chaque année.

Sur la gestion financière, la question de la « règle d’or » a disparu, renvoyant les principes d’équilibre budgétaire devant être respectés par les organismes gestionnaires à la négociation nationale interprofessionnelle. L’accord rappelle toutefois que « la pérennité des dispositifs paritaires est conditionnée à leur équilibre financier sur un horizon temporel défini en fonction des missions des organismes paritaires ». De même, la négociation prévoira un dispositif d’alerte en cas de risque financier et précisera les conditions de recours à la garantie de l’État.

Quant au financement du paritarisme, l’accord prévoit de confier à l’AGFPN la gestion des dotations aux organisations au plus tard le 1er janvier 2026. La répartition des ressources aux organisations et leur utilisation se feront dans le respect des principes de chaque organisme.

L’accord définit en outre quelques règles de gouvernance concernant le mandat du directeur général, les réunions en distantiel, l’exercice du mandat des administrateurs, ou encore leur formation et les moyens dont ils disposeront. Sur ces deux derniers points, des groupes de travail sont mis en place. Enfin, les décisions continueront à être prises par « vote par tête » et non « par collège » comme le voulaient certaines organisations syndicales. Toute référence à la représentativité a, par ailleurs, été écartée.

Cet accord est le fruit d’une négociation qui a donné lieu à d’âpres discussions tant les sujets sont sensibles et peuvent être confrontés aux principes et aux orientations de chacune des organisations. Mais les négociateurs ont su trouver les compromis nécessaires pour produire un texte qui marque leur volonté de construire ensemble les contours de la démocratie sociale. À l’heure où l’on parle de gouverner autrement, les partenaires passent aux travaux pratiques.

L’accord est déjà validé par les partenaires sociaux. Du côté patronal les trois organisations approuvent l’accord. Du côté syndical, si la CGT sans surprise ne signera pas, la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC ont déjà approuvé le texte. Pour la signature définitive, il faudra attendre la décision de FO qui interviendra après son congrès confédéral qui a lieu du 29 mai au 3 juin à Rouen.


Source

  • Texte du projet d’accord sur le paritarisme à trouver sur l’ensemble des sites syndicaux et patronaux.