Après la crise sanitaire, une hausse durable des accords
La diffusion du télétravail lors de la crise sanitaire liée au covid-19 s’est traduite par une augmentation nette, en 2020 et 2021, du nombre d’accords d’entreprise organisant sa pratique. En 2023 (dernière année examinée par la DARES), le nombre d’accords de télétravail (2 080 accords), bien qu’en recul, reste toujours très supérieur à celui observé avant la crise sanitaire. Les signatures d’avenants à des accords précédemment conclus sur le télétravail progressent quant à elles de 190 en 2019 à 910 en 2022, avant de refluer à 700 en 2023. La part des avenants parmi l’ensemble des textes (accords et avenants) conclus et abordant le télétravail croît sans discontinuer depuis la crise sanitaire.
Qui signe ?
Pour l’année 2023, 73,4 % des accords et avenants sont signés par un délégué syndical, 13,3 % par un élu non mandaté et 7,9 % par un élu ou salarié mandaté. Les approbations par référendum à la majorité des deux tiers des salariés ne concernent que 5,4 % de l’ensemble. Pour cette année-là, l’entreprise est l’unité signataire dans 73,4 % des cas, loin devant l’établissement (14,0 %), l’unité économique et sociale (10,4 %) et le groupe (2,2 %). Fait intéressant, le poids des unités de moins de 50 salariés parmi les signataires d’accords ou avenants portant sur le télétravail augmente nettement sur la période étudiée, ce qui est un signe de la diffusion du télétravail dans toutes les entreprises.
Secteurs et nombre de jours télétravaillés
Les auteurs constatent des dynamiques diverses selon les secteurs d’activité. L’industrie passe ainsi de 15,4 % en 2017 à 20,7 % en 2021, puis reste à un niveau proche jusqu’en 2023 (19,8 %). Le secteur de l’administration publique, de l’enseignement, de la santé et de l’action sociale privés s’élève entre 2017 (12,8 %) et 2023 (17,6 %). À l’inverse, la part du secteur des activités financières et d’assurance décroît sur cette période, de 20,5 % à 10,4 %.
Ces différences peuvent s’expliquer par la nature des activités concernées, plus ou moins propice au télétravail, ainsi que par l’antériorité de la régulation de cette pratique en particulier dans les activités financières et d’assurance. Enfin, deux jours de télétravail par semaine est l’accord le plus fréquent en 2023.
Durée des accords de télétravail
Près de la moitié des accords et avenants de télétravail conclus entre 2019 et 2023 (47,4 %) stipulent explicitement s’appliquer pour une durée indéterminée. Une proportion similaire (47,6 %) précise une période d’application limitée.
Les débats actuels
La Société Générale souhaite réduire le télétravail à un seul jour par semaine, contre deux actuellement dans la plupart des cas. Cette décision a provoqué un appel à la grève pour le moins original. Les organisations syndicales CFDT, CGT, CFTC ont appelé tous les salariés à venir sur site le 3 juillet pour démontrer par l’absurde les conséquences de cette décision sur l’occupation des bureaux et le confort de chacun. Mais cette banque n’est pas seule à réagir dans ce sens. Le 1er juillet, c’était chez Trax, l’entité audiovisuelle de Free, qu’un mouvement social était lancé contre des mesures restreignant le télétravail.
Quelles explications ?
Au moment du déploiement du télétravail à grande échelle en 2020, trois points de blocage avaient été identifiés, au-delà de la cybersécurité. D’abord, l’importance de relations directes, « en présentiel ». Puis, la question de la collaboration étroite, comme le travail créatif ou la résolution de problèmes complexes et enfin, l’injustice de l’accès. Cet argument a été utilisé dans certaines entreprises pour réduire le nombre de jours concernés. Les premiers bilans montrent que ces trois points ont pu être bien traités dans ces entreprises.
A contrario, la durée de l’expérience télétravail depuis 2020 montre que les entreprises ont aussi gagné dans ces opérations : récupération de mètres carrés, confort de vie de leurs salariés, gains de productivité, progression de l’emploi des handicapés…
Un problème de confiance ?
Et si le problème des entreprises aujourd’hui était plutôt la confiance, comme le souligne Jean-Marc Vittori dans Les Échos. La confiance et le passage d’une obligation de moyens à une obligation de résultat. Or, la confiance est faible en France, en particulier la confiance des responsables en entreprise.
C’est différent ailleurs en Europe. Dans une étude publiée en mars, trois chercheurs de l’université suédoise d’Uppsala, Adam Gill, Lena Hensvik et Oskar Nordström Skans, montrent que « la confiance est très corrélée avec le télétravail dans les pays européens », en particulier la confiance des managers. Si les pays nordiques sont en pointe dans le télétravail, c’est d’abord parce que la confiance y est plus grande. Si beaucoup d’entreprises françaises sont tentées par le recul, c’est peut-être d’abord parce que la confiance y est trop faible. Une hypothèse à vérifier dans les mois qui viennent.
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