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Accord AT/MP : les partenaires sociaux offensifs

mercredi 31 mai 2023

Discuté depuis des mois, les partenaires sociaux ont finalisé l’accord national interprofessionnel intitulé « Branche AT/MP : un consensus social réaffirmé par une prévention ambitieuse, une réparation améliorée et une gouvernance paritaire renforcée ». Cet accord prévu dans leur « agenda social autonome » est le prolongement d’une réflexion débouchant sur un diagnostic partagé par l’ensemble des partenaires sociaux représentatifs au niveau national. Son titre résume bien son contenu. La CFDT signe l’accord, la CFE-CGC a donné un avis favorable à l’issue de la négociation, FO et CFTC devraient aussi se prononcer favorablement, la CGT ne signera pas. Les trois organisations patronales ont donné leur accord.

Une volonté de s’engager fortement sur la prévention des risques professionnels

Faisant le constat qu’ils devaient être plus ambitieux dans ce domaine, les partenaires sociaux veulent donner un rôle majeur à la branche AT/MP (Accidents du travail/Maladies professionnelles) dans le dispositif de prévention des risques professionnels en renforçant fortement ses moyens.
Ils entendent mieux identifier en amont les risques professionnels notamment en menant une analyse sur certains risques : « risques ergonomiques, chimiques et biologiques, psychosociaux ou émergents et extérieurs ». Ne pouvant se satisfaire du nombre d’accidents graves et mortels, ils souhaitent élaborer un plan d’action dans ce domaine pour mobiliser les acteurs de la prévention.

Plus largement, l’accord prévoit de mieux coordonner les différents réseaux chargés de la prévention, de mieux communiquer en direction du grand public et de développer des actions vers les entreprises « en faveur de la protection des salariés » notamment en s’appuyant sur les outils existants tels que le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) et en créant de nouveaux outils numériques en direction des TPE-PME. Ils veulent aussi renforcer et augmenter les incitations financières.

Les partenaires sociaux veulent développer la prévention et la prise en compte de l’usure professionnelle ainsi que la désinsertion professionnelle et le maintien dans l’emploi. Ils veulent avoir la maîtrise des fonds concernant l’usure professionnelle au travers du Conseil d’administration de la branche AT/MP. Concernant l’usure professionnelle, les partenaires sociaux ont décidé de reprendre la définition de l’ANACT qui inclut les risques psychosociaux.

Pour accompagner et renforcer son action en matière de prévention, les partenaires décident d’engager des moyens supplémentaires notamment avec une augmentation de 20 % du nombres d’agents spécialistes de la prévention (préventeurs, ingénieurs conseil et contrôleurs de sécurité) mais aussi de moyens supports et d’outils numériques. Une enveloppe de 100 millions d’euros supplémentaires par an y sera consacrée.

Améliorer la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles

Les partenaires sociaux réaffirment dans cet accord leur attachement au « compromis social historique » concernant la réparation des accidents du travail et des risques maladies professionnelles, même si « le diagnostic a mis en exergue un certain nombre de faiblesses et surtout de disparités ». Ils veulent aussi maintenir le système d’indemnisation afin d’éviter une judiciarisation des demandes de reconnaissance des AT/MP.

Pour faire évoluer le système et agir pour une juste réparation, ils veulent ouvrir une réflexion sur la cohérence des dispositifs incapacité/invalidité qui pourrait déboucher sur un nouvel ANI. Ils souhaitent aussi rénover les barèmes pour les rendre plus lisibles et compréhensibles et arriver à une meilleure évaluation des taux d’invalidité permanente.

Pour restituer à la victime si possible l’intégralité de ses capacités, les frais médicaux seront mieux pris en charge et le taux d’invalidité requis pour recourir à une tierce personne va passer de 80 % à 40 %. Ils proposent aussi d’étudier l’opportunité et la faisabilité d’un allongement de la durée de l’allocation temporaire de réinsertion professionnelle.

L’accord propose de mieux former les professionnels de santé sur les risques professionnels. Il s’agit aussi de mieux informer les salariés et les employeurs sur leurs droits et devoirs en la matière. Enfin, l’accord suggère de favoriser le recours amiable ou la médiation en matière de contentieux.

Le dispositif de reconnaissance des maladies professionnelles sera amélioré d’une part par la mise à jour, l’adaptation des tableaux existants et la création de nouveaux tableaux de maladies professionnelles et d’autre part en accélérant les procédures d’instruction et le fonctionnement des comités régionaux de réparation des maladies professionnelles (C2RMP).

Un point important qui a donné lieu à des débats difficiles entre les organisations patronales et syndicales : le taux d’accès à l’indemnisation des maladies professionnelles non ou incomplètement répertoriées dans les tableaux passera de 25 % à 20 % en attendant les résultats d’une analyse effectuée par le comité de suivi de l’accord sur l’impact de cette mesure et la possibilité d’aller plus loin. Les syndicats souhaitent aboutir à un taux de 10 %.

Par ailleurs, la possibilité de l’extension à tous les travailleurs de la prévoyance complémentaire sera étudiée.

La gouvernance de la branche AT/MP

Volonté partagée à la fois par le patronat et les syndicats, l’accord propose de donner à la branche AT/MP une gestion paritaire. Actuellement, la branche a sa propre convention d’objectifs et de gestion (COG) signée avec les tutelles ministérielles. La branche est administrativement rattachée à la CNAM avec une commission (la commission des AT/MP) dépendant du CA de la CNAM.

Les partenaires sociaux veulent maintenant la mise en place d’un Conseil d’administration constitué uniquement à parité des organisations syndicales et patronales représentatives au niveau national. Il serait dirigé par un représentant des employeurs avec deux vice-présidents représentants des salariés. La relation de la branche avec la CNAM et la CNAV serait formalisée par une délégation de gestion. Les partenaires sociaux définiraient eux-mêmes leurs objectifs en complément de la COG.

C’est un point qui nécessitera des évolutions législatives. Même si les partenaires sociaux, compte tenu du contexte politique, estiment que le gouvernement pourrait valider cette orientation, la partie n’est pas pour autant gagnée.

Les partenaires sociaux souhaitent que l’accord soit transposé dans la COG 2023-2027 et sur le plan législatif. Estimant qu’il constitue un ensemble cohérent, la traduction législative devra être fidèle à l’accord « au travers d’un dialogue avec le gouvernement et les parlementaires ».

Issu de l’agenda autonome des partenaires sociaux, ce nouvel accord national, le troisième depuis le début de l’année, démontre une nouvelle fois leur capacité à trouver des compromis positifs à la fois pour les salariés et les entreprises. Une preuve supplémentaire de la vitalité du dialogue social au niveau national interprofessionnel.

Le texte

Source

  • Liaisons sociales quotidien 17/05/2023