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Vous pouvez être licencié pour une photo sur votre compte Messenger prise dans le cadre de votre emploi

mercredi 10 janvier 2024

Petit à petit, le droit du travail s’adapte aux nouvelles technologies et aux nouvelles formes de communication. Ainsi par deux arrêts du 4 octobre 2023, la Cour de cassation a confirmé qu’un employeur peut se servir de photos issues d’un compte Messenger privé pour motiver un licenciement au nom du « droit à la preuve ». Cette décision s’applique aux autres réseaux sociaux, voyons dans quelles circonstances.

Un licenciement pour faute grave

L’affaire concerne une infirmière licenciée pour faute grave. Son employeur, un hôpital, lui reprochait (entre autres motifs) d’avoir participé à une séance photo en maillot de bain sur son lieu de travail et pendant ses horaires de travail dans un contexte alcoolisé. Ces photos avaient été postées sur un groupe privé « Messenger » qui réunissait d’autres collègues de l’hôpital. L’une d’entre elles l’avait signalé à la direction. La salariée avait contesté ce licenciement au motif que les pièces produites par l’employeur relevaient de sa vie privée et qu’il s’agissait de moyens de preuve illicites. La juridiction prud’homale comme la cour d’appel l’avaient déboutée de sa demande.

La motivation de la Cour de cassation

Bien qu’il s’agisse de conversations privées normalement protégées et dont l’employeur ne pouvait pas jusqu’à présent se saisir dans le cadre d’une procédure disciplinaire, la Cour a considéré que, dans la mesure où ces photos avaient été prises sur le lieu de travail, elles révélaient un comportement contraire aux obligations professionnelles de la salariée. Elle a pris en compte aussi les intérêts des patients et de l’hôpital en tant que service public.

Extrait du jugement : « La cour d’appel, qui a fait ressortir que la production des photographies extraites du compte Messenger portant atteinte à la vie privée de la salariée était indispensable à l’exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi, soit la défense de l’intérêt légitime de l’employeur à la protection des patients, confiés aux soins des infirmières employées dans son établissement ».

Le principe du droit à la preuve

Ce droit repose sur les articles 6 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (droit à un procès équitable et droit au respect de la vie privée et familiale), le principe du droit à la preuve consiste à accepter la production d’un mode de preuve a priori non admissible, en mettant en balance les intérêts que le secret protège et les autres intérêts en jeu, dès lors qu’une telle atteinte à la vie privée est proportionnée au regard des intérêts en présence.

Les droits de votre employeur

Un employeur peut parfaitement utiliser des photos postées sur des boucles de messages privés pour enclencher une procédure disciplinaire à l’encontre de ses salariés si l’affaire relève du droit à la preuve. De plus, si ces groupes d’échanges (Messenger, WhatsApp...) sont installés sur un téléphone portable professionnel, tout relève de la sphère professionnelle. Il faut indiquer, pour compléter, que l’employeur disposait d’autres éléments afin de rapporter la preuve des reproches adressés à la salariée, notamment sur les soirées alcoolisées.

En conclusion, au regard de ces deux arrêts, il convient d’alerter les salariés sur ce qui est posté. Une nouvelle mission des militants syndicaux pour informer leurs collègues.


Sources