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UNSA : Un congrès tranquille et une succession en douceur

mercredi 8 mai 2019

L’UNSA, à la faveur de son congrès qui s’est tenu à Rennes du 2 au 4 avril 2019, a montré l’image d’une organisation syndicale confortée dans ses valeurs et ses choix. Le passage de témoin entre Luc Bérille secrétaire général sortant et Laurent Escure nouveau secrétaire général s’est passé sans les difficultés internes qu’ont connues FO l’an passé ou la CGT il y a quelques années. Réformisme et autonomie sont les deux grandes marques de fabrique d’une organisation qui profite de sa jeunesse pour présenter aux yeux de certains salariés une nouvelle offre syndicale. Retour sur un congrès tranquille…

L’UNSA aujourd’hui

Née en 1993 d’un regroupement de la tendance réformiste de l’ex-Fédération de l’Education Nationale avec un certain nombre de syndicats autonomes de la fonction publique et du privé et de la volonté de favoriser le rassemblement des organisations réformistes, l’UNSA apparaît aujourd’hui comme une organisation syndicale à part entière. Elle est constituée de 22 fédérations regroupées dans 8 pôles et de 13 Unions régionales métropolitaines et 5 Unions régionales d’Outre-mer. Elle est dirigée par un Bureau national qui est l’organe politique et un Secrétariat national qui gère l’organisation au quotidien. Un Conseil national réunissant des représentants des pôles, des fédérations et des régions se réunit chaque trimestre.

L’UNSA revendique près de 200 000 adhérents (chiffre non vérifiable) et a obtenu des résultats en progression aux élections professionnelles dans le public et le privé. Dans la fonction publique, en décembre 2018, elle a obtenu 11,2 % des voix (4ème position, +0,8 point). Dans le privé, sur le cycle 2013-2016, avec 5,3 % elle a progressé de 1,1 point (6ème position). Elle reste, toutefois, encore loin du seuil de représentativité (8 %). Au total, elle représente 7,2 % des suffrages exprimés du public et du privé juste derrière la CFTC (7,4 %). L’UNSA est représentative dans 81 branches professionnelles (chiffres du ministère du travail en 2017) et met en avant quelques réussites syndicales, notamment dans les transports publics avec sa première place à la RATP et sa deuxième à la SNCF. Elle affiche dans sa presse interne ses nouvelles implantations dans le secteur privé qui, pour la plupart, et c’est peut-être une faiblesse, sont souvent provoquées par des départs d’autres syndicats.

Le congrès de Rennes a réuni plus de 800 délégués issus des fédérations, des pôles et des Unions régionales auxquels se rajoutent environ 200 auditeurs libres invités des organisations, Une sorte de Conseil national étendu.

Un bilan respectable et partagé

Fort de ses résultats électoraux et de la progression de ses implantations dans le secteur privé, Luc Bérille peut présenter un résultat positif de ses mandats à la tête de l’UNSA depuis 2011.

Dans sa présentation du rapport d’activité, il s’est appuyé sur le mouvement des gilets jaunes pour poser la question de l’avenir du syndicalisme. Critiquant un certain nombre de ses dérives, Il a qualifié ce mouvement de « manifestation incontournable de la profondeur de la crise de la démocratie représentative », qui touche y compris le syndicalisme. Celui-ci est trop dispersé, bureaucratique et politisé. Il a fustigé les journées d’action syndicales sans objectif autre que de « gérer des considérations tactiques internes aux organisations ».

S’adressant aux médias, il ne faut pas dire « les syndicats » mais « des syndicats » parce que certains peuvent être utiles et efficaces à l’instar de l’UNSA. Il regrette toutefois que le dialogue social soit encore un combat. S’attaquant à la politique d’Emmanuel Macron, il a trouvé que le « nouveau monde » se caractérisait par trop de « vieilleries » avec un Président omniprésent, les riches encore plus riches et méprisant vis-à-vis notamment des corps intermédiaires qui seraient encombrants.

Face aux sirènes nationalistes et populistes, il a appelé à un nouveau modèle de développement autour d’une Europe sociale, démocratique et écologique. Même s’il peut y avoir contradiction avec l’emploi et des modes de vie qu’il faut changer, il y a urgence ! Il faut gérer la transition écologique sans dissocier l’environnemental et le social. C’est le sens de l’alliance de 19 organisations de la société civile, dont l’UNSA, qui a débouché sur un Pacte social et écologique (cf. http://www.clesdusocial.fr/66-propositions-pour-donner-a-chacun-le-pouvoir-de-vivre-urgence-d-un-pacte-social).

Il est enfin revenu sur le « grand débat » en s’interrogeant sur sa sortie alors qu’il a mobilisé des millions de citoyens, surtout « des inclus », et que parallèlement des signaux négatifs ont été envoyés comme par exemple le projet de loi sur la fonction publique. Au contraire, l’enjeu est d’associer le plus de citoyens à un projet porteur de justice sociale. Pour Luc Bérille, la sortie doit permettre aux partenaires sociaux de participer à la phase délibérative des suites à donner à ce grand débat. Si « la suite de l’histoire » devait être « on fait la même chose mais habillée autrement », il y a un risque d’aggravation de la crise « qui pourrait être terrible quant à ses conséquences sociales et politiques ».

Des 44 interventions des principaux responsables des fédérations, des pôles et des Unions régionales avec quelques syndicats nationaux on retiendra un large soutien à la direction de l’UNSA sur la mandature passée qu’on peut résumer autour du slogan du congrès « Moi ça va, je suis à l’UNSA ! ».

Dans sa réponse, Luc Bérille est revenu sur les ordonnances Macron sur le travail pour rappeler que l’UNSA, contrairement à FO, a refusé la réforme proposée par le gouvernement et a regretté « que le syndicalisme français n’ait pas été en capacité de résister ensemble ». Pragmatique, il a toutefois déclaré aux militants « les IRP sont ce qu’on en fait », manière de dire : ces IRP vont se mettre en place, maintenant on agit dans ce nouveau cadre.

Sur les retraites, il a rappelé que l’UNSA n’était pas demandeuse d’une réforme systémique. Pas question d’en faire un moyen de remettre en cause des statuts particuliers. Il faut que la réforme permette un revenu de remplacement le plus proche possible du revenu d’activité. Il a admis qu’il y aurait des gagnants et des perdants, « y compris dans nos rangs », et que cela risquait d’être compliqué. D’où l’importance d’une réflexion interprofessionnelle et collective.

Il a ensuite abordé les élections européennes en soulignant l’attachement de l’UNSA à l’Europe « mieux vaut une Europe imparfaite que pas d’Europe du tout ! ». Il a donc appelé à voter européen et pas nationaliste ou eurosceptique.

Dans sa conclusion, à la fin de ses mandats à la tête de l’UNSA, Luc Bérille a souligné le climat serein dans lequel s’opère sa succession comparée à celles qu’ont vécues d’autres organisations syndicales (CGT et FO). « La fraternité est à la base du syndicalisme, il peut y avoir volonté et plaisir d’être ensemble dans l’intérêt des salariés » a-t-il déclaré en substance.

Le rapport d’activité a été voté à 96,4 %.

L’UNSA réaffirme ses valeurs et ses propositions

Le débat sur la résolution générale et sa déclaration de clôture ont permis au nouveau secrétaire général de l’UNSA, Laurent Escure, de revenir sur les valeurs de l’UNSA et ses grandes orientations et revendications. Le débat sur la résolution générale, sans de véritables enjeux pour l’organisation, n’a pas toujours été suivi avec beaucoup d’assiduité par les congressistes eux-mêmes. Il a toutefois confirmé l’adhésion des grandes composantes de l’organisation aux valeurs et orientations de l’Union. La plupart des amendements ont été adoptés avec l’appui de la direction de l’UNSA.

La défense des valeurs républicaines

Laurent Escure a réaffirmé dans son discours de clôture du congrès l’attachement de son organisation aux valeurs de liberté, égalité et fraternité de la République auxquelles il a rajouté la laïcité et la lutte contre les discriminations. Il a appelé ses organisations à faire vivre ces valeurs au sein même de l’UNSA.
Face aux vents mauvais de la haine, ceux qui attaquent la République et tous les fanatiques, il affirme qu’ils auront les militants UNSA devant eux debout pour leur dire : « vous ne passerez pas ! ».

Le réformisme

À la faveur d’un amendement à la résolution générale, le secrétaire général a précisé le sens donné à ce terme. Historiquement, il y a deux types de syndicalisme : les révolutionnaires dont l’objectif est la prise de pouvoir après une révolution et les réformistes dont la stratégie syndicale est de réformer la société dans un cadre démocratique. L’UNSA se situe clairement dans le deuxième camp. Prenant l’exemple du conflit SNCF de 2018, l’UNSA, tout en étant dans l’action, a recherché à améliorer la loi pour faire avancer les choses. Le réformisme c’est la volonté de progrès, du pragmatisme et la recherche des compromis nécessaires pour avancer.

L’autonomie

C’est un des piliers de l’UNSA qui rassemble des composantes autonomes en refusant le modèle centralisé d’autres organisations syndicales. L’autonomie attire. C’est être libres ensemble, mais en contrepoids et, peut-être parce qu’il en connaît les limites et les risques de corporatisme, c’est aussi accepter les règles définies par l’organisation : les valeurs de l’organisation, sa charte éthique et financière et ses orientations générales.

La démocratie

La crise des gilets jaunes a mis en évidence le besoin d’un renouveau démocratique. Pour l’UNSA, la première réponse est de faire vivre la démocratie représentative et à ce titre les partenaires sociaux représentent une part de la société qu’il faut écouter et prendre en compte. Forts de 2,5 millions d’adhérents toutes organisations confondues, avec une participation de 50 à 70 % des voix lorsqu’il y a des listes syndicales aux élections, la légitimité des syndicats n’est pas contestable. Elle est au moins aussi forte que celle des partis politiques.

Les principaux dossiers de l’UNSA

Dans ses interventions, Laurent Escure est revenu sur les différents sujets déjà abordés par Luc Bérille dans ses interventions sur le rapport d’activité. Ainsi il a réinsisté sur l’importance du Pacte social et écologique et ses 66 propositions, le dossier des retraites où il attend des clarifications de la position gouvernementale et appelé à une réforme « claire, juste, comprise et acceptée socialement ».

Il a critiqué la méthode gouvernementale et le « en même temps » qui s’est traduit par « quand c’est tout de suite, ce sont des régressions et quand c’est plus tard ce sont d’éventuelles améliorations… ». Il a demandé au Président de la République de ne pas perdre de temps et de remettre le social au centre d’une action gouvernementale qui jusqu’ici a favorisé les plus riches. Sur le social « l’UNSA ne lâchera rien ! » et attend des actes sur la dépendance, l’échelle des salaires, l’impôt, la santé, les territoires et la fonction publique.

Il a aussi abordé sur le plan interne la nécessité du développement en constatant que trop de travailleurs ne sont pas adhérents à un syndicat. Il a plus particulièrement insisté sur la nécessité de développer un syndicalisme de service en innovant dans ce domaine. Ainsi, l’UNSA va mettre sur pied une plateforme mutualisée de services en direction des équipes syndicales en matière de formation, de soutien juridique, etc…

Les relations intersyndicales

Parlant des relations avec les autres syndicats réformistes, alors que certains observateurs face à la division syndicale disent « Mais qu’ils se regroupent, bon sang ! », Laurent Escure oppose une fin de non-recevoir. Pour lui, ce serait une erreur qui risquerait de se traduire par un émiettement supplémentaire du syndicalisme et le développement du corporatisme. « Plutôt que d’une union contrainte, nous avons plutôt le goût de l’union libre » s’est-il écrié tout en admettant que l’action commune a plus de force. Il ouvre aussi la porte à des collaborations communes. Si les syndicats réformistes sont en concurrence et même parfois en opposition, cela ne les empêche pas de s’exprimer et travailler en commun. « Nous continuerons donc ce que nous avons fait jusqu’ici ». De même, « croiser nos regards sur la crise du syndicalisme, sur les évolutions de la démocratie sociale, échanger et se fabriquer des expertises communes, des observatoires mutuels ne nuira pas à nos organisations ; au contraire, chacune d’entre elle en sortira renforcée » a déclaré le nouveau secrétaire de l’UNSA.

La représentativité, principal objectif de l’UNSA !

Encouragée par sa progression aux élections professionnelles et ses implantations nouvelles dans le secteur privé, l’UNSA veut maintenant obtenir sa représentativité au niveau interprofessionnel et dans un nombre encore plus important de branches dans le privé. En attendant, elle revendique une évolution de la loi sur la représentativité. Pour l’UNSA elle devrait prendre en compte les résultats consolidés du public et du privé pour permettre aux organisations qui dépasseraient un certain seuil de participer aux discussions, négociations ou à la gestion d’organismes qui concerneraient l’ensemble des travailleurs. L’UNSA propose non sans arrière-pensée le seuil de 7 %.

La résolution orientation a été votée avec 93,5 % des voix.

Organisation cohérente malgré l’autonomie de ses composantes, l’UNSA a l’ambition de devenir un acteur incontournable du syndicalisme réformiste et un interlocuteur représentatif auprès du gouvernement et du patronat pour peser dans le débat social. Malgré tout, la question reste posée de savoir si elle peut y parvenir seule ou plus efficacement par le rassemblement du camp réformiste.

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