1. Accueil
  2. > Dialogue social
  3. > Syndicats
  4. > Un congrès FO sans histoire…

Un congrès FO sans histoire…

mercredi 29 juin 2022

Quel contraste avec le congrès précédent où Pascal Pavageau avait mis le feu à son organisation avant d’être débarqué six mois plus tard pour une sinistre affaire de fichier caché sur les responsables de FO ! Autant les débats avaient été musclés il y a quatre ans, autant cette année ils ont été globalement sereins et consensuels pour plébisciter l’action de l’équipe dirigeante et principalement celle du secrétaire général, Yves Veyrier. Dans ce contexte, l’élection de son successeur, Frédéric Souillot, au CCN qui a suivi le congrès, comme c’est la tradition à FO, s’est déroulée d’autant plus tranquillement que son concurrent Christian Grolier a annoncé le retrait de sa candidature au cours du congrès.

Un débat sur l’activité consensuel

Yves Veyrier dans son introduction à la présentation du rapport d’activité a prévenu d’entrée : « il faudra compter sur FO pour le progrès et la justice sociale ». Une façon de marquer son territoire qu’il a renforcé un peu plus loin par un « FO n’a pas vocation à rester troisième organisation syndicale ». Une intervention qui se voulait offensive en valorisant les réussites de son mandat. Plus largement, dans toutes ses interventions Yves Veyrier durant le congrès s’est montré pédagogue pour expliciter ce qu’est le syndicalisme de Force ouvrière : ce que signifie à ses yeux le syndicalisme « libre et indépendant » qu’il revendique en se référant souvent, non sans dogmatisme, à la « Charte d‘Amiens » et en valorisant la politique contractuelle.

Le syndicat de la feuille de paie

Son intervention a balayé toute l’activité, les prises de position et les actions de FO durant ces quatre ans en commençant par ce qui fait l’image de marque d’une organisation qui prétend être le « syndicat de la feuille de paie ». Dans ce domaine, il a rappelé les fondements du SMIC tout en s’inquiétant des risques qui pèsent sur sa revalorisation automatique souvent combattue par le comité d’experts dont il conteste la légitimité. Il a rappelé que la revendication de FO sur le SMIC est de 80 % du salaire médian ce qui le porterait aujourd’hui à 1 500 €.

Pour le secrétaire général de FO, son organisation n’a pas baissé la garde sur les salaires y compris pendant la crise du Covid-19. Il a aussi souligné la participation aux journées d’action avec d’autres organisations. Toutefois, il a admis ne pas avoir été écouté par le patronat et le gouvernement. Il a dénoncé le recours fréquent aux primes ou aides ciblées au pouvoir d’achat critiquant leurs effets de seuil, le bridage des négociations de salaires qu’elles provoquent et les exonérations de cotisations sociales qui y sont associées.

De même, Yves Veyrier a en outre critiqué le blocage de la valeur du point d’indice de la fonction publique et constaté le déclassement et la paupérisation d’une partie des salariés.

Les retraites

Autre moment fort de son intervention introductive : les retraites. Il est revenu sur la mobilisation contre la réforme du système des retraites par point. « Nous n’avons pas failli ! » s’est-il exprimé en décrivant les mécanismes de la mobilisation de FO et en mettant en exergue l’appel à la journée d’action interprofessionnelle du 5 décembre 2019. Une journée de grève et de manifestations dont le niveau n’avait pas été atteint depuis longtemps. « Nous avons réussi une mobilisation pour une grève interprofessionnelle effective ! » s’est-il félicité. Au final, « la mère des réformes » n’a pas vu le jour, a-t-il constaté en réfutant l’idée que ce soit à cause la crise du Covid. Pour lui, au contraire, la crise sanitaire a empêché de venir à bout définitivement de la réforme.
Revenant à l’actualité, Yves Veyrier a réaffirmé l’opposition de Force ouvrière à la retraite à 65 ans. Ce débat lui a permis de devancer une controverse qui a traversé une partie des débats sur l’actualité et sur les orientations. Certains soupçonnaient l’abandon par la confédération de ses anciennes revendications sur les retraites. Yves Veyrier a expliqué qu’avant d’obtenir ce qu’il a appelé être « un idéal », il fallait déjà se battre contre les 65 ans. Ce serait plus facile ensuite de revenir à ce qui reste la revendication de FO : âge de départ à taux plein à 60 ans et 37,5 années de cotisation.

Un balayage de toute l’actualité pendant plus d’une 1h 45

Toujours en mettant l’accent sur ce qui fonde les principes de l’action de FO, le secrétaire général a abordé la crise du Covid et le Ségur de la santé notamment en soulignant sa pugnacité pour obtenir la prime socle de 183 € dont il n’a pas hésité à s’attribuer le mérite. Il est revenu sur la loi travail, la crise des gilets jaunes, l’accord sur le paritarisme, le climat en affirmant que « les salaires et l’emploi ne sont pas les ennemis du climat » et la fiscalité. Sans oublier les élections de la fonction publique pour pointer le lien que fait FO entre la défense de la fonction publique, son statut général et la défense de la République.

Il a conclu son intervention par un appel au développement en annonçant une simplification de la collecte de la cotisation et en rappelant qu’il est nécessaire pour assurer le renouvellement des militants. En conclusion, il a constaté avec satisfaction que « nous sommes unis, forts, libres et indépendants » et souligné la fierté d’être à FO. Et, pour finir, comme la plupart des congressistes dans leurs interventions il déclare : « Vive le syndicalisme libre et indépendant, vive Force ouvrière ! ».

Le débat

Pendant deux jours complets, 211 délégués, dont un peu moins de 25 % de femmes, sont intervenus sur le débat sur l’activité. La plupart des interventions sont allées dans le même sens, remerciant Yves Veyrier pour le travail de réunification de l’organisation qu’il a effectué et pour se féliciter du bilan de l’action de FO durant ce mandat. Toutefois, quelques opposants dont le plus virulent, un temps candidat à la succession, proche de Pascal Pavageau et soutien des gilets jaunes, a suscité les réactions hostiles de la salle avec un discours ultra contestataire appelant à la lutte des classes et provoquant la réaction de certains délégués notamment de la métallurgie, fédération depuis toujours favorable à la politique contractuelle.

La réponse d’Yves Veyrier aux intervenants a permis notamment de repréciser certains points comme la négociation de l’assurance chômage en mettant en cause le patronat, et encore la transparence financière de FO en rappelant que les comptes sont certifiés. Il a aussi répondu à une demande de vote par le congrès de l’équipe dirigeante qui serait, selon lui, une vision « bonapartiste » de la gouvernance.

Il faut aussi retenir l’effort de pédagogie réalisé par Yves Veyrier sur le syndicalisme FO. Par exemple, il explique que la transformation sociale, ce que pour lui revendique la CFDT, est d’après la charte d’Amiens du domaine du politique. De même, il explique que la référence au réformisme a traversé tous les débats de la CGT-FO dès l’origine de la CGT. Il répond à ses détracteurs « vous parlez de réformisme, nous, nous le faisons ». Ensuite, il se fait modeste sur les résultats obtenus aujourd’hui. Résultats qui « sont plus difficiles à valoriser ». Pour lui, les derniers grands acquis datent de la période Bergeron. Il a rappelé que FO s’est construite sur la négociation en considérant le contractuel comme une conquête sociale.

L’exemple de ce qu’il a défendu sur les retraites est l’illustration de ce qu’est le syndicalisme FO : des revendications ambitieuses voire inatteignables et une adaptation du positionnement de la centrale en fonction de la réalité sociale du moment. S’agit-il d’un retour au bergeronisme ? Le parcours de son successeur [1] pourrait le laisser croire mais, comme toujours à FO, Frédéric Souillot devra tenir compte du soutien qu’il a reçu d’une partie des trotskistes pour son élection. En fait, il faut plutôt s’attendre à une sorte de continuité.


Source


Notes :

[1Le nouveau secrétaire général
Frédéric Souillot, 54 ans a été élu avec 87,68 % des suffrages par le CCN. Il a adhéré à FO en 1994, crée son syndicat chez Schlumberger à Dijon l’année suivante et rejoint la fédération de la métallurgie en 2008 où il suit la sidérurgie et les métaux de base. Il est membre du bureau confédéral (équipe dirigeante de FO) depuis 2015 où il était en charge du juridique, de l’organisation et du personnel. Un homme qui connaît bien son organisation. Issu de la métallurgie, il est considéré comme étant réformiste.