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Regards sur l’université : l’ascenseur social en panne

jeudi 9 juin 2011

Un rapide panorama qui plaide en faveur de changements pour lever les réticences d’aller en Fac, pour réduire les inégalités et rattraper les autres pays quant au nombre d’étudiants.

Une Université moins attractive

La part des bacheliers qui choisissent l’université diminue (à peine 1/3), au profit des STS en lycées, des IUT, et des classes préparatoires, en vue de continuer dans une école, voire vers une formation supérieure privée mais officiellement accréditée (inscrite au RNCP en particulier). Bacheliers et parents choisissent ainsi les formations sélectives où l’étudiant est accompagné, suivi, encadré dans l’étude, ou bien des formations renommées, alors que l’université est assimilée aux grands amphis anonymes, au travail personnel isolé, au risque d’échec et de sortie sans diplôme.. Les DUT et BTS, conçus comme des formations professionnelles permettant une insertion directe dans l’emploi, deviennent, pour beaucoup, une voie sécurisante pour continuer ensuite vers des études longues : 80 % des DUT et 45 % des BTS poursuivent leurs études, dans des écoles ou à l’université.

Quelques statistiques illustrent ce constat

En 30 ans, le nombre d’étudiants a été multiplié par : 1,5 en université 2 en IUT et en CPGE 4 en STS 3 dans les autres filières (écoles de commerce.). En université, les taux de réussite de ceux qui entrent en université dépendent beaucoup du bac obtenu : sur 100 bacheliers de bac général, 90 % obtiennent un diplôme sur 100 bacheliers de bac technologique, près d’1/3 n’obtiennent pas de diplôme sur 100 bacheliers professionnels, 70 % n’obtiennent pas de diplôme.

Beaucoup de détenteurs d’un bac professionnel veulent poursuivre leurs études dans le supérieur mais se heurtent à des difficultés, en raison de la différence entre la formation reçue en bac pro et ce qui est demandé dans le supérieur. Aussi réussissent-ils plus dans les formations bac + 2 encadrées qu’en université, tout en gardant des taux d’échec importants : 48 % des bacs pros obtiennent leur BTS 46 % des bacs pros obtiennent leur DUT en 3 ans.

Les inégalités dans l’accès au supérieur

Le taux d’accès à l’enseignement supérieur est en moyenne de 53 % d’une classe d’âge en France, loin derrière les USA (63 %), les pays scandinaves ou la Corée (70-80 %). Et ce taux varie beaucoup selon la catégorie socioprofessionnelle des parents :

  • Enseignant : 90 %
  • Cadre supérieur : 82 %
  • Profession intermédiaire : 68 %
  • Agriculteur : 60 %
  • Artisan, commerçant : 54 %
  • Employé : 47 %
  • Ouvrier qualifié : 42 %
  • Ouvrier non qualifié : 31 %
  • Inactif : 9 %

De même, le taux de diplômés (les 25-29 ans) selon le milieu social :
Enfants d’employés et ouvriers : 40 %
Enfants de cadres, enseignants, professions intermédiaires, indépendants : 70 %

La formation continue ne rattrape pas du tout ces inégalités : les diplômés par la formation continue ne représentent que 2 % des licences, mais cependant 20 % des licences professionnelles, qui correspondent mieux à leurs besoins d’évolution professionnelle.

Comparaisons peu favorables

Si la France a un taux d’accès à l’enseignement supérieur plus faible que d’autres pays de l’OCDE, elle a cependant un taux de diplômés de l’enseignement supérieur parmi les 25-34 ans qui se situe un peu au-dessus de la moyenne de l’OCDE : 41 % - dont 16 % en formation supérieure courte (IUT, STS) - pour 36 % dans l’OCDE (Japon : 55 %, Canada : 53 % ; mais Allemagne : 25 %, auxquels il faut ajouter de nombreuses formations post-secondaires non supérieures). En effet, le taux d’abandon y est plus faible qu’ailleurs, beaucoup de jeunes étudiants qui ne réussissent pas en université se réorientent avec succès vers une formation supérieure courte. Ces formations courtes sont une spécialité française et fournissent 40 % des diplômés de l’enseignement supérieur.

Inertie

À l’université ce sont en premier les premières années généralistes qui posent problème. L’objectif « réussite en licence » lancé par le ministère peine à progresser. Un récent colloque (de la Conférence des présidents d’université - mai 2001) a recherché des pistes d’évolution pour tenter de résoudre ces faiblesses et les lenteurs d’évolution : « l’évolution du système éducatif se fait dans un contexte très inertiel » a-t-on pu entendre., même si des expérimentations et des innovations existent, mais jusque-là éparses.

Questions pour l’avenir

Et pourtant. Parmi les grandes questions qui ont besoin de progresser, il y a notamment :

Les aides aux étudiants,

  • L’aide à l’orientation, à la définition du projet individuel, à la transition entre le secondaire et le supérieur et l’accompagnement individualisé,
  • Face à l’hétérogénéité des publics, la diversification des parcours est indispensable, le développement de parcours adaptés et variés en termes de statuts, - en particulier le recours à l’alternance -, de cursus, de pédagogie et de modes d’évaluation,
  • La définition des référentiels, en partant, non pas d’un cursus de formation, mais des aptitudes et compétences attendues, donc des résultats visés,
  • Une conception de la professionnalisation qui, à côté des formations directement professionnalisées, explicite les savoirs et compétences, acquis dans les formations générales, transférables et utilisables sur le marché du travail ,

L’insertion des formations universitaires dans une conception de formation tout au long de la vie et le développement de leur offre de formation continue, alors qu’elle ne représente aujourd’hui que 5 % du montant de la dépense de formation continue en France et à peine 10 % des stagiaires. Une faiblesse inacceptable.