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L’attractivité du métier d’enseignant en question

samedi 11 mars 2023

Alors que le ministre de l’Éducation nationale poursuit de délicates négociations sur la rémunération avec les syndicats et qu’un nouveau drame vient d’endeuiller la communauté éducative, la Cour des comptes vient de se pencher sur l’attractivité du métier d’enseignant. Les critiques sont sévères. Une piste est privilégiée : la Cour propose d’expérimenter un recrutement sur diplômes via un contrat à durée pluriannuelle (de trois à cinq ans) pendant laquelle les candidats s’engageraient à rester en poste.

Un rapport publié le 1er février

Le rapport intitulé « Devenir enseignant : la formation initiale et le recrutement des enseignants des premier et second degrés » montre que l’Éducation nationale a de plus en plus de mal à recruter. Lors de sa présentation, le président de la Cour des comptes a indiqué qu’il aurait manqué environ « 1 000 postes aux concours externes de l’enseignement, chaque année, entre 2017 et 2021 ». Cette pénurie s’est poursuivie en 2022 et l’Éducation nationale a eu recours massivement aux contractuels, 4 500 personnes, en particulier dans les deux académies de Versailles et de Créteil et dans certaines disciplines en tension.
La Cour des comptes pointe aussi la faiblesse de certains candidats, conséquence de la raréfaction des viviers due à la mastérisation, pour accéder au grade de professeur des écoles. Ainsi deux extraits de rapports des jurys de concours pour les académies de Versailles et Créteil de 2019 pointent qu’en mathématiques, les candidats sont nombreux à montrer des difficultés à élaborer un raisonnement mathématique. Et en français certains méconnaissent des termes précis de la grammaire. Enfin, il manque des candidats dans des certaines disciplines : lettres classiques, allemand, sciences industrielles de l’ingénieur, biotechnologies, voire mathématiques. Un constat global inquiétant.

Une enquête auprès des étudiants

Alors que le nombre d’inscrits aux concours ne cesse de baisser, la Cour des comptes a commandé une enquête auprès des étudiants sur leur désir de devenir enseignant à l’institut de sondage Ipsos. Elle a interrogé 2 000 étudiants d’université (en licence, master ou doctorat), de classe préparatoire, de BTS et d’IUT, sur l’attractivité du métier de professeur. Seule une minorité l’envisage formellement : 12 % d’entre eux déclarent « envisager très sérieusement de devenir enseignant », 32 % ne « l’excluent pas » et 14 % y ont déjà songé mais y ont renoncé.

Pour étayer leur position les étudiants évoquent les conditions d’attractivité et les causes de rejet. Les conditions d’exercice du métier les inquiètent particulièrement comme les difficultés rencontrées avec les élèves et la gestion de leur comportement. L’image dévalorisée du métier n’arrive qu’en deuxième position dans les facteurs de rejet.

Les raisons de ce décrochage pour la Cour des comptes

Pour la Cour les facteurs de cette perte d’attractivité sont multiples, parfois d’ailleurs situés en amont des processus de recrutement, comme la baisse du nombre des étudiants dans certaines filières universitaires. Mais la dégradation de l’image du métier enseignant, ses conditions d’exercice et sa rémunération pèsent aussi largement sur son attractivité. La Cour n’a pas traité du niveau des rémunérations dans le rapport car il fait l’objet de négociations entre le ministère et les syndicats mais indique son importance.

Pour ce qui est de la formation initiale, la Cour pointe la perte de lisibilité des voies qui conduisent au métier d’enseignant et le risque que se développe chez les étudiants l’image d’une formation initiale mal définie, contraignante et qui se conclut, après cinq années d’études, par un concours à la réussite incertaine. La mastérisation pose un problème. La double exigence de détenir un master et d’avoir réussi le concours pour être nommé stagiaire surcharge, pour la Cour, l’année de M2. De plus les magistrats pointent aussi « la place complexe » des Instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation (INSPE) chargés d’encadrer la formation initiale des enseignants.

Les recommandations de la Cour des comptes

Pour ce qui est de la formation initiale construire avec les acteurs universitaires et académiques un continuum de formation sur cinq années conduisant au professorat des écoles, sur la base de licences professionnalisantes spécifiques permettant l’accès au master MEEF.

L’ouverture plus importante de postes et de sections aux troisièmes concours afin de diversifier les viviers de recrutement au profit des publics en reconversion professionnelle. Le troisième concours s’adresse aux actifs du secteur privé, aux acteurs du monde associatif et aux élus locaux justifiant de huit années d’expérience professionnelle, sans condition de diplôme.

Pour ce qui est des contractuels :

  • Une refonte des modes de formation et de recrutement des enseignants et un aménagement des modalités de recrutement dans les académies qui peinent à pourvoir les postes de professeurs des écoles, ou ceux du second degré pour les disciplines en tension.
  • Permettre au recteur, dans les académies en difficulté et les disciplines en tension, de recruter des enseignants sur des contrats de moyen terme (3 à 5 ans) sur le fondement de leur diplôme et sur entretien, en les accompagnant par une formation adaptée. Il serait demandé aux candidats de rester en poste pour la durée de leur contrat. À l’issue de ce contrat, l’enseignant pourrait demander un CDI ou opter pour une autre carrière.

Enfin, au-delà de l’aspect pécuniaire, les conditions d’exercice et d’accueil des nouveaux enseignants devront être améliorées pour la Cour, en particulier par une attention aux conditions de logement ou par l’accompagnement au sein de l’établissement. À cet égard, et pour l’ensemble des académies, les écoles, établissements, voire leurs regroupements doivent davantage devenir de véritables lieux d’accueil et de formation des futurs et nouveaux enseignants, développant ainsi, autour des tuteurs des différents stagiaires, une politique interne de formation, impliquant l’ensemble des professeurs. Cela doit devenir de véritables projets d’école et d’établissements.

En conclusion, reprenons les paroles du président de la Cour des comptes « Il ne faut pas cacher la poussière sous le tapis. Pour réussir les élèves ont besoin d’enseignants de qualité ». Voilà qui est dit.


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