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Propositions des partenaires sociaux pour modifier le système de formation professionnelle

mercredi 28 décembre 2022

Le 8 décembre les partenaires sociaux signataires (Medef, Cpme et U2P d’une part, Cfdt et Cftc de l’autre) ont remis au ministre du Travail et à la ministre déléguée à l’Enseignement et Formation professionnelle un ensemble de 17 propositions pour réviser la loi Avenir professionnel de 2018 qui a profondément modifié le système de formation professionnelle. Ce texte est le résultat paritaire du travail de toutes les organisations sur 7 chantiers que les partenaires sociaux avaient décidés lors de l’accord-cadre du 14 octobre 2021 et est mis dans la perspective du projet de révision de cette loi en 2023 et du fait que l’Union européenne consacre 2023 comme année européenne des compétences.

L’état des lieux

La loi Avenir professionnel [1] a développé 2 priorités : l’apprentissage et le CPF (compte personnel de formation), afin de promouvoir le développement des compétences et qualifications. Et elle a institué l’accès sans limites à ces 2 dispositifs. De nombreux CFA (centres de formation d’apprentis) de branches ont été créés et des aides données aux employeurs. Le CPF, un peu confidentiel la première année, s’est beaucoup développé depuis, pas toujours en lien avec les besoins professionnels.

Résultats : l’apprentissage est passé de 300 000 nouveaux contrats en 2017-2018 à 718 000 en 2021-2022 et les CPF financés de 500 000 en 2019 à 2 millions en 2021 avec de nombreux abus (démarchages intempestifs ou frauduleux, etc.). D’où un dimensionnement insuffisant des ressources issues des cotisations des entreprises et des apports de l’État et 10 milliards de déficit cumulé, sans vision stratégique et financière de moyen terme, et sans répondre suffisamment au besoin de compétences.

D’autre part, les partenaires sociaux sont en désaccord sur la réorganisation des rôles issue de cette loi, qui a diminué le rôle des partenaires sociaux au sein des dispositifs et des institutions de la formation au profit d’une nette mainmise de l’État par le biais de France compétences.

Aussi, dans le cadre de leur volonté de délibération autonome et d’affirmation de l’utilité du paritarisme, les partenaires sociaux interviennent en amont de la prochaine révision de la loi en publiant ces 17 propositions autour de 4 enjeux.

Développer le dialogue social pour amplifier l’investissement dans les compétences

Ils insistent sur leur rôle d’acteurs de l’évolution des compétences individuelles et collectives et promeuvent l’essor du dialogue social dans les branches et les entreprises pour y parvenir. Déjà les branches doivent négocier un accord-cadre tous les 4 ans sur la formation ou tous les 3 ans sur certains thèmes dont la GPEC (gestion prévisionnelle des emplois et des compétences). Est-ce un pas vers la possibilité de négociation en entreprise sur la formation ?

3 propositions


1. Accélérer la mise en œuvre opérationnelle des pratiques de codécision et de co- investissement CPF, notamment celles prévues par accord collectif ;
2. Instaurer, via la loi, un crédit d’impôt formation pour les entreprises pour les dépenses de co-investissement CPF prévues par accord de branche ou d’entreprise ;
3. Considérer les dépenses formation des entreprises comme un investissement et ainsi permettre leur amortissement comptable.


Accompagner entreprises et salariés

L’accompagnement des salariés et des entreprises est, pour les partenaires sociaux, indispensable, d’autant plus en période d’évolution des activités, des emplois, des modes de production dans le cadre des transitions écologique et numérique. Pour les actifs, ce rôle est confié aux opérateurs du CEP (conseil en évolution professionnelle) qu’il faut renforcer de même que la coopération avec les OPCO (opérateurs de compétences) et les OPMQ (observatoires prospectifs des métiers et qualifications) de branches afin de diffuser l’information aux entreprises et salariés.

6 propositions


4. Promouvoir et valoriser les socles de compétences (les 3 Cléa) auprès de tous les publics ;
5. Conforter et professionnaliser les opérateurs du CEP ;
6. Faire du vademecum paritaire un outil numérique d’aide à la construction des plans de développement des compétences, confier sa diffusion à CERTIF PRO et mobiliser les OPCO pour en assurer la promotion ;
7. Définir au niveau interprofessionnel un cadre simplifié, lisible et unifié en matière de transitions professionnelles pour sécuriser tant les salariés que les entreprises ;
8. Reverser le CPF mobilisé par les salariés dans le cadre d’un projet de transition professionnelle au budget des associations paritaires régionales Transitions Pro ;
9. Instaurer, via la loi, un crédit d’impôt formation pour les actifs qui investiraient pour financer des actions de formation dans le cadre d’un PTP (projet de transition professionnelle).


Réguler le système et son financement

Pour les partenaires sociaux, il faut que soit enfin organisé un débat sur la vision stratégique et financière pluriannuelle, sur le financement de la formation professionnelle et de l’apprentissage par tous les acteurs de la formation professionnelle, pour une définition en commun des priorités et des leviers disponibles. Par exemple, réorienter le CPF vers les besoins professionnels, éviter la création de CFA d’aubaine.

5 propositions


10. Retrouver, avec l’État et les Régions, des marges de manœuvre financières ;
11. Étudier des pistes de régulation et d’encadrement du CPF dans une volonté de cibler les usages tournés vers la professionnalisation pour clarifier les formations éligibles ;
12. Réallouer une partie des fonds du PIC au budget de France compétences au profit de la formation des salariés et des projets de transition professionnelle ;
13. Rationnaliser et stabiliser des procédures équitables d’enregistrement des certifications aux différents répertoires ;
14. Mettre en place une ligne budgétaire mutualisée pour contribuer au financement et à l’ingénierie du plan de développement des compétences des entreprises de 50 à 299 salariés.


Installer une gouvernance plus partagée

Dès l’introduction du document, les partenaires sociaux ont réaffirmé l’importance de leur action paritaire dans le champ de l’emploi, des compétences et de la formation, avec des actions paritaires autonomes, au niveau interprofessionnel et des branches et pour leur mise en œuvre nationale et territoriale, un paritarisme actif dans les politiques publiques et un paritarisme d’expérimentation et d’innovation puisque ce sont eux qui ont inventé le CIF (congé individuel de formation), le DIF (droit individuel de formation, le CPF (compte personnel de formation). Voilà qui est clair ! Aussi, ils siègent dans de nombreuses instances et ne veulent pas se contenter d’une « présence institutionnelle » puisqu’ils portent l’expression des salariés et des entreprises. Ils demandent une révision du fonctionnement de France compétences et l’organisation d’un niveau régional.

3 propositions


15. Créer un espace stratégique quadripartite pour définir une vision et des priorités à moyen-long terme, et des règles éthiques encadrant l’usage des bases de données constituées ;
16. Réviser les processus de décision au sein du Conseil d’administration de France compétences, pour permettre à toutes les parties prenantes de participer et voter sur l’ensemble des affectations financières avec l’instauration d’une minorité de blocage ;
17. Harmoniser le fonctionnement des CREFOP (Comités régionaux de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle) en tenant compte des spécificités de chaque branche professionnelle et des territoires et réaffirmer la légitimité des partenaires sociaux dans la définition et la mise en œuvre des priorités régionales.




Au travers de ces propositions, les partenaires sociaux montrent clairement leur volonté de retrouver une place correspondant au fait qu’ils sont les mieux à même de connaitre les besoins de compétences des entreprises et des salariés pour affronter les multiples changements qui se font jour. Encore faut-il que les entreprises acceptent dans le concret le développement du dialogue social sur la formation et les compétences dans les entreprises et que le gouvernement s’ouvre réellement lui-même au dialogue avec les acteurs du monde économique et social.


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