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Projets d’ordonnances : les premières réactions des syndicats

samedi 2 septembre 2017

Les projets ont été présentés le 31 août. Il s’agit de 5 ordonnances. Les syndicats et le patronat en ont eu les textes le matin même : 160 pages ! Leurs réactions « à chaud » sont donc des réactions sur les grands points de ces textes, avant d’en prendre une connaissance détaillée. Tous préciseront leur positionnement après une analyse approfondie, notamment lors des différentes consultations des instances dans la première quinzaine de septembre, avant l’adoption des ordonnances par le Conseil des ministres du 22 septembre. Mais leurs premières réactions sont significatives de leur approche de cette réforme : elles sont de deux types.

Le reproche général d’un manque d’évaluation des lois précédentes

En particulier, la loi sur le dialogue social et l’emploi du 17 août 2015 et la loi Travail du 7 août 2016 ont introduit de nombreux changements sur le dialogue social, les IRP, l’articulation branches–entreprises pour les négociations, la protection des représentants du personnel, l’extension de la délégation unique du personnel… Le manque de prise du temps de l’évaluation est en particulier cité par la CFDT, la CGT et FO. Ceci afin de faire le premier bilan de changements récents, avant de prendre des ajustements ou de nouvelles mesures. Donc une réforme dont les syndicats n’étaient pas demandeurs.

Le bilan de la concertation de l’été

Là, deux types d’analyse sont visibles. CGT et CGC ne voient pas d’améliorations du projet initial par les réunions de concertation qui se sont déroulées tout l’été. « Le gouvernement vient de confirmer les craintes que nous pouvions avoir » a déclaré Philippe Martinez.

CFDT, CFTC et FO insistent au contraire sur le rôle qu’a eu la concertation pour faire évoluer le projet de départ. « Concertation intense », selon FO, qui a « permis de faire évoluer certains points clefs ». La CFTC « salue la méthode qui a permis au texte d’évoluer et aux organisations syndicales d’être entendues ». Et pour la CFDT, une « concertation loyale et sincère » qui « a contribué à limiter au maximum les éléments de dérégulation et de remise en cause des droits des salariés ».

Déception, désaccords et oppositions

La CGT et la CGC insistent sur une évaluation négative d’ensemble du projet de réforme, avec souvent les mêmes termes, comme l’« accroissement » ou l’« amplification » du « dumping social » et de la « précarité ». La CGT voit dans ces textes une « accentuation de l’inversion de la hiérarchie des normes », la possibilité d’une « relation de gré à gré avec un travailleur isolé », comme d’un « référendum à l’initiative de l’employeur ». La CGC insiste aussi sur le paradoxe de la fusion des IRP et de la disparition des CHSCT avec le discours gouvernemental pour un développement du dialogue social dans les entreprises.

Les trois autres syndicats citent les points que la concertation a permis de faire évoluer positivement, comme :

 la non remise en cause des régimes de prévoyance de branche,
 le niveau des indemnités prudhommales,
 l’évitement de la libéralisation du contrat de chantier,
 celui du relèvement du seuil de déclenchement des plans sociaux,
 celui d’un référendum déclenché par l’employeur,
 et celui d’un délai très court de recours aux prudhommes.

Ils mettent aussi en relief les avancées obtenues :

 l’articulation entre les négociations de branche et d’entreprise, avec, par rapport au projet initial, un rééquilibrage entre les deux qui permettra d’avoir une protection conventionnelle de branche et des accords d’entreprises sur leurs réalités propres,
 la négociation de branche sur la qualité de l’emploi, pour encadrer les contrats courts,
 l’augmentation de 25 % de l’indemnité de licenciement.
La CGC y ajoute, ce dont les autres sont d’accord :
 les dispositions qui améliorent la nécessaire reconnaissance des parcours syndicaux.

Ils constatent aussi que des désaccords subsistent sur nombre de points importants :

 Les 3 syndicats insistent sur le plafonnement des indemnités prudhommales, mais tout en appréciant (CFDT et CFTC) que les exceptions aient été élargies à toute atteinte aux libertés fondamentales, en plus du harcèlement et de la discrimination.
 La fusion obligée des IRP est un autre point d’opposition, d’autant plus que seuls les décrets indiqueront le nombre d’élus et leurs heures délégation alors qu’ils assumeront le cumul des thèmes de consultation.
 Le risque de décisions unilatérales des employeurs des TPE, en l’absence de mandatement syndical pour négocier, et l’extension possible de la négociation directe de l’employeur aux entreprises de 11 à 20 salariés en l’absence de délégué du personnel.
 Un autre point critique concerne la facilitation des licenciements : par le choix du périmètre national pour apprécier les difficultés d’une multinationale qui licencierait, risquant de permettre des évitements grâce à des transferts financiers, et par la possibilité de ruptures conventionnelles collectives évitant un PSE.
 FO souligne son désaccord sur l’ouverture du « droit à l’erreur » aux motifs de licenciement.

Ces points impactent des aspects concrets et très importants de la protection des salariés. Et les organisations ont bien l’intention aussi d’intervenir à nouveau lors de la préparation des décrets d’application.
Mais la critique de fond vient de la CFDT sur la philosophie générale des ordonnances : selon elle, c’est une occasion manquée, car cette réforme ne fait pas évoluer la culture du dialogue social, son renforcement et la reconnaissance que l’articulation de l’économique et du social et la démocratisation de l’entreprise sont des facteurs de performance économique et de qualité du travail.