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Les acteurs du dossier retraite : tous gagnants ou tous perdants ?

samedi 1er février 2020

Un éditorialiste d’un grand hebdomadaire français publiait un article qui en résumé donnait les acteurs du dossier retraite tous gagnants, chacun dans son registre. Peut-être aujourd’hui mais, à terme, rien n’est moins sûr ! Et certains seront peut-être plus perdants que d’autres. Dans les organisations syndicales, la sortie de cet épisode sera certainement compliquée.

La CFDT

Au centre du jeu, la CFDT et son leader peuvent s’enorgueillir d’avoir été à la manœuvre pour peser sur le texte tel qu’il a été présenté au Conseil des ministres. Favorable par principe à un système de retraite universel depuis des années, elle ne pouvait que souscrire à la volonté gouvernementale de mettre en œuvre un tel projet. En instituant un âge pivot pour équilibrer le système actuel avant la mise en place du nouveau, le gouvernement a déclenché l’ire de la CFDT qui en avait fait une ligne rouge. À cela se rajoute la faiblesse des dispositions du projet en matière de pénibilité, d’emploi des seniors ou encore de retraite progressive. Autant dire que le projet gouvernemental initial ne correspondait pas aux revendications de la CFDT et qu’elle l’a fait savoir au moment opportun. Elle peut donc considérer comme une victoire le retrait de l’âge pivot du projet gouvernemental, l’ouverture d’une conférence de financement qu’elle a proposé pour sortir du blocage et de l’ouverture enfin de discussions sur les autres sujets. Reste encore à obtenir des avancées réelles pour répondre à l’exigence de justice sociale qu’elle n’a cessé de revendiquer depuis le début du débat.

Mais, sans connaître d’hémorragie en interne comme certains journaux voudraient le laisser croire, elle suscite l’incompréhension d’une partie de l’opinion qui souhaite que le gouvernement retire son projet faute d’en comprendre les fondements, l’intérêt de modifier les systèmes actuels et doute des améliorations qu’il pourrait amener aux travailleurs.

Le positionnement de la CFDT à la fois ferme et ouverte au dialogue pourrait toutefois renforcer son influence et son audience auprès de ceux, et ils sont nombreux, qui croient à la nécessité du dialogue social. Et cela surtout si, à l’issue de la conférence du financement, l’âge pivot tant souhaité par le Premier ministre est abandonné.

La CGT

Forte mobilisation, unité apparente de l’organisation derrière son leader, la CGT peut être satisfaite de la stratégie qu’elle a menée jusqu’ici dans le conflit. La forte présence de Philippe Martinez dans les médias, celle non moins forte de ses troupes dans les manifestations et chez les grévistes de la SNCF et de la RATP ont fait de la CGT le point central de la contestation.

Mais, à la fin du conflit, et même si la CGT s’attribuera les « reculs » du gouvernement dans les deux grandes entreprises nationales, elle ne pourra que constater son échec à obtenir le retrait du texte. De toute évidence, le gouvernement ira jusqu’au bout du débat parlementaire et le système universel à points sera mis en place. Que diront à la fin ces salariés de la SNCF et de la RATP qui auront fait plus de 50 jours de grève sans obtenir le paiement de ces jours et auront constaté qu’ils étaient les seuls à se mobiliser mis à part quelques militants de la fédération de la chimie et de l’énergie et les dockers. Le secteur privé n’a pas embrayé et Laurent Brun, secrétaire général de la CGT SNCF qui voudrait bien succéder à Philippe Martinez, n’aura pas de mots assez durs pour fustiger les autres fédérations CGT du privé qui n’ont pas fait montre d’un grand empressement à mobiliser leurs troupes.

Une grande frustration des travailleurs des transports donc vis-à-vis de la stratégie de la CGT et des divisions internes qui vont renaître rapidement en prévision du prochain congrès sont donc à prévoir dans les mois à venir. L’opinion publique pourrait ensuite ne pas apprécier les coupures d’électricité, les difficultés vécues par les Franciliens durant plus d’un mois et les opérations d’intimidation vis à vis des travailleurs non-grévistes ou de la CFDT.

Force ouvrière

À la remorque de la CGT depuis le début du conflit, toute la stratégie de la FO va consister à sortir du conflit le plus intelligemment possible sans trop subir les frustrations des salariés qui se sont mobilisés avec elle et les remous internes. Pour elle aussi, les désaccords qui se sont effacés durant le conflit ne devraient pas tarder à renaître. Yves Verrier, dont le mandat était d’apaiser une organisation divisée après son dernier congrès et le départ précipité de Pascal Pavageau, devra faire preuve de beaucoup de doigté pour se sortir d’affaire.

La CGC

Personne n’a compris le positionnement de son Président contre la réforme ni ses désaccords avec le gouvernement. Toutefois, la CGC semble avoir rejoint le camp des contestataires en participant à l’intersyndicale et en appelant à manifester. Cette stratégie pourrait ne pas être partagée à terme en interne quand il sera fait le constat qu’elle n’a pas pesé dans le conflit et que les cadres en sortent probablement perdants.

La CFTC

L’arrivée d’un nouveau et jeune Président Cyril Chabanier à la tête de l’organisation n’a pas permis de la rendre visible durant ce conflit. Elle a toutefois obtenu des résultats sur les questions familiales et de réversion qui devraient ne pas mettre la nouvelle équipe en difficulté en interne.

L’UNSA

Sa position majoritaire à la RATP et de deuxième organisation à la SNCF et dans l’Éducation nationale a conféré une place particulière à l’UNSA durant ce conflit. Son attitude très conciliante avec le gouvernement après les rencontres de fin d’année avec des propositions qui cherchaient uniquement à minimiser l’impact de l’âge pivot a même fait croire une possibilité de lâcher prise sur ce point. Elle est toutefois restée sur la même ligne que la CFDT et la CFTC pour obtenir le retrait de cet âge pivot dans le projet de loi. Toutefois, le caractère autonome de l’organisation ne lui a pas permis de peser sur l’attitude parfois très dure et extrémiste de ses composantes des transports. Ainsi, l’UNSA SNCF, après une suspension du conflit durant les congés, est restée dans le mouvement et surtout il a fallu attendre mi-janvier pour que l’UNSA RATP appelle à la reprise du travail en constatant la baisse du taux de grévistes.

Ces stratégies différentes ne devraient pas avoir de conséquences internes. Rappelons que l’UNSA n’est pas une confédération mais une Union d’organisations autonomes. Elle peut se prévaloir d’avoir fait bouger les lignes sur certains points, obtenu des résultats dans les deux grandes entreprises de transport et sa participation à la conférence de financement alors même qu’elle n’est pas représentative, au grand dam de la FSU et de Solidaires.

Solidaires

Très en pointe à la SNCF grâce à un leader qualifié de « bon client » par les médias, Solidaires a été très présente sur les piquets de grève et les manifestations. Si elle a été très visible dans le secteur public, elle reste toutefois une organisation très minoritaire à l’ombre de la CGT. Sa stratégie ressemble plus à de l’agitation qu’à de l’action syndicale cherchant des résultats.

FSU

Organisation majoritaire à l’Éducation nationale, la FSU a su rassembler des adhérents et sympathisants dans la contestation. En réalisant des simulateurs pour le moins alarmistes, elle a inquiété d’autant plus une population dont tout le monde dit, gouvernement inclus, qu’elle pourrait être la grande perdante de la réforme si rien n’est fait. La mobilisation très forte le 5 décembre s’est toutefois rapidement réduite lors des autres journées d’action. La réforme du bac et l’impopularité du ministre de l’Éducation chez les enseignants sont toutefois des sujets d’inquiétude supplémentaires susceptibles dans la durée d’alimenter la contestation.

En conclusion, alors que le texte de loi doit maintenant rentrer dans son parcours parlementaire et être alimenté par les discussions entre les partenaires sociaux et l’État, il n’est pas facile d’en tirer déjà des conclusions sur « qui va gagner et qui va perdre ? ».

Affaire à suivre.