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Le recours au congé de paternité chez les jeunes pères

mercredi 13 avril 2022

Le congé de paternité, instauré en 2002 et réformé en 2021, est une mesure favorable à l’égalité hommes-femmes, mais encore 3 pères sur 10 n’exercent pas leur droit. Pourquoi ? Ce non-recours est-il lié à leur degré d’implication dans la sphère familiale ou à leur situation par rapport à l’emploi ? La dernière enquête Génération 2020 explore les facteurs du recours au congé de paternité chez les jeunes devenus pères entre 2010 et 2017. La plupart des enquêtés confirment les enquêtes précédentes.

Avant sa réforme en juillet 2021, le congé de paternité et d’accueil de l’enfant se composait de 11 jours consécutifs à utiliser dans les quatre premiers mois de l’enfant, en complément des 3 jours de congés pris en charge par l’employeur au moment de la naissance.

Depuis sa mise en place, le taux de recours des 11 jours de congé consécutifs de paternité est resté stable. Seule une minorité de pères recourt à l’allocation de congé parental (PreparE), dispositif faiblement indemnisé qui permet de mettre en pause partiellement ou pleinement son activité professionnelle pendant plusieurs mois à l’arrivée de l’enfant.

  • La comparaison avec les autres pays européens suggère que la popularité du congé de paternité en France tient à sa courte durée et à son taux d’indemnisation élevé.
  • Chez les salariés du secteur privé, la rémunération perçue pendant le congé correspond au salaire journalier de base, dans la limite d’un plafond (84,90 euros), lui-même calculé à partir de celui de la Sécurité sociale. Quelques accords de branches ou conventions collectives complètent la rémunération au-dessus de ce seuil maximal.
  • Les fonctionnaires conservent le maintien intégral de leur salaire.
  • Les indépendants reçoivent une indemnité journalière forfaitaire (53,74 euros en 2017).
  • Ainsi, le salaire des pères est intégralement maintenu dans la majorité des cas, sauf pour les 20 % des pères les mieux rémunérés.
  • Ces jours de congé constituant un droit individuel, ils ne peuvent pas être partagés avec l’autre parent (contrairement au congé parental).

Il existe de grandes disparités dans le recours au congé selon la situation professionnelle des pères au moment de la naissance.

  • L’instabilité de l’emploi et des revenus apparaît comme un facteur central d’inégalités dans la prise de congés de paternité, y compris le type de contrat de travail, le niveau de diplôme, le niveau de revenu…
  • Les situations d’emploi précaire limitent le recours au congé. Seuls 65 % ont exercé ce droit. Difficulté pour les CDD, car la prise de congé doit avoir lieu au cours d’un contrat sans décaler la date de fin.
  • Seuls un quart des pères au chômage indemnisés à la naissance de l’enfant ont utilisé tout ou partie leur droit au congé (même si le congé permet de reporter d’autant la durée de leur droit au chômage (méconnaissance du droit ou contradictoire en pensée avec le fait d’être au chômage).
  • Un tiers des indépendants recourent au dispositif congé de paternité (faible indemnité).
  • L’appréciation de conséquences négatives sur la carrière pourrait également être derrière un plus faible recours, pour 59 % des pères qui travaillent depuis moins d’un an dans une entreprise. Le recours au congé de paternité est 3 fois plus faible chez les pères ayant moins d’un an d’ancienneté.
  • La très grande majorité des pères en CDI (87 %) recourent au congé de paternité (au moins partiellement).
  • Les différences entre catégories socioprofessionnelles se révèlent modérées (83 % pour les cadres et professions intellectuelles, 87 % pour les employés, 77 % pour les professions intermédiaires et 79 % pour les ouvriers).
  • Le recours au congé de paternité est plus faible aux deux extrêmes de la distribution des revenus professionnels (67 % chez les pères les plus modestes, 73 % chez les 10 % les mieux rémunérés mais 98 % chez les pères dont le revenu est compris entre 2 500 euros et 2 899 euros).

La prise de congé peut aussi être influencée par les caractéristiques de l’entreprise, chez les pères en emploi au moment de la naissance.

  • Les congés de paternité au sein des entreprises de plus de 200 salariés ont un taux de recours de 88 % contre 79 % dans les entreprises de 10 à 49 salariés. La possibilité de bénéficier d’accords d’entreprise permettant une meilleure indemnisation pourrait expliquer cela.
  • Les pères des PME pourraient plus souvent renoncer à ce dispositif du fait des difficultés plus grandes à se faire remplacer ou à pouvoir répartir la charge de travail liée à l’absence.
  • Dans le secteur de la construction, le taux n’est que de 65 % (normes organisationnelles peu favorables à l’articulation entre sphères familiale et professionnelle, dans un milieu peu féminisé).
  • Les plus hauts taux de recours du secteur privé sont les banques, les bureaux d’études (88 %), l’information et la communication (81 %). Ce sont les secteurs dont les conventions collectives prévoient un complément de salaire au-delà du plafond de l’indemnité.

Les différentes pratiques peuvent aussi révéler des divergences dans les représentations sociales.

  • Le recours augmente avec les années d’étude des pères. Les titulaires d’un bac +3 ou plus ont 2,5 fois plus de chance de recourir au congé de paternité que ceux titulaires d’un baccalauréat.
  • Lorsque l’on croise les niveaux de diplôme des 2 parents, c’est au sein des couples en situation d’hypogamie féminine que le recours au congé de paternité apparaît le plus fréquent (deux fois plus de chance pour un père de prendre le congé quand leur épouse est plus diplômée qu’eux).

Le recours au congé s’accompagne d’une légère meilleure répartition des tâches.

  • Il est un peu plus courant que le père prenne en charge les courses ou aille chercher les enfants à l’école. (+7 à 8 points).
  • En revanche, quasiment aucune différence concernant le ménage et la préparation des repas.

Quels sont les pères qui sont éligibles ? La majorité des pères y sont éligibles qu’ils soient salariés (CDD, CDI, contrat temporaire ou saisonnier), qu’ils soient travailleurs indépendants, agriculteurs, demandeurs d’emploi indemnisés.

Réformé au 1er juillet 2021, il existe maintenant :

  • Le congé de naissance d’une durée de 3 jours ouvrable obligatoire.
  • Le congé de paternité d’une durée maximale de 25 jours calendaires pris dans les 6 mois suivant la naissance de l’enfant (le congé peut être fractionné) dont 4 jours obligatoires [1]. Voir le décret du 10 mai 2021.

La réforme de juillet 2021 met en place une obligation partielle du congé de paternité dans l’objectif de garantir l’exercice de leur droit à l’ensemble des pères : l’universalité du congé étant réduite à une semaine sur les quatre disponibles. En doublant la durée du congé de paternité, la réforme donne la possibilité aux hommes de s’arrêter près d’un mois pour s’occuper de leur nouveau-né et aider la conjointe à récupérer de l’accouchement.

Cette politique française reste toutefois modérée par rapport aux dispositifs en vigueur dans les pays voisins. La littérature internationale indique que les congés les plus propices à favoriser l’investissement des hommes dans les tâches parentales et domestiques sont ceux rémunérés, réservés aux pères, de plusieurs mois et utilisés en partie en dehors du congé de la mère. La réforme française suffira-t-elle pour atteindre l’objectif d’égalité qu’elle se fixe ?


Référence