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Le métier d’enseignant et de chef d’établissement : que nous apprennent les comparaisons internationales ?

samedi 15 février 2020

Alors que le ministre de l’Éducation nationale vient d’installer un dialogue social pour préparer la loi de programmation qui portera sur la revalorisation du métier d’enseignant en compensation de la réforme des retraites, il est utile de revenir sur les principaux enseignements de l’enquête Talis de l’OCDE dans près de 50 pays dont la France sur le métier d’enseignant et de chef d’établissement. Elle offre une photographie inédite de leur métier en documentant notamment leurs profils, leurs pratiques de classe, leur sentiment d’efficacité personnelle et leur formation et les particularités de notre pays.

Ce qu’est Talis ?

Talis est une enquête internationale initiée par l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE) dans près de 50 pays. Elle a été menée en 2018. Il s’agit de la seconde après celle de 2013. Cette enquête s’appuie sur les voix de près de 260 000 enseignants et chefs d’établissement de 15 000 établissements primaires et secondaires ont participé. Elle est la seule de cette envergure sur leurs conditions de travail et leurs environnements d’apprentissage, et se révèle être un baromètre de la profession tous les cinq ans.

Les conclusions générales montrent qu’il reste encore beaucoup à faire pour offrir aux enseignants plus de possibilités de préparer l’avenir. À peine plus de la moitié des enseignants des pays participants ont été formés à l’utilisation de technologies appliquées à l’enseignement, et moins de la moitié estiment qu’ils étaient bien préparés lorsqu’ils ont commencé à enseigner. Pourtant, deux tiers d’entre eux indiquent que la formation professionnelle la plus utile qu’ils aient suivie portait sur l’innovation dans l’enseignement.

Et qu’en est-il de la France pour les résultats clés ?

La carrière enseignante

L’enseignement est le premier choix de carrière pour 69% des enseignants en France et pour 67% dans les autres pays, ce qui suggère un haut niveau d’engagement. Parmi les raisons pour lesquelles ils ont rejoint cette profession, 92% des enseignants en France citent comme motivation majeure la possibilité d’avoir une influence sur le développement des enfants (une part similaire à la moyenne OCDE) et 83% la possibilité d’apporter une contribution à la société, soit une part un peu inférieure à leurs pairs (88% pour la moyenne OCDE). En revanche, les enseignants en France sont plus nombreux que dans les autres pays de l’OCDE à citer des aspects liés à la stabilité de la carrière professionnelle (72% contre 61% pour la moyenne OCDE) ou des revenus (70% contre 67% pour la moyenne OCDE).

Les profils des enseignants

En France, les enseignants ont en moyenne 43 ans, ce qui est inférieur à la moyenne d’âge des enseignants des pays de l’OCDE. En outre, 27% des enseignants sont âgés de 50 ans et plus (34% pour la moyenne de l’OCDE). Cela signifie que la France devra renouveler plus ou moins un quart des personnels d’enseignement au cours des dix prochaines années environ.

… et des chefs d’établissement

Les chefs d’établissement ont en moyenne 53 ans, semblables à l’âge moyen des chefs d’établissement dans les autres pays. Par ailleurs, 19% des chefs d’établissement en France sont âgés de 60 ans et plus, ce qui est comparable à la moyenne de 20% observée pour l’OCDE. La France a deux caractéristiques majeures : un vieillissement notable de cette population depuis 2013 et un déséquilibre de genre. Seulement 41% des chefs d’établissement sont des femmes, contre 65% des enseignants. Pour l’OCDE ces deux tendances nécessiteront un suivi attentif et pour la question de genre un examen des raisons pour lesquelles les enseignantes n’accèdent pas aux postes de direction.

L’utilisation des TIC

Un peu plus de la moitié (56 %) des enseignants dans l’OCDE ont été formés à l’utilisation des TIC appliquées à l’enseignement dans le cadre de leurs études ou de leur formation. Et un chef d’établissement sur quatre cite le manque et l’inadaptation des technologies numériques comme obstacle à une instruction de qualité.

En France, 51% des enseignants ont signalé que l’utilisation des technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement était incluse dans leur formation, tandis qu’en moyenne, seulement 29% des enseignants se sentent préparés à enseigner dans ce cadre à la fin de leurs études. De même pour la formation continue, 23% des enseignants rapportent un besoin élevé de formation continue en France (contre 18% pour l’OCDE en moyenne)

En moyenne en France, 36% des enseignants laissent « fréquemment » ou « toujours » les élèves utiliser le numérique pour des projets ou travaux en classe, ce qui est inférieur à la moyenne de l’OCDE.

Et enfin, 30% des chefs d’établissement français rapportent que le manque ou l’inadaptation du matériel numérique à usage pédagogique entrave la capacité de leur établissement à dispenser un enseignement de qualité (contre 25% pour le reste de l’OCDE). La France est manifestement en retard.

Dans la classe

Dans les pays de l’OCDE ayant participé à l’enquête TALIS, 78 % seulement d’un cours type est consacré à l’instruction, le reste étant consacré à la discipline (13 %) et aux tâches administratives (8 %). Le temps passé en classe à l’instruction proprement dite est bien moindre dans les établissements accueillant un nombre élevé d’élèves issus de milieu socioéconomique défavorisé. Dans la plupart des pays, les relations entre les élèves et leurs professeurs se sont améliorées depuis 2008, en France aussi. Mais toutefois, 14 % des chefs d’établissement signalent des actes réguliers d’intimidation ou de harcèlement entre élèves. C’est plus élevé en France où 27% des chefs d’établissement signalent ces actes. En outre, la part des principaux rapportant des incidents réguliers prenant la forme de harcèlement physique ou non physique a augmenté de 5 points de pourcentage au cours des cinq dernières années. Aussi, pour l’OCDE, ce problème nécessite une étroite surveillance et des mesures pour l’éradiquer. D’autres pays ont réussi à faire baisser ce problème.

La question du maintien de l’ordre

Conséquence du point précédent, les enseignants en France passent significativement plus de temps au maintien de l’ordre dans leur classe en France (17% contre 13% dans l’OCDE). Et l’OCDE constate que les écarts de temps d’enseignement entre les collèges avec des concentrations faibles d’élèves de milieux socioéconomiques défavorisés et ceux avec des concentrations fortes sont particulièrement marqués en France, où ils excèdent 5 points de pourcentage. Ces écarts reflètent peut-être le fait que les enseignants dans les collèges avec de fortes concentrations d’élèves de milieux socioéconomiques défavorisés sont plus jeunes et moins expérimentés que leurs collègues des autres établissements scolaires. En France, environ un tiers des enseignants (35%) signalent des problèmes de discipline en classe, comme le fait d’avoir à attendre assez longtemps que les élèves se calment au début du cours. C’est au-dessus de la moyenne de l’OCDE (28%).

Le perfectionnement professionnel

Parmi tous les pays participant à TALIS, moins de 10% des enseignants ont suivi une formation centrée uniquement sur une discipline, à l’exception de quelques pays, dont la France (19%). Au cours de leur formation initiale, 66% des enseignants en France ont été formés au contenu disciplinaire, à la pédagogie et aux pratiques en classe – soit une part inférieure à la moyenne (79%). Néanmoins, cette part s’élève à 73% pour les enseignants récemment formés. En outre, plus de 50% des enseignants expriment un manque de préparation s’agissant de la pédagogie et des pratiques de classe à l’issue de leur préparation.

En conclusion pour l’OCDE, tous les pays doivent rendre le professorat plus intéressant d’un point de vue financier et intellectuel pour pouvoir faire face à la demande croissante d’enseignants de haut niveau partout dans le monde.

En France, pour l’OCDE, la formation initiale n’est pas ajustée à tous ces défis et en particulier la difficulté des enseignants français à prendre en charge les enfants à besoins particuliers. L’organisation vise aussi les problèmes de discipline plus importants en France que dans la plupart des autres pays de l’OCDE. Moins d’un quart des enseignants français ont suivi une formation à la gestion de classe, un taux qui est le plus faible de l’enquête Talis. C’est aussi en France que le pourcentage d’enseignants ayant participé à de la formation continue est le plus faible.
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