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Le dernier congrès FO

mercredi 4 mars 2015

Après son Congrès, FO rejoint la CGT et Solidaires dans une journée de grève et d’action le 9 avril prochain.

Force ouvrière est une Confédération de quelque 300 000 adhérents actifs et retraités (500.000 revendiqués), pesant autour de 18 % dans les élections professionnelles, troisième organisation après la CGT et la CFDT dans le secteur privé et les Fonctions publiques, premier syndicat dans la fonction publique d’Etat. Sur les cinq premières fédérations professionnelles représentées au Congrès, trois [1] représentaient essentiellement les salariés du public, regroupant 40 % des délégués.

Depuis la scission de 1947 d’avec la CGT dominée par le Parti communiste, FO s’attache à éviter toute organisation interne de courants liés directement à des partis politiques. Comme le rappelait Jean-Claude Mailly, les militants sont « libres et indépendants » et « ils ne fonctionnent pas dans une logique de motions et de courants, à l’instar des partis politiques ». Aussi FO accueille-t-elle des adhérents et militants de sensibilités politiques diverses, selon un large éventail des socialistes à l’UMP, voire à l’extrême-droite, en passant par l’entrisme des trotskistes du Parti ouvrier indépendant, puissants dans des secteurs-clés de l’appareil, et les anarcho-syndicalistes de la Loire atlantique. Fédérations, syndicats et Union départementales sont jaloux de leur autonomie et l’unité de la confédération se préserve grâce à une identité FO très autocentrée, critique de la CGT et de la CFDT, attachée aux valeurs de la République, avec une tonalité ultra-laïciste et anti-européenne, navigant selon les périodes et les conjonctures de la négociation collective à un radicalisme de défense des droits acquis et des statu quo. Depuis la vive tension qui avait opposée Claude Pitous et Marc Blondel en 1989 pour la succession de Bergeron, un débat sous-jacent demeure néanmoins entre partisans de la politique contractuelle et trotskistes : de bons observateurs estiment le rapport de forces interne dans la commission exécutive de 35 membres à plus de 60 % en faveur des réformistes contre 30 % pour les trotskistes.

Profondément divisée quand il est arrivé à sa tête, en 2004, FO apparaît en 2015 rassemblée autour de Jean-Claude Mailly, qui a été plébiscité pour son dernier et quatrième mandat.

Premier ciment de rassemblement : la place tenue dans les résolutions par les revendications de défense des services publics accessibles à tous, moyen de défense de l’égalité républicaine, de la liberté et la fraternité, socles français du « vivre ensemble », auxquels FO ajoute systématiquement la laïcité, qui compte bien davantage aujourd’hui dans son idéologie que l’anticommunisme. Ces références, intégrées par les militants du secteur privé, souvent minoritaires, atténuent les tensions éventuelles entre secteur privé et secteur public, ce dernier dominant dans les structures de FO, en particulier au sein des unions départementales, qui forment la base de la solidarité interprofessionnelle des syndicats FO.

Deuxième ciment de rassemblement : le 23ème Congrès à Tours du 2 au 6 février a été celui du rassemblement de toutes les sensibilités contre le gouvernement et sur la proposition d’une journée de grève interprofessionnelle « contre l’austérité ». Le numéro un de FO, Jean-Claude Mailly, qui, à 62 ans, a été reconduit pour un quatrième mandat, s’est félicité que la confédération ait « marqué son unité » par un vote du rapport d’activité à 97 % et celui des quatre résolutions – générale, sociale, protection sociale et outre-mer – à la quasi unanimité des 3 117 délégués.
FO propose donc aux autres syndicats une « journée nationale de grève et de manifestation dont une à Paris » pour « construire le rapport de force à même de faire reculer le gouvernement et le patronat » sur des « revendications claires » à l’égard des symboles d’une « orientation politique économique libérale-sociale régressive de l’exécutif » et de sa « logique d’austérité ». Elle réclame donc « le retrait » du pacte de responsabilité, du projet de loi dit Macron, - qui « flexibilise à outrance tous les secteurs », « banalise le travail dominical et de nuit » et « veut liquider les prud’hommes » - et de la réforme territoriale, « l’arrêt du CICE » (Crédit d’impôt compétitivité emploi) et des engagements sur l’emploi, l’investissement et les salaires avant toute aide publique.

Chargeant la barque, Force Ouvrière en profite pour réaffirmer sa condamnation des « lois liberticides » dites de représentativité (du 20 août 2008, du 5 juillet 2010, du 15 octobre 2010). Elle rappelle son souhait d’un retour de la retraite à 60 ans, qualifiant la loi du 20 janvier 2014 sur les retraites d’« élément clef du plan d’austérité ». Au sujet du nouveau compte pénibilité, l’organisation juge insuffisante la possibilité d’une retraite anticipée de deux ans et demande une anticipation d’au moins cinq ans, avec de nouveaux seuils d’exposition améliorés. Sur la réforme du dialogue social, FO continue de plaider pour une représentation pour tous les salariés, visant ainsi ceux des TPE, et s’oppose à toute fusion des IRP en un conseil d’entreprise et revendique le maintien du CHSCT en tant qu’institution à part entière.

La proposition de grève visait la convergence avec celle de Philippe Martinez, nouveau secrétaire général de la CGT. Actant de son rejet par la CFDT, la CGC, et la CFTC, le 17 février CGT, FO et Solidaires ont décidé ensemble la journée d’action du 9 avril 2015. Ce qui est en soi un événement.

Sans surprise, puisque seul candidat en lice, Jean-Claude Mailly a été réélu par le comité confédéral au poste de secrétaire général de FO pour trois ans d’un dernier mandat. La composition du bureau confédéral reste la même, deux départs en retraite étant remplacés par Frédéric Souillot, de la fédération métallurgie, et Jocelyne Marmande, issue de la fédération FGTA (agriculture et alimentation) ; ils rejoignent donc Michelle Biaggi, Stéphane Lardy, Pascal Pavageau, Philippe Pihet, Didier Porte, Andrée Thomas, Marie-Alice Medeuf-Andrieu, Anne Baltazar et Yves Veyrier. Patrick Privat devient le nouveau trésorier confédéral. La question de la succession de Jean-Claude Mailly a été absente du congrès. Seul Pascal Pavageau, qui vient de l’équipement, s’est déjà déclaré comme candidat à sa succession. L’autre nom mentionné est celui de serait Stéphane Lardy.

Pour l’heure, FO construit son unité sur une conjonction étonnante, qui marie la défense de tous les acquis (même contradictoires) à un radicalisme anticapitaliste bien irréaliste. Cette ligne peut peut-être lui garantir le maintien de son audience d’aujourd’hui auprès d’une frange de salariés “anti”, de toutes sensibilités politiques. Elle sert surtout à justifier une alliance, jadis impensable, avec une CGT, aux positions analogues, raidie sur la lutte des classes : c’est bien le sens de la grève interprofessionnelle du 9 avril. Cela n’empêchera pas FO de signer demain tel ou tel accord de la négociation contractuelle, quand cela favorisera ses intérêts d’organisation. Mais au total, comment ses militants et les salariés peuvent-ils s’y retrouver ?

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http://www.force-ouvriere.fr/congres-confederal-2015-a-tours


Notes :

[1Respectivement Fédération des personnels des services publics et des services de santé (FPSPS), Fédération des employés et cadres, qui recouvre le secteur des organismes sociaux et dix autres secteurs professionnels, Fédération de l’enseignement, de la culture et de la formation professionnelle. Les deux premières fédérations du privé en nombre de délégués étaient FO Métaux et la FGTA (Fédération générale des travailleurs de l’alimentation).


Messages

  • Pour être complet sur Fo, il faut aussi, me semble - t - il, souligner quelques points :
    - un engagement fort sur le thème de la République Sociale, avec des textes qui n’ont rien à envier et plutôt des leçons à donner à pas mal de ’projets’ de partis politiques (voir par exemple le N° du journal FEC FO de novembre 2014 sur le congrès du CIRIEC International) ,
    - un engagement fort et nombreux dans les instances syndicales mondiales, en particulier à UNI (voir à ce sujet le dernier journal FEC FO sur le congrès UNI en Afrique du Sud), ce que d’autres fédérations - je pense à une en particulier dont le siège est à Belleville - pourtant classée devant FO en terme d’importance ne font pas, ou le font à reculons ...et parce que ça fait bien. De là, il est un peu réducteur de qualifié FO d’anti européen... contre une certaine Europe, oui, contre l’Europe des Travailleurs ?
    - une référence dans les textes de base à la Charte d’Amiens de 1947.
    Contribution , Pour apport à la réflexion de tous.

  • La filiation anarcho-syndicaliste de FO en Loire-Atlantique est une légende tenace. Il y a belle lurette que l’UD FO 44 est aux mains des militants du POI, ex-MPPT, ex-OCI...