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La France : un grand pays redistributif. Des premiers de cordée au « sans compter » !

samedi 9 janvier 2021

Deux études récentes de l’INSEE et une de France Stratégie ont donné un éclairage sur l’évolution des salaires et du niveau de vie en 2018 et 2019 avec des comparaisons européennes. Alors que les inégalités ont augmenté en 2018 notamment du fait de la nouvelle politique fiscale qui a favorisé « les premiers de cordée », elles se sont réduites l’année suivante à la suite des décisions prises par le gouvernement pour répondre au mouvement des gilets jaunes. La crise que nous vivons aujourd’hui malgré la protection de notre système social devrait provoquer une perte de revenu pour l’ensemble de la population.

2018 : ralentissement de la progression du pouvoir d’achat

La première année pleine du quinquennat d’Emmanuel Macron s’est caractérisée par un ralentissement de la progression du pouvoir d’achat des salariés. En effet, alors que sur les vingt années qui ont précédé le salaire moyen en équivalent temps plein avait progressé de 0,6 % en moyenne, 2018 marque le pas avec seulement 0,4 %.
Le salaire moyen net par mois a été de 2 369 euros dans le secteur privé. La moitié des salariés ont gagné moins de 1 871 euros (salaire médian). Le salaire moyen a été de 2 637 euros dans l’industrie, 2 330 euros dans le tertiaire et 2 145 euros dans la construction. La moyenne des salaires a été la plus élevée dans les services financiers et l’informatique et la moins élevée dans l’hôtellerie-restauration.

Les plus hauts salaires s’en sont mieux tirés que les autres !

En 2018, 80 % des salariés ont gagné moins de 3 000 euros et un salarié sur 1 000 plus de 9 172 euros soit 8 fois le SMIC. La progression du pouvoir d’achat a été plus forte chez les salariés les mieux payés : au-dessus de 3 776 euros, la progression est de 0,5 % alors qu’elle n’est que de 0,2 % jusqu’à 2 848 euros. Au-delà de 9 172 euros (les 1 % des salariés les mieux payés) la progression est de 1,2 %.
Plus largement, le salaire net a progressé plus que le salaire brut dont le pouvoir d’achat n’a pas bougé, du fait de la diminution des prélèvements obligatoires sur les salaires (transfert des cotisations sociales vers la CSG).

L’écart des salaires entre les femmes et les hommes diminue…lentement

Même s’il a continué à diminuer en 2018 (-0,3 point), l’écart de salaire entre les femmes et les hommes reste à un niveau élevé : 16,9 %. Si la moitié de cet écart peut s’expliquer (effets de structures par secteur d’activité, taille des entreprises, âges, catégories socio-professionnelles, etc..), l’autre moitié constitue « le plafond de verre » qui décidément a la vie dure ! Et c’est encore plus le cas pour les plus hauts salaires. Il n’y a que 19,5 % de femmes chez les 1 % les mieux payés.

Le salaire évolue plus favorablement pour les ouvriers (+0,3 %) que pour les employés (+0,1 %) et les professions intermédiaires (-0,3 %). L’évolution est aussi négative (-0,2 %) pour les cadres du fait de l’entrée de jeunes cadres sur le marché du travail.

C’est clairement les salariés en place qui bénéficient de l’augmentation du pouvoir d’achat. Il faut être un homme, avec de l’ancienneté et avoir un CDI à temps plein pour voir son salaire progresser de 2,5 %.

Le niveau de vie en progression de 0,3 % en 2018

Dans son Portrait social de la France paru en décembre 2020, l’INSE consacre quelques pages à l’évolution du niveau de vie à partir du revenu disponible des ménages par le nombre d’unités de consommation (UC) [1]. En 2018, la moitié des ménages ont un niveau de vie inférieur à 2 126 euros par UC par an soit 1 771 euros par mois en progression de 0,3 % par rapport à 2017. Le premier décile a un niveau de vie moyen de 11 210 euros, en baisse de 1,6 %, alors que pour le neuvième il était de 39 130 euros en hausse de 0,6 %, montrant que les inégalités se sont nettement renforcées en 2018.

Sans surprise, le niveau de vie augmente avec l’âge au début de carrière du fait de l’activité mais avec le temps c’est le patrimoine qui participe le plus à l’augmentation du niveau de vie. Toutefois, il baisse à partir de 65 ans. Malgré tout, le niveau de vie des retraités est supérieur à celui des actifs.

Un rattrapage en 2019

À la suite du mouvement des gilets jaunes et du grand débat qui a suivi, en diminuant de façon drastique la fiscalité pour les classes moyennes et en augmentant certaines prestations sociales liées à l’activité, le gouvernement français a globalement redonné du pouvoir d’achat aux ménages. Ainsi le niveau de vie s’est élevé de 0,8 % en moyenne en 2019. Ce sont les classes intermédiaires qui ont le plus bénéficié de la hausse (+340 euros en moyenne). Le plus riches n’ont rien gagné, et les plus pauvres +160 euros en moyenne seulement. Le gouvernement a voulu favoriser les ménages actifs et les retraités aux basses pensions.

Les instruments de redistribution jouent un rôle important

Grâce à la redistribution (fiscalité, prestations sociales), les écarts de revenus diminuent de moitié (de 8 à 4). Ce sont les prestations sociales dont les aides au logement qui jouent le rôle le plus important dans la redistribution (62 % de la redistribution). L’impôt sur le revenu représente 29 % de la redistribution. La CSG seulement 9 %. La taxe d’habitation ou encore l’impôt sur la fortune immobilière n’ont pratiquement pas d’effet redistributif.

La France, un pays moins inégalitaire que la moyenne des pays européens

L’étude de France Stratégie sur les inégalités primaires dans les différents pays européens montre qu’elles sont un peu plus faibles en France qu’ailleurs en Europe (-1,7 % par rapport à la moyenne européenne). Elles se situent dans le premier tiers des pays européens dans ce domaine. La redistribution réduit davantage les inégalités en France que dans la moyenne de nos voisins (-24,8 % en France contre -22,6 % ailleurs). Toutefois, les prélèvements sont plus forts que la moyenne des autres pays pour les 20 % des revenus les plus faibles.

Le changement de politique gouvernementale en matière de revenu des ménages déjà amorcé en 2019 a été amplifié avec le « sans compter » du printemps 2020 pour répondre à la crise du COVID-19, aux antipodes, comme le dit Françoise Fressoz dans un récent éditorial du journal Le Monde, « de l’élite mondialisée et nomade dont il est apparu l’incarnation au début du quinquennat ». Une étude récente du Trésor démontre, d’après Les Echos, que plus d’un tiers des ménages bénéficiaires des aides de l’État liées au COVID-19 sont dans le premier dixième de niveau de vie.

Même si les revenus auront diminué en 2020, la France reste toujours un grand pays redistributif.


Sources


Notes :

[1Unité de consommation d’un ménage (UC) : 1 UC au premier adulte du ménage, 0,5 d’UC pour les autres personnes de plus de 14 ans, 0,3 d’UC pour les enfants de moins de 14 ans