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L’apprentissage en 2021 : réussite et déficits

samedi 1er octobre 2022

L’apprentissage connait depuis 3 ans un très fort essor. Cela transforme l’apprentissage par l’évolution des niveaux des formations et des types de certifications préparées, l’âge de apprentis, les types d’entreprises d’accueil. Cette hausse pose aussi un problème financier, mettant France compétences en très fort déficit. Pour faire le tour de ces éléments, la Dares a présenté une comparaison entre 2021 et 2018 et la Cour des comptes a produit un rapport sur l’état de l’apprentissage et de ses difficultés financières.

Les chiffres

733 000 nouveaux contrats ont démarré en 2021, soit 711 600 dans le privé et 21 500 dans le public. C’est 39 % de plus qu’en 2020 et un doublement par rapport à 2019 : un changement d’échelle !

Évolution du nombre de contrats d’apprentissage signés annuellement sur 30 ans
1993 131 000
2008 305 000
2009 296 000
2012 308 000
2017 305 000
2018 321 000
2019 369 000
2020 530 000
2021 733 000



L’apprentissage était encore peu développé dans les années 90, où étaient envoyés surtout des jeunes en échec scolaire pour préparer un CAP. Dopé progressivement par la mise en application de la loi Seguin du 23 juillet 1987 qui a ouvert l’apprentissage à tous les niveaux de diplômes et en a ainsi changé l’image, il atteint les 300 000 dans les années 2000. La progression est ensuite stoppée par la crise financière et économique et les années 2010 ne connaissent ensuite que de très modestes hausses.

La loi Avenir professionnel de septembre 2018 donne la responsabilité du développement de l’apprentissage aux branches professionnelles, au lieu des Régions antérieurement, rend facile la création de centres de formation d’apprentis, recréant un mouvement de développement. La création d’une aide exceptionnelle aux entreprises embauchant des apprentis face à la pandémie, depuis la mi-2020, assure cet essor exponentiel.

Quelques caractéristiques des contrats d’apprentissage

 L’essor vient d’abord des formations du supérieur
Elles représentent les ¾ de la hausse entre 2018 et 2021, si bien que représentant 38 % des contrats conclus en 2018, elles en constituent 60 % de ceux de 2021, avec notamment 270 900 contrats pour des certifications à bac + 3 ou au-dessus (niveaux 6,7 et 8), continuant à développer l’image de l’apprentissage comme une voie de formation alternée pour tous les niveaux de qualification. Il faut dire qu’alors que les formations du supérieur étaient exclues de l’aide unique aux entreprises créée par la loi Avenir professionnel, elles ont accès à l’aide exceptionnelle. Cependant les formations de niveau du secondaire (niveau 3 : CAP et niveau 4 : bac), 40 % des contrats de 2021, ont également progressé, passant de 200 000 en 2018 à 293 000 en 2021.

 Des apprentis plus âgés
La conséquence de cet essor des formations du supérieur est que beaucoup d’apprentis ont plus de 20 ans, tandis que les moins de 18 ans passent de 37 % à 19 % du nombre total. Les 20-25 ans représentent la moitié des contrats signés en 2021 et récemment, par l’ouverture de l’apprentissage au-delà de 25 ans, ceux-ci représentent 7 % des apprentis.

 De plus en plus d’apprentis dans le tertiaire et dans les entreprises de 10 salariés et plus
Traditionnellement situés surtout dans les TPE de l’artisanat et du commerce, les contrats se signent dans différents secteurs du tertiaire, avec 71 % des contrats.

2021 2021/2018
Tertiaire 71 % +12 points
Industrie 15 % -6 points
BTP 11 % -5 points
Agriculture 2 % -1 point



Dans le tertiaire, en plus du commerce (23 %, +2 points), se sont développés des contrats dans les activités de soutien aux entreprises (15 %, +5 points), dans le tertiaire non marchand (6 %, +3points) ou le secteur info-com (5 %, +2 points). Les autres secteurs, industrie, construction perdent du terrain en proportion, mais en augmentent en nombre.

D’autre part, l’apprentissage se répand de plus en plus dans les entreprises de plus de 10 salariés, passant de 48 % en 2018 à 53 % en 2021. Les entreprises de 250 salariés et plus représentent ¼ de la progression pendant ces 3 ans.

 Une majorité d’hommes mais une montée des femmes
En 2021, 56 % sont des hommes et 44 % des femmes. Mais pour elles, cela représente une hausse de 10 points par rapport à 2018 et un quasi triplement en nombre.

Deux préoccupations causées par cet essor

  • La Cour des comptes insiste sur l’évolution de la répartition proportionnelle des niveaux de formation et de diplômes préparés, alors que l’apprentissage était jusqu’en 1987 réservé aux jeunes les moins qualifiés. Pour elle, autant l’apprentissage est un atout pour l’accès à l’emploi pour les premiers niveaux de qualification (niveaux 3 CAP-BEP, 4 Bac et même 5 Bac +2), à partir de la licence (niveau 6) la plus-value pour l’insertion professionnelle est faible, permettant cependant un emploi de meilleure qualité. D’autre part, elle conclut cependant que cette ouverture de l’apprentissage au supérieur est un levier de démocratisation, de professionnalisation et de financement de l’enseignement supérieur.
  • Son gros souci vient du coût de ce fort développement de l’apprentissage depuis la mise en route de la loi Avenir professionnel sur le financement dès 2020. Depuis, les centres de formation d’apprentis sont financés à l’activité, dans une logique de « guichet ». Les coûts au contrat sont définis par les branches professionnelles et les opérateurs de compétences assurent l’essentiel du financement, sur la partie de la contribution formation des entreprises affectée à l’alternance et redistribuée par France compétences.
    Mais, pour la Cour, la première définition des niveaux de prise en charge a eu des bases fragiles, avec une forte augmentation du coût moyen (+17 %) et des écarts importants entre formations de même niveau et même domaine. La conséquence de la baisse des recettes formation due au covid, de la si forte augmentation du nombre et des niveaux de prise en charge est concrétisée dans le passage des dépenses de 5,5 Md€ en 2018 à environ 11,3 Md€ en 2021, causant un très fort déficit. Pour la Cour, « l’alternance connaît une impasse financière » et France compétences est dans une « situation financière préoccupante ».

Elle demande donc des « mesures fortes d’équilibrage du système d’alternance » et propose des mesures techniques, mais aussi de retravailler l’adéquation de l’offre d’apprentissage par rapport aux besoins des entreprises et des territoires, et encore l’accès pour des jeunes d’âge scolaire en développant des mesures en matière d’information et d’orientation, d’accompagnement personnalisé et d’aides à la mobilité́.

Cette soudaine augmentation pose de gros problèmes financiers, il faut les traiter. Mais on sait que le doublement de l’apprentissage en 2 ans a été un élément clé pour abaisser le niveau de chômage des jeunes, il ne faut pas l’oublier. Les partenaires sociaux ont envisagé dans les réunions de l’agenda social autonome la suppression des exonérations de taxe d’apprentissage et du financement de l’apprentissage dans l’Éducation nationale. Se pose aussi la question du niveau des aides accordées aux entreprises. Déjà, l’ensemble des coûts-contrats viennent d’être révisés par les branches professionnelles à partir des recommandations de France compétences et s’appliquent depuis le 1er septembre. C’est une première mesure mais le dossier n’est pas clos.


Sources