1. Accueil
  2. > Conditions d’emploi
  3. > Formation Qualification
  4. > L’action contre l’illettrisme est possible

L’action contre l’illettrisme est possible

samedi 5 novembre 2016

Rappelons qu’en métropole 2,5 millions de personnes (18-65 ans) sont illettrées (7 % de la population). Contrairement aux idées reçues, l’illettrisme touche plus les plus de 45 ans (la moitié du total) que les jeunes, ce n’est pas non plus une affaire d’immigration puisque 71 % d’entre eux parlaient français à la maison à 5 ans et, si 10 % habitent dans des ZUS (zones urbaines sensibles), la moitié vit dans des zones rurales ou peu peuplées.

Plus de la moitié travaille : le monde du travail et les entreprises sont très concernés, tout particulièrement dans les secteurs de l’hôtellerie-restaurants-bars, le BTP et les services à la personne. Que faire face à cette réalité, souvent cachée, alors que l’évolution des emplois, l’invasion du numérique et la dématérialisation de beaucoup de tâches exigent de plus en plus un socle de base ? L’État a créé l’exigence de l’acquisition d’un socle de base à l’école, les partenaires sociaux ont créé le Cléa [1], certificat de connaissances et compétences professionnelles, premier niveau de qualification. Déjà un nombre non négligeable de demandeurs d’emploi sont passés par le Cléa. Et dans les entreprises ?

L’action dans les entreprises

La réforme de la formation professionnelle de 2014 a instauré l’obligation pour les entreprises d’apporter une certification aux personnes qui n’en ont pas, dans un délai de cinq ans : « les employeurs ont la responsabilité de garantir l’employabilité de tous leurs salariés » (Hervé Fernandez directeur de l’ANLCI [2]). Or, l’illettrisme est plus en plus un facteur d’exclusion du marché du travail et, pour ceux qui en ont un, d’un maintien permanent au niveau salarial le plus bas.

Pourtant il n’est pas simple d’introduire cette question dans l’entreprise car beaucoup de personnes en situation d’illettrisme, peu ou pas diplômées, ont trouvé des stratégies de contournement. Quel est l’intérêt pour elles de se dévoiler ? C’est une situation qui complique beaucoup leur vie. Mais quel intérêt à partager ce déficit d’apprentissage si les techniques de camouflage fonctionnent ? La crainte de perdre son travail est réelle. Et de plus, elles ont souvent connu l’échec scolaire : retourner en formation revient pour elles à se remettre en situation potentielle d’échec. Il est donc particulièrement important d’aborder la question de l’illettrisme au sein de l’entreprise non comme un retour à l’école mais dans le cadre plus global de la politique de gestion des ressources humaines et de formation continue.

Une bonne approche est de trouver un support professionnel qui va servir d’appui aux actions visant la maîtrise des savoirs de base. L’entreprise peut s’appuyer sur les occasions où elle doit améliorer les compétences de base de ses salariés lors d’une transmission, d’une réorganisation, d’une modernisation, de la mise en place de démarches qualité ou sécurité… Il s’agit de se servir de l’activité professionnelle comme levier pour l’acquisition du socle des compétences. Pour cela, il s’agit d’identifier les salariés que ce changement va impacter et de construire pour eux un parcours de formation. C’est à travers lui que les personnes en situation d’illettrisme seront touchées.

Dans ce cas, l’entreprise peut identifier les besoins par un travail de repérage en prenant soin de ne pas stigmatiser, tout en affirmant son engagement et en informant. Le plan de formation est aussi un bon vecteur car il permet de définir les besoins de formation en rapport avec les stratégies de l’entreprise, sans référence explicite aux situations d’illettrisme. De plus il fait l’objet d’une concertation avec les représentants du personnel qui peuvent faire l’interface avec les salariés et faciliter l’accès à la formation. B.A.ba Solidarité regroupant quelques grandes entreprises y ajoute un tutorat pour favoriser la maîtrise des compétences clés, tutorat pour lequel sont aussi reconnus les groupements d’employeurs pour l’insertion et la qualification (GEIQ).

Quels financements ?

Le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) a dégagé des moyens financiers et organisationnels importants, à travers notamment les appels à projets. OPCA et OPACIF [3] se sont outillés pour mieux aborder cette question avec les entreprises et les salariés afin de proposer des solutions ajustées au terrain.

Le financement des formations peut aussi se faire via le plan de formation et le compte personnel de formation (CPF) dont les droits sont majorés pour les salariés sans qualification initiale. Ou, pour les demandeurs d’emploi, avec les Conseils régionaux.

Quelques exemples

Le secteur du nettoyage est particulièrement touché par le phénomène de l’illettrisme : « Le secteur de la propreté souffre d’un manque de formation initiale et connaît une forte population issue de l’immigration », explique Jean-Marc Ducept, directeur d’Opcalia Propreté, le premier organisme paritaire collecteur agréé (OPCA) qui s’est préoccupé, dès 1999, de l’illettrisme en milieu professionnel.
Ainsi, la formation des personnels des entreprises de propreté a évolué, pour ajouter aux gestes techniques la lecture, l’écriture, le calcul et le repère dans l’espace-temps, autant de nouvelles compétences adaptées aux besoins des entreprises. Les apprenants sont aussi initiés aux nouvelles technologies, à l’ouverture culturelle, à l’observation et aux comportements à adopter. La formation repose sur des situations vécues au travail et s’appuie sur les outils du quotidien servant à la pédagogie, comme les étiquettes des produits, les plans ou encore les fiches de liaison.

« Il est difficile d’admettre, pour un employé, qu’il a un problème avec la langue française. Nous effectuons donc un travail d’équipe, avec les partenaires sociaux, pour repérer les personnes en difficulté », explique le directeur de la formation d’Onet.

Pour réduire le coût pour les entreprises et les inciter à former mieux et plus leurs salariés, Opcalia Propreté finance non seulement le programme, mais également une partie de la rémunération, à hauteur de 11,50 euros de l’heure.

Autre exemple, le groupe 02 de services à la personne, avec 12 000 salariés dont beaucoup de faible qualification, a proposé aux familles la prise en charge d’un an de l’accès à une plateforme d’accompagnement scolaire en ligne, avec l’objectif complémentaire de sensibiliser les parents au travers de leur enfant.

De même, le groupe Up (chèque déjeuner) a aussi lancé des initiatives avec un accompagnement des salariés détectés. De plus, outre une dictée qui permettait de gagner des chèques lire ou culture, le CE a aussi accordé une aide au soutien scolaire à une cinquantaine d’enfants de salariés.

Ou encore, la fondation Aéroports de Paris a lancé cette année un appel à projets pour combattre l’illettrisme.

Dernier exemple, l’usine Tefal en Haute-Savoie met en place des formations pour ses salariés en difficulté avec les compétences de base.

Le rôle des CE

Ils sont des acteurs essentiels parce que plus de 50 % de cette population se trouve dans l’entreprise. Le CE a tout d’abord la capacité d’interroger l’employeur sur le sujet et de peser dans la négociation du plan de formation. Les élus ont également un rôle d’information en direction des salariés. Ils peuvent contribuer à lever le tabou, à dédramatiser les choses et à aider les personnes concernées à faire le premier pas pour se remettre à niveau. Car mobiliser est une chose, amener les personnes concernées à se saisir des aides proposées et à enclencher un apprentissage en est une autre. Il y a un travail important à effectuer à ce niveau auprès des militants dans les entreprises. De plus le CE a la possibilité d’agir contre l’illettrisme à travers ses activités sociales et culturelles. L’utilisation du Chèque Lire en est une.

Ainsi, une action indispensable !


Précédents articles sur ce thème


Notes :

[2Agence nationale de lutte contre l’illettrisme.

[3OPCA = organisme paritaire collecteur agréé ; OPACIF = organisme paritaire agréé au titre du congé individuel de formation