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Formation professionnelle : accord des partenaires sociaux et annonces gouvernementales

samedi 10 mars 2018

Mi-novembre, les partenaires sociaux ont reçu la demande du gouvernement de se positionner sur 4 grands points concernant la réforme voulue de la formation professionnelle. Il y a eu des rencontres de concertation, il y a eu aussi une négociation qui a abouti à un accord national interprofessionnel (ANI) en février dernier. Critique, le gouvernement a annoncé les mesures qu’il veut intégrer dans une loi ce printemps. Quel bilan ? Quelles concordances, quelles divergences entre les deux approches ?

De nouveaux droits, créés dans l’ANI et repris par la ministre

  • De vrais plus

Les annonces reprennent l’essentiel des mesures inscrites dans l’ANI au profit des salariés et des demandeurs d’emploi. Parmi ces droits nouveaux, on trouve :
 au cœur du dispositif, le compte personnel de formation (CPF) renforcé, rendant en particulier possible la qualification de ceux qui ne sont pas qualifiés,
 le même accès sans proratisation pour les salariés en temps partiel, un plus pour les femmes surtout,
 mais aussi le droit à la reconversion professionnelle, ancien CIF intégré dans le CPF, avec abondement possible si les droits acquis dans son CPF ne suffisent pas (par une commission paritaire, l’employeur…),
 la possibilité très élargie et gratuite de recours au conseil en évolution professionnelle (CEP),
 et des possibilités accrues d’accès à la formation pour les salariés des TPE-PME.

Si le texte des partenaires sociaux a été bien repris, il existe cependant sur ces mesures un point de désaccord sur le CPF. Alors que les partenaires sociaux avaient maintenu son créditement en heures et en avaient accru le nombre (35 heures au lieu de 24 par an, plafond : 400 heures au lieu de 150 ; et pour les non qualifiés 55 heures et plafond de 550 heures…), le gouvernement impose un fonctionnement monétaire de 500 € par an avec un plafond de 5 000 € (800 € et plafond de 8 000 € pour les non qualifiés). Les syndicats craignent que la monétisation finalement réduise les droits, avec un risque d’inflation du prix des formations, et pour le Medef celui d’une individualisation complète de la formation au détriment de la co-construction entre salariés et entreprises.

  • Des manques détectés dans les annonces

Des absences aussi limitent la portée de la réforme. Le Medef pointe notamment l’absence d’annonces pour une accélération de l’entrée en formation des demandeurs d’emploi, et sur la qualité de la formation et sa correspondance avec les besoins de compétences en entreprise. L’Unsa regrette que les freins à l’accès à la formation pour les salariés des TPE-PME (remplacement de leurs absences) ne soit pas traité. La Cfdt insiste aussi sur plusieurs aspects : manquent encore la reforme prévue de la certification, l’expression des besoins et compétences, le rôle du dialogue social dans les entreprises sur l’accès à la formation, la prise en compte des aspects territoriaux.

En dépit de ces limites, tous, sauf la CGT, mettent en avant ces aspects positifs de nouveaux droits à la formation pour tous les salariés et demandeurs d’emploi.

Une recentralisation de la collecte et de la gouvernance du système de formation professionnelle

  • Un désaccord sur la méthode

Quant à ce qui est appelé « tuyauterie » et « gouvernance », c’est-à-dire les principes et l’organisation du système de formation professionnelle, les partenaires sociaux insistent tous sur le fait que ces points ne faisaient pas partie du questionnement qui leur avait été adressé en novembre et qu’il n’y a eu aucune concertation sur ces aspects où pourtant les annonces de la ministre bouleversent le système actuel.

En particulier, les structures paritaires existantes y sont soit éliminées (Copanef, conseil paritaire national emploi formation, et Coparef au niveau des régions, FPSPP, fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels), soit profondément remodelées (Opca, organismes paritaires de collecte de l’alternance et Octa, organismes de collecte de la taxe d’apprentissage). Une profonde modification de la méthode gouvernementale envers les partenaires sociaux, dont les accords sur la formation professionnelle étaient toujours repris dans les lois depuis 1971 !

  • Une organisation nouvelle de la formation professionnelle annoncée

La volonté gouvernementale est de simplifier et rendre plus fluide l’accès à la formation, au contraire de la complexité reconnue de l’existant. Ce qui changerait :
 la collecte de l’alternance et l’apprentissage par l’Urssaf et non plus par les organismes paritaires, déposée auprès de la Caisse des dépôts et consignations, ce qui simplifiera pour les entreprises en un seul versement,
 la création d’une grande application mobile où les salariés trouveront leurs droits et les informations concernant le CPF, les formations possibles, et où ils pourront s’inscrire directement dans une formation, ce qui déclenchera le paiement de l’organisme de formation par la Caisse des dépôts,
 une agence nationale quadripartite, France compétences, remplaçant les organes paritaires nationaux et les commissions nationales consultatives, avec un rôle décisionnaire, pour réguler les prix, la qualité des organismes de formation, et effectuer la péréquation interprofessionnelle des sommes collectées pour l’alternance et le plan de formation des TPE-PME,
 la diminution du nombre (un par grandes branches regroupées) et la transformation des Opca et Octa en « opérateurs de compétences », qui financeront les CFA, feront du conseil et du financement aux TPE-PME pour leurs plans de formation, interviendront pour la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et mèneront la prospective sur l’anticipation des besoins et l’évolution des métiers, des qualifications et des compétences.

  • Les réactions des partenaires sociaux

La plupart expriment leurs préoccupations face à ces transformations brutales. Le Medef insiste sur leur flou actuel, la Cpme met en avant le nécessaire « respect des prérogatives des partenaires sociaux », l’Unsa s’inquiète de cette reprise en main par l’État, la CFDT met en garde contre la lourdeur de ces débranchements et branchements nouveaux de tuyaux, risque pour la mise en œuvre réelle des droits des salariés à leur accès en formation. Quel partage de la gouvernance entre l’État, les Régions et les partenaires sociaux ? Quelle organisation de la transition entre les dispositifs actuels et une nouvelle structuration du système ?

En conséquence, ils insistent tous sur la nécessité d’une reprise de la concertation avec le gouvernement sur la place des partenaires sociaux, le rôle des branches, celui des organisations syndicales, sur la prise en compte des territoires en fonction de leurs activités, de l’emploi et de leurs besoins. Car les entreprises, les salariés, les demandeurs d’emploi et leurs organisations sont ceux qui sont au cœur de la problématique et de la connaissance des besoins en compétences et donc en formation.

Au-delà de ces annonces assez fracassantes, en fait, tout est loin d’être joué, on voit qu’il reste beaucoup de points à éclaircir, à préciser, à organiser, avant le projet de loi, sa discussion et son vote au Parlement. C’est dans cet espace-temps que les organisations syndicales et patronales ont bien l’intention d’intervenir fortement pour que la réforme crée une véritable dynamique de la formation et de la qualification et associe tous les acteurs.


Références

L’ANI, Accord national interprofessionnel pour l’accompagnement des évolutions professionnelles, l’investissement dans les compétences et le développement de l’alternance

Le dossier de presse des annonces ministérielles

Les communiqués des organisations

Déjà paru dans Clés du social