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Congrès de la CFDT : le rapport d’activité adopté à une très large majorité

samedi 2 juillet 2022

S’il fallait résumer le sentiment partagé par la quasi-totalité des syndicats CFDT qui participaient au 50ème congrès de la CFDT à Lyon du 13 au 17 juin 2022, on pourrait dire, comme Laurent Berger dans sa réponse aux interventions des syndicats sur le rapport d’activité, « on a fait le job ». Malgré les crises qu’a traversé le pays depuis 4 ans, la CFDT a assuré sa place de première organisation syndicale forte de ses valeurs et de son influence en se montrant « fière, unie, cohérente, combative et mobilisée ». Ce qui n’exclut pas les constats d’échecs sur le développement, l’assurance chômage ou encore l’incapacité à faire bouger patronat et gouvernement sur les ordonnances travail. Résultat : un rapport d’activité voté à près de 90 % avec des débats sereins et un regard approbateur et bienveillant sur l’équipe confédérale et le secrétaire général en particulier.

La présentation du rapport d’activité par Laurent Berger

Comme c’est maintenant la tradition depuis plusieurs congrès, l’intervention du secrétaire général se fait en trois temps : une introduction où Laurent Berger a balayé les nombreux sujets qui ont marqué la période, une illustration avec une vidéo d’une vingtaine de minutes et une troisième partie où il est rentré plus dans le détail et a aussi ouvert des perspectives liées à l’actualité politique et sociale d’un congrès qui se situait juste entre les deux tours des élections législatives. Une occasion de montrer « une belle image de la CFDT ».

Un syndicalisme qui part du réel pour transformer la situation des travailleurs et qui montre son utilité

Si Laurent Berger s’est montré heurté par le discours de défiance des gilets jaunes vis-à-vis du syndicalisme, il n’en a pas moins été choqué par « la verticalité d’un pouvoir politique persuadé qu’il pouvait s’adresser directement au peuple en ignorant les corps intermédiaires ». Ce dernier a finalement compris pendant la crise Covid la nécessité de s’appuyer sur des acteurs qui connaissent la réalité du terrain et capables de dialoguer et de s’engager. « Et des acteurs comme ça, il y en a très peu. La CFDT en fait partie ! ».

Citant en exemple la boite mail Covid et la foire aux questions que la confédération a mises en place (1,5 million de visites) mais aussi les remontées des équipes de terrain, la connaissance de ce qui se passait réellement dans le monde du travail a permis à la CFDT de peser sur les décisions gouvernementales de protocoles sanitaires ou d’obtenir des mesures sociales avec des résultats pour les salariés les plus isolés et les précaires. Revenant sur le jusqu’auboutisme de certains, il a déclaré qu’on ne transforme pas la société « à coup de menton » et fustigé « la logique du tout ou rien où le résultat est le plus souvent : rien ! ».

Autres avancées durant la période, là encore pour répondre aux problèmes rencontrés par les travailleurs, il s’est félicité de la signature des accords télétravail et santé au travail, de l’action menée pour revaloriser les métiers du soin et ceux de la deuxième ligne. Concernant le dialogue social qui « ne passionne pas les foules », Laurent Berger aussi a mis en valeur l’accord sur le paritarisme signé par la CFDT.

Dans un autre registre, il a apprécié l‘avancée qu’ont constituée les premières élections pour les travailleurs des plateformes. Il s’est félicité du score réalisé par l’Union Indépendants soutenue par la CFDT qui est la seule organisation représentative dans les deux collèges (VTC et livreurs à vélos).

Un syndicalisme qui pèse sur le patronat et le gouvernement

Prenant l’exemple actuel du pouvoir d’achat, Laurent Berger a d’abord pointé la responsabilité du patronat. Pour Laurent Berger, les grilles salariales avec 6, 7, 8 niveaux en dessous du SMIC « ça suffit ». Il a aussi dénoncé ces entreprises qui distribuent des dividendes record aux actionnaires ou des salaires indécents aux dirigeants « sans donner leur juste part aux salariés », notamment les travailleurs essentiels. Mais il a aussi pointé la responsabilité du gouvernement en la matière envers les fonctionnaires avec la nécessaire revalorisation de la valeur du point d’indice mais aussi de l’État comme régulateur économique et social en rappelant les exigences de la CFDT en matière de conditionnalité des aides publiques.

Mais il a aussi abordé les difficultés rencontrées durant le mandat : les ordonnances travail dont le résultat a été « dur pour les militants ». Pour le secrétaire général, le combat n’est pas terminé et « nous ferons tout pour les faire bouger ! ».

Autre échec pour la CFDT, la convention d’assurance chômage imposée par le gouvernement. Laurent Berger a indiqué qu’il continuerait à marteler que « le chômage n’est pas un choix ».

Il est aussi revenu sur les retraites pour indiquer que la CFDT n’a pas changé : elle est toujours favorable à un régime universel. Sur le recul de l’âge légal, qualifié d’économiquement inutile et socialement injuste, « c’est non ! ». Au passage, il a qualifié de « leurre » le retour à la retraite à 60 ans. En complément il appelé clairement de ses vœux une grande loi autonomie et grand âge.

Enfin, au milieu de l’entre-deux tours des élections législatives, Laurent Berger a réaffirmé l’indépendance de la CFDT et son positionnement vis-à-vis de l’extrême droite. Le secrétaire général de la CFDT a demandé aux responsables politiques d’être aussi clairs que la CFDT vis-à-vis du Rassemblement national. Voter contre ce parti, c’est mettre un bulletin différent quel qu’il soit sans pour cela adhérer au programme de celui ou celle qui le porte !

Un syndicalisme qui agit avec d’autres pour un nouveau modèle de développement

La création du Pacte pour le pouvoir de vivre a démontré que la CFDT pouvait travailler avec d’autres organisations pour répondre au défi de la transition écologique tout en assurant la justice sociale. Aujourd’hui, 66 syndicats et associations y participent et 42 groupes locaux fonctionnent dans toute la France. La CFDT y prend sa part. C’est ainsi que la CFDT montre qu’elle peut tenir les deux bouts du syndicalisme : être à l’écoute des travailleurs tout en réfléchissant au monde de demain.

C’est dans sa réponse qu’il interviendra sur les relations intersyndicales en qualifiant le paysage social de « pas très brillant ». Il a tout de même confirmé que les relations entre leaders syndicaux étaient faites de respect entre les responsables. Le lien avait été maintenu avec les autres organisations avec des rencontres régulières pas toujours médiatisées. Il a admis que le dialogue était plus facile avec certains, en citant la CFTC. Quant à la l’UNSA il a regretté son récent changement de pied « pour des raisons que je ne m’explique pas », tout en affirmant avoir besoin d’un « pôle réformiste solide ».

Un syndicalisme d’adhérents qui soutient les militants

Autre échec de la mandature, la CFDT n’a pas réussi à atteindre la progression de 10 % d’adhérents qui avait été votée comme objectif au dernier congrès. Tout en soulignant les réussites de tel ou tel syndicat, le compte n’y est pas probablement parce que l’objectif était trop global et même si cela ne peut pas expliquer à elle seule ce résultat, la crise du COVID n’a pas aidé. « Il nous faut organiser la diffusion du virus du développement ! » a dit en forme de clin d’œil Laurent Berger.

Par contre, le secrétaire général a souligné la réussite de l’ARC (Accompagnement, Ressources, Conseil). Ce dispositif constitué de ressources à la fois humaines et documentaires consiste à accorder un soutien de l’ensemble des organisations aux équipes syndicales de terrain. Accompagnants de sections, tutos vidéo, fiches pratiques, réseau d’experts techniques et syndicaux, formations y compris en ligne et bien d’autres dispositifs ont été construits au service des militants et font l’unanimité dans l’organisation.

Pour conclure cette intervention, Laurent Berger a souligné la fierté d’être à la CFDT, une organisation à la hauteur du rôle de première organisation « Une organisation solide et cohérente ! ».

Les interventions des syndicats

102 représentants des syndicats et grandes organisations dont 48 femmes ont donc pu s’exprimer durant le débat. La répartition public-privé était équilibrée. Ces interventions étaient globalement positives vis-à-vis de la confédération. Toutefois, une minorité d’interventions qui avaient une tonalité plus critique ont quelquefois été très applaudies par la salle.

Beaucoup d’interventions ont condamné les ordonnances travail : « Ça a permis aux employeurs de faire tout et n’importe quoi ». Autre sujet qui est souvent revenu : la situation du système de santé. Un syndicat a exprimé le point de vue général :« c’est comme les rapports du GIEC : on alerte, mais il ne se passe rien ! ». Il faut une réflexion de fond sur notre système de santé.

Sur les retraites, si la stratégie et les revendications de la CFDT sont largement partagées, il s’est tout de même exprimé des demandes de fermeté vis-à-vis du gouvernement notamment sur un risque d’augmentation de la durée de cotisation. La réponse du secrétaire général à cette question a été très claire : c’est non ! Pourtant on verra dans le débat sur la résolution que les syndicats CFDT ont voulu verrouiller la question…

Plusieurs syndicats de l’éducation ont jugé que l’on parlait peu de l’éducation dans le rapport d’activité. C’est promis on en parlera, leur a répondu Laurent Berger mais ce débat concernera non seulement les personnels mais aussi tous les acteurs de l’éducation !

Les syndicats ont largement confirmé l’utilité et la qualité du dispositif ARC. D’autres ont abordé la question du développement souvent pour rappeler les recettes habituelles de la réussite des actions de développement : proximité, volonté permanente, stratégie partagée, etc…

Difficile ici de résumer la richesse des différentes interventions, quelquefois frisant le sketch humoristique. Elles ont été représentatives de la diversité de l’organisation mais aussi de sa cohérence. À aucun moment, l’équipe dirigeante n’a été remise en cause et contestée.

La réponse de Laurent Berger aux interventions des syndicats

Nous ne reviendrons pas dans le détail sur cette réponse qui s’est voulue offensive et mobilisatrice. Certains éléments ont par ailleurs été déjà abordés.

Il est toutefois revenu largement sur les ordonnances travail pour partager le désarroi et la colère des militants et rappelé les propositions de la CFDT pour amender fortement la réforme des CSE. Dès la semaine prochaine, la CFDT interpellera le ministre du Travail, les députés et la puissance publique. Aux « mots très forts » exprimés par les intervenants, Laurent Berger a concédé que militer n’a jamais été facile. Il a mis en valeur le travail militant : une deuxième école de la vie pour laquelle on ne doit ni souffrir ni faire preuve de sacrifice, promettant une réflexion de la confédération pour répondre à la souffrance vécue par certains militants.

Sur le pouvoir d’achat et la situation économique, il a rappelé les propositions de la CFDT concernant les travailleurs essentiels, la reconnaissance des compétences, la réduction des inégalités, les difficultés structurelles qui impliquent la responsabilité des entreprises, les difficultés de recrutement. Il s’est montré favorable à des assises du travail pour répondre au besoin de sens du travail exprimé par les travailleurs.

Il a constaté que « la promesse républicaine n’était pas tenue pour tous et partout » d’où l’importance des services publics et de la protection sociale. Il a parlé système de soin, perte d’autonomie, éducation, mais aussi financement du modèle social, tout en alertant sur la dette et la transition écologique. Il a aussi réaffirmé l’engagement européen de la CFDT et rappelé que la CFDT ne transigeait pas avec les valeurs, les droit humains et le droit des femmes.

Revenant sur la place des partenaires sociaux, Laurent Berger a confirmé la participation de la CFDT au Conseil national de la refondation tout en indiquant qu’elle s’y rendrait avec de fortes exigences. Il réclame de la part de ses interlocuteurs de la loyauté, de l’écoute et de la capacité à faire des compromis. Sinon ce sera le rapport de force. « Au gouvernement de faire le choix de l’intelligence collective » ! Au passage, il passe le message au patronat « nous l’attendons dans les négociations à tous les niveaux ». Et d’indiquer de façon non moins offensive que pour dialoguer, ce à quoi la CFDT est toujours prête, il faut être deux !

En conclusion, Laurent Berger s’est adressé aux congressistes et par-delà aux militants CFDT :

« quelle autre organisation est présente partout, avec ce nombre d’adhérents, sa force militante, cohérente et capable de présenter une telle liste de résultats ? »

, tout en appelant à un vote massif du rapport d’activité.

Appel suivi d’effet : le rapport d’activité a été adopté avec 89,54 % des suffrages.