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Congrès CFDT : Résolution et votes, une organisation unie mais quelques surprises

samedi 9 juillet 2022

Avec 90,91 % des mandats sur le vote de la résolution, le congrès CFDT a montré l’unité de la première organisation syndicale française. Une unité à laquelle se rajoute une confiance quasi unanime envers les dirigeants : aucun candidat au Bureau national n’a obtenu moins de 93 % des mandats. Le secrétaire général Laurent Berger a lui-même obtenu 96,68 %. Tout va bien donc pour la CFDT. Cela dit, certains votes surprises sur les amendements à la résolution semblent montrer que tout n’est peut-être pas si simple. En tout cas, durant une semaine, les militants de la CFDT se sont livrés à un véritable exercice démocratique qui est la marque de cette organisation.

Une résolution en cinq parties

De la consultation des adhérents dès janvier 2021 (« la Consult ») jusqu’aux 2 469 amendements déposés (1 600 en 2018), le projet de résolution, présenté par Frédéric Sève et Jocelyne Cabanal, a donc fait l’objet de nombreux débats dans l’organisation assurant une préparation la plus démocratique possible. En voici un résumé du contenu…

  La première partie : Pouvoir agir avec la CFDT

Ce n’est pas anodin, contrairement aux congrès précédents, la première partie concerne l’interne à l’organisation. Pour les rapporteurs, « notre 1ère force, ce sont nos militants, l’organisation doit être à leur service ! ». À partir de là, il s’agit de renforcer l’ARC (Accompagnement, Réseau, Conseil), de réformer la formation syndicale pour former plus et mieux les adhérents et développer l’organisation. Sur ce point, il est demandé à chaque syndicat d’élaborer son propre objectif et sa stratégie pour y parvenir.
Il faut aussi s’adapter aux évolutions des formes de travail en proposant des collectifs de projets, travailler avec d’autres ou accueillir de nouveaux types de travailleurs tels que les travailleurs des plateformes.

  La deuxième : Le travail, une nouvelle conquête sociale

Là encore, il s’agit de montrer que « la CFDT ne renonce pas à faire du travail un moyen d’émancipation » déclarent les rapporteurs. Un travail qui a du sens, où les salariés sont reconnus. Dans cette partie, le texte aborde la pénibilité, le partage des richesses, la charge de travail avec le télétravail et la banque des temps au travers du congé épargne temps universel. En matière de dialogue social, la résolution revendique une profonde évolution des CSE pour redonner plus de moyens, de proximité avec les salariés et de pouvoirs aux élus. Est traitée aussi la question du dialogue professionnel ou encore de la généralisation des entreprises à « raison d’être ». Enfin, le texte propose de donner un espace à la négociation territoriale.

  Troisième partie : La protection sociale

Une troisième partie dont le fil général est l’accès des droits à tous et une protection centrée sur la personne. Les principaux points abordés par le texte : le RSA pour les jeunes, la loi autonomie et son financement et bien sûr la question des retraites (carrières longues, pénibilité avec la reconnaissance des quatre points supprimés en 2018, retraite progressive).

  Quatrième partie : Faire vivre la démocratie

Outre un appel à plus de démocratie participative, la résolution rappelle le rôle indispensable des corps intermédiaires. La démocratie doit aussi exister dans les entreprises, y compris les TPE. Par ailleurs, la CFDT, acteur libre et engagé, est opposée à l’extrême droite et refuse toute forme de discriminations. L’éducation émancipatrice doit être plus pratiquée à l’école, dans les activités périscolaires mais aussi dans l’entreprise.

  Cinquième partie : Une croissance au service d’un choix de société

La CFDT milite pour la « transition juste ». À ce titre, la transition écologique doit devenir un objet syndical, notamment par la négociation d’accords de transition juste. Plus largement, la CFDT revendique une planification stratégique de la transition écologique.

Le financement de l’action publique doit aussi être plus juste. La CFDT souhaite donc requestionner les avantages familiaux, renforcer le contrôle de l’acquittement de l’impôt et le rendre plus progressif. Elle revendique aussi le financement de la perte d’autonomie par un prélèvement de 1 % dès le premier euro sur l’ensemble des successions.

Cette dernière partie traite aussi des questions européennes et internationales.

Au final, cette résolution de près de 100 pages est l’expression de ce qu’est la CFDT. Elle servira de boussole à l’organisation et de base à l’élaboration du plan de travail de la confédération pour les quatre années à venir.

Les débats du congrès

Sur les près de 2 500 amendements déposés, 15 vont servir de base à des débats. 5 amendements ont été votés dont 3 qui n’étaient pas soutenus par le Bureau national.

Ainsi, le congrès a souhaité garder aux syndicats le contrôle des collectifs de proximité (amendement adopté par 54,94 % des voix, contre l’avis du Bureau national).

Suivant le syndicat Santé sociaux de Savoie, les syndicats ont souhaité supprimer la référence aux actionnaires dans le partage de la valeur ajoutée en argumentant que « ce n’est pas à la CFDT de défendre l’intérêt des actionnaires » (amendement adopté avec 51,49 % des mandats). Un vote qui n’est certainement pas étranger au climat politique actuel.

De même, à la demande du syndicat Interco de la Somme, le congrès a souhaité à une large majorité verrouiller la position de la confédération sur les retraites en affirmant à l’inverse des congrès précédents que « l’allongement de l’espérance de vie ne peut justifier une augmentation de l’âge moyen de liquidation » (amendement adopté par 67,5 % des voix). Un vote clair probablement motivé par la crainte d’une réforme qui, abandonnant la proposition du Président Macron de repousser l’âge légal de la retraite, s’inspirerait du texte de la CFDT en durcissant la loi Touraine de 2014. Pourtant, Laurent Berger et Frédéric Sève avaient affirmé haut et fort qu’il n’en était pas question pour la CFDT.

Deux autres amendements ont été adoptés avec le soutien du Bureau national : la proposition de supprimer la limitation à trois mandats dans les CSE (92,93 % pour l’amendement) et une proposition de rajout dans la résolution d’un texte sur le soutien à l’Europe de la défense a été largement soutenue par le congrès (87,99 % pour l’amendement).

Pour le reste des amendements, le congrès a suivi les propositions du BN pour les repousser avec des votes allant de 59,69 % à 82,5 %.

La résolution a été adoptée avec 90,91 % des mandats.

L’élection du Bureau national (BN)

Quant au vote de l’élection des membres du BN, il a confirmé la confiance accordée par les militants CFDT aux dirigeants de leur organisation. Ce vote concerne 5 catégories. Dans la catégorie des fédérations, les votes s’échelonnent de 95 % à 99,84 % des voix. Pour les unions régionales, ils vont de 93,15 % à 99,19 %. Dans la catégorie présentée par le BN sortant et qui constitue la nouvelle commission exécutive (CE), les votes vont de 94,54 % à 97,71 %. Deux autres candidats présentés dans la catégorie des cadres et des retraités sont aussi élus respectivement avec 94,71 % et 96,96 %. Le BN a ensuite a élu la commission exécutive à l’unanimité dont Laurent Berger secrétaire général, Marylise Léon secrétaire générale adjointe et Frédéric Sève trésorier.

Le nouveau BN ainsi que la CE comportent autant de femmes que d’hommes. Il y a 9 nouveaux membres. La moyenne d’âge est de 51 ans. 3 élus ont moins de 37 ans.

La conclusion du congrès

Dans son intervention de clôture Laurent Berger a déclaré aux militants que « nous pouvons être tous fiers et heureux de ce congrès ». Il s’est d’abord félicité d’avoir une nouvelle fois réduit l’empreinte carbone du congrès de 23 %. Une façon de démontrer que la CFDT sait passer de « la parole aux actes ». Il est ensuite revenu sur les temps forts du congrès dont le plus poignant a été l’hommage que les militants CFDT ont accordé aux représentants des délégations afghanes et ukrainiennes. Revenant sur les débats sur le rapport d’activité et la résolution, il a rappelé qu’à la CFDT « personne n’est détenteur de la ligne de la confédération à lui tout seul. Ça, mes camarades, c’est notre richesse, notre exigence commune ! ». Sur les retraites, il a confirmé que le message était clair « le report de l’âge de départ à la retraite à 65 ans, c’est hors de question ». Et c’est pareil pour l’allongement de la durée de cotisation. Faisant allusion à des articles de presse qui soulignaient des divergences dans la CFDT, il a rappelé que dans une démocratie, il y a forcément des divergences, mais par le débat « nous les avons dépassées ».

Pour lui, la CFDT sort unie et forte de sa résolution et portera « dès lundi » ses exigences et propositions devant le patronat et le gouvernement notamment sur les ordonnances Macron. Il a ensuite défini ce qui fait la CFDT : une organisation qui part du réel pour proposer aux travailleurs des solutions qui correspondent au contexte dans lequel ils vivent. La CFDT doit continuer d’allier indignation, réflexion, nuance et exigence, qualité des propositions et action.

Laurent Berger a aussi annoncé très clairement qu’il partirait lui-même durant ce mandat « en toute tranquillité » sans désigner celui ou celle qui pourrait être amené à lui succéder.

Un congrès CFDT c’est toujours un événement et celui-ci n’a pas dérogé à la règle. N’en doutons pas, dans la situation politique compliquée dans laquelle se trouve notre pays, la CFDT présente un pôle de stabilité et une force avec laquelle le patronat et le pouvoir politique devront nécessairement compter.


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