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Travailleurs de deuxième ligne : les négociations de branches à la peine

samedi 5 février 2022

Le rapport sur la mission d’accompagnement des partenaires sociaux dans la démarche de reconnaissance des travailleurs de deuxième ligne a été publié le 19 décembre 2021. S’il montre bien la réalité difficile de ces travailleurs sur les conditions d’exercice de leur métier, le rapport fait aussi le constat des difficultés rencontrées par certaines branches professionnelles pour améliorer la situation de ces travailleurs. Pourtant, la crise sanitaire a montré toute l’importance de ces travailleurs qui ont continué de travailler malgré les risques pour répondre aux besoins essentiels de la population durant le premier confinement. L’exécutif s’était pourtant prononcé en faveur d’une revalorisation des métiers concernés. Pour l’instant, cet appel semble ne pas avoir été entendu par de nombreux employeurs.

Repérer les métiers et les branches professionnelles concernées

Considérant que les métiers de ces travailleurs ont « des conditions de travail souvent peu favorables en décalage avec leur importance économique et sociale », les rapporteurs ont abordé leur étude dans un cadre multidimensionnel en analysant la qualité de l’emploi et du travail des travailleurs : salaires et rémunérations, horaires et conciliation vie familiale et vie professionnelle, formation et trajectoires professionnelles et qualité du dialogue social.

L’approche s’est faite par métiers au travers de l’exposition potentielle des travailleurs au risque d’exposition où le travail s’est effectué sur site durant le premier confinement. Il a été retenu 18 métiers occupant 4,6 millions de travailleurs. 15 branches sont particulièrement concernées telles que le bâtiment, les transports routiers et urbains, les commerces de proximité et alimentaires, les services à la personne et les industries et commerce en gros de viandes. Ces branches représentent environ les deux tiers des travailleurs de deuxième ligne.

Les travailleurs de deuxième ligne : tous dans les mauvaises cases

Quel que soit le critère utilisé pour définir les conditions du travail de ces travailleurs, ils se situent dans une situation défavorable par rapport à la moyenne de la population.

Ainsi leur rémunération est inférieure de 30 % à la moyenne. La part des bas salaires y est 1,5 fois plus élevée dans le secteur privé et les femmes sont surreprésentées dans les métiers les moins payés.

En ce qui concerne les conditions d’emploi, la part des CDD et l’intérim y est plus forte que la moyenne et le sentiment d’insécurité professionnelle est plus élevée. Ils sont aussi plus exposés à des conditions de travail difficiles avec dans certains secteurs une accidentologie plus forte (bâtiment, manutention, industries agroalimentaires).

Quant aux questions relatives au temps de travail et à la conciliation vie familiale et professionnelle, les contraintes sont aussi plus fortes que la moyenne des travailleurs : beaucoup de temps partiels très courts, horaires atypiques, morcelés, souvent imprévisibles un mois à l’avance, travail de nuit et du dimanche…

Ce sont aussi ces travailleurs qui subissent des transitions professionnelles difficiles, avec des périodes de chômage fréquentes et un déficit global de formation. Pour finir ce tableau assez sombre, c’est aussi là où le dialogue social y est le moins effectif.

Une activité conventionnelle contrastée et souvent décevante

C’est bien évidemment sur la question salariale que se focalise essentiellement la reconnaissance des salariés. Mais le rapport souligne que la revalorisation des métiers de ces branches est rendue plus difficile du fait de la place prépondérante des salaires dans la valeur ajoutée et de la trappe à bas salaires que constituent les exonérations de cotisations qui n’incitent pas les employeurs à augmenter facilement les rémunérations. Ces branches sont aussi souvent confrontées à des contraintes tarifaires imposées par les donneurs d’ordre et plus particulièrement l’État (services aux personnes) ou à la concurrence entre les entreprises (propreté, sécurité par exemple).

En 2020, la négociation dans les branches concernées par les travailleurs de deuxième ligne s’est globalement située au même niveau que dans les autres branches, à l’exception notable des branches du bâtiment. En 2021, les évolutions sont plus contrastées mais les revalorisations des salaires minima des branches concernées ont, pour la plupart, été rattrapées par les revalorisations du Smic le 1er octobre et au 1er janvier 2022.

Une branche fait exception, c’est celle de l’aide à domicile où les salaires ont été revalorisées de 16 % en moyenne due, pour l’essentiel, à une volonté des acteurs d’améliorer l’attractivité des métiers face à la pénurie de main d’œuvre.

Dans les autres domaines, des accords ont été signés sur les conditions de travail, les horaires ou encore la formation. Se pose toutefois la question de savoir si les évolutions envisagées seront suffisantes pour répondre aux enjeux de l’amélioration des conditions d’emploi et à l’attractivité de ces métiers.

Les rapporteurs formulent des recommandations

Ces recommandations veulent toucher plus largement que les travailleurs de deuxième zone et plutôt concerner « les métiers de la continuité économique et sociale ». Les rapporteurs considèrent que la branche constitue le niveau pertinent.

Sur la question salariale, ils proposent d’agir sur les conditions économiques de l’exercice de ces métiers notamment les tarifs de prestations publiques ou l’offre de prix des services assurant des rémunérations et des conditions de travail et d’emploi décents. Se pose aussi la question du niveau du Smic et des mécanismes d’incitation à négocier les salaires.

Il faudrait aussi améliorer les conditions de travail et réduire ou compenser les contraintes horaires notamment en augmentant les temps de travail des temps partiels. Les facteurs de pénibilité doivent être réduits en agissant sur l’organisation du travail. Les temps de déplacement pourraient aussi être pris en compte et il faudrait imaginer un crédit d’heures à mettre sur un compte épargne temps compensant les contraintes horaires. Enfin, le rapport propose de favoriser les parcours professionnels ascendants.

On ne peut qu’adhérer à de telles propositions, reste aux partenaires sociaux de s’en saisir pour réellement répondre aux attentes des salariés et à la volonté du gouvernement de reconnaitre le travail effectué par les travailleurs de deuxième ligne. Pour l’instant, force est de constater que nous sommes loin du compte !


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