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Travail du dimanche : un débat économique ?

samedi 27 décembre 2014

Le projet de loi du Ministre de l’économie Emmanuel Macron a réveillé une vieille passion française : le débat sur l’ouverture dominicale des commerces. Ce débat essaie de s’appuyer sur des raisons économiques. L’ouverture plus grande des magasins le dimanche serait susceptible de relancer la consommation des ménages et donc la croissance économique. D’autres au contraire argumentent que les effets seront limités à un report des consommations effectuées sur d’autres jours… Qui dit vrai ?

Plusieurs raisons peuvent être invoquées pour soutenir l’ouverture dominicale : l’économie, l’organisation du temps, l’avis des salariés.

Pour un économiste qui se penche sur le problème, la consommation n’est pas dictée par des questions d’accès ou d’amplitude horaire des ouvertures des commerces. La consommation dépend d’un facteur principal : le pouvoir d’achat. C’est-à-dire les revenus distribués aux ménages, qu’ils proviennent des salaires ou des transferts sociaux, déduits des taxes. Ce pouvoir d’achat est comparé aux prix moyens des biens. Certains économistes vont également retrancher de ces revenus des dépenses dites contraintes (logement, électricité, assurances…) et calculer un « reste à vivre ». Or que constate-t-on ces dernières années ? Le pouvoir d’achat des salariés a vu sa croissance ralentir fortement depuis la crise (voir article France Portrait social les revenus). De plus, les transferts sociaux ne peuvent plus faire autant office d’amortisseur en période de crise importante de l’emploi. Enfin, les taxes ont plutôt eu tendance à augmenter, que ce soit via la TVA ou l’impôt sur le revenu. Et le reste à vivre est ressenti comme s’étant réduit du fait de la croissance de certains postes de dépense comme le logement.

On peut alors s’interroger sur l’effet économique des horaires d’ouverture des magasins, si le pouvoir d’achat n’augmente pas – celui des résidents tout au moins - et ne soutient pas la consommation.

Ensuite des raisons d’organisation familiale et sociale peuvent favoriser la consommation le dimanche. En effet, en semaine les familles ont peu de temps à consacrer à la consommation et profitent alors des weekends. Malgré cela, une étude de 2008 du CREDOC (http://www.credoc.fr/) montre que « près de la moitié des Français disposaient d’ores et déjà d’un accès à une offre commerciale le dimanche à proximité de leur domicile. Ils ne sont toutefois que 37% à y faire des achats, régulièrement ou de temps en temps, ce jour-là. Plus de la moitié des personnes qui bénéficient d’un accès à une offre commerciale dominicale ne réalisent pas d’achat le dimanche ou seulement rarement ». Enfin l’ouverture dominicale est aujourd’hui accessible depuis son salon avec le e-commerce…

Enfin, comme le souligne la Mairie de Paris, de nombreux commerces sont déjà ouverts le dimanche : à Paris pas moins de 7 zones touristiques internationales coexistent (https://twitter.com/) et il est fort à parier que les commerces qui ne sont pas dans ces zones pensent souffrir d’une concurrence déloyale. À Marseille, la zone touristique du centre ville a permis l’ouverture dominicale de tous les commerces mais toutes les grandes enseignes n’ont pas toutes joué le jeu (http://www.marsactu.fr/). Le débat entre pros et anti continue.
Reste enfin une question qui est rarement posée : qu’en est-il des salariés concernés par le travail le dimanche ? Peu d’enquêtes semblent exister sur le sujet en dehors de celles conduites par les organisations syndicales (du coup soupçonnées d’être orientées). L’enquête de la CFDT auprès des salariés du commerce pointait que « 68 % refusent le travail du dimanche, même en cas de négociation dans l’entreprise » (http://www.cfdt.fr/). Les salariés concernés semblent surtout inquiets que la généralisation ou l’augmentation des dérogations conduise à une réduction des avantages liés au travail du dimanche en termes salariaux et de repos compensateur. Sur ce point le projet de loi du gouvernement ne modifie pas la norme puisqu’il ne porte que sur l’augmentation du contingent de dimanches dérogatoires (il est proposé qu’ils passent de 5 à 12). Mais en devenant plus banal d’ouvrir le dimanche, les enseignes pourraient chercher à terme à rogner les avantages sociaux acquis… d’où la vive inquiétude des salariés et de leurs représentants qui tiennent à la négociation des compensations.

Le nombre des zones touristiques concernées, celui des dimanches autorisés et les contreparties négociées pour les salariés sont les points clés de la question.