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Représentativité des syndicats : analyse des résultats

jeudi 25 avril 2013

Une avancée de la transparence

Les résultats consolidés des élections professionnelles dans le secteur privé ont été publiées. Ces résultats compilent les voix recueillies par les différents syndicats lors des élections professionnelles d’entreprise . Ils ont été livrés par branches et au niveau national interprofessionnel. Ils serviront à établir la représentativité des syndicats dans chaque branche professionnelle disposant d’une convention collective et au plan national interprofessionnel. Pour être reconnue représentative, une organisation doit recueillir au moins 8% des voix tant au niveau national interprofessionnel qu’au niveau de chaque branche. Ces chiffres permettent ensuite d’appliquer une nouvelle règle pour la signature des accords : un accord doit recueillir au moins 30% des voix (d’une seule ou de plusieurs syndicats) pour être valide et, pour s’opposer à un accord, il faut rassembler ou avoir recueilli 50% des électeurs.

Cette réforme est salutaire pour les enseignements qu’elle offre aux syndicats d’abord, à l’opinion ensuite. Dans d’autres pays à pluralisme syndical comme la Belgique ou l’Espagne, ce système instauré de longue date n’est pas contesté. Il faut donc rappeler que cette double réforme, représentativité et validation des accords, a été voulue par deux confédérations syndicales, la CGT et la CFDT et acceptée par le Medef. La loi a repris les propositions de l’accord national interprofessionnel, clin d’œil à la situation plus sensible de l’ANI sur la sécurité de l’emploi.

Cette réforme a un triple intérêt.

  1. - Le premier est de mettre fin au système antérieur où c’était un arrêté qui désignait comme représentative telle ou telle organisation. Certes, il y avait des critères, mais certaines organisations réclamaient d’être reconnues et surtout cette représentativité dite irréfragable permettait aux représentants des organisations déclarées représentatives d’être acceptées comme représentatives dans les entreprises et les branches sans avoir à démontrer leur représentativité. « L’ irréfragabilité » permettait de pouvoir présenter des candidats au premier tour et d’en interdire l’accès aux candidats d’une organisation non représentative. Cette réforme permet d’asseoir la représentativité des syndicats sur une base objective et fait alors taire les critiques à l’encontre de la légitimité des organisations qui bénéficiaient de la représentativité irréfragable.
  1. - En rassemblant 66% de votants, dans les entreprises où se sont déroulées des élections, les organisations syndicales affichent une légitimité au moins aussi nette que celle des partis politiques. Les syndicats critiqués pour leur faible taux d’adhésions, font ici la preuve que là où ils sont implantés, ils ont le soutien d’une part importante des salariés.
  1. - Les résultats mettent fin à la course à l’échalote où chaque organisation bluffait sur le nombre des ses adhérents pour se dire plus grosse que les autres. Ils établissent un classement incontestable (et il faut le remarquer, incontesté) entre les organisations syndicales.

Deux surprises.

La première est que, dans les entreprises, la CFDT avec 26% des voix talonne la CGT qui en recueille 27%, alors que l’on pouvait s’attendre à une plus forte domination de cette dernière. La seconde surprise est que la CFTC avec 9,3% des voix conserve sa représentativité et déjoue les pronostics qui annonçaient son élimination.

Avec FO à 16% et la CFE-CGC à 9%, cinq confédérations franchissent donc le seuil de 8%, tandis que l’Unsa et Solidaires avec respectivement 4,3 et 3,5 échouent. Ces deux organisations avaient bénéficié d’une sur-valorisation d’une partie des médias, comme des responsables politiques qui leur ont accordé des places dans certaines institutions, sans attendre ces résultats et sans que cette désignation soit toujours en rapport avec leur représentativité

Ces résultats révèlent un comportement différent des électeurs selon qu’ils doivent désigner des personnes qu’ils connaissent ou qu’ils sont appelés à choisir une organisation sur son nom, sur son image. Ainsi la CGT réunit aux élections prud’homales 34 % de voix mais n’en obtient plus que 27 % à ces élections professionnelles. Dans l’entreprise, les salariés votent pour des représentants syndicaux dont ils apprécient les idées et les actions. Aux élections prud’homales, ils choisissent des candidats d’organisations qu’ils ne connaissent qu’à partir de la représentation qu’ils en ont.

Au final, on dénombre dans le secteur privé deux grandes confédérations, CGT et CFDT, une confédération moyenne, FO, deux petites confédérations, la CFTC et la CFE-CGC. Cette dernière est troisième dans le collège cadre, ce qui relativise considérablement sa représentativité, puisque c’est au nom de la spécificité cadre qu’elle justifie son existence. Ces résultats chiffrés illustrent les différentes cultures sociales qui traversent la société française : chaque confédération a des racines qui plongent dans les cultures et les idéologies de la société française, ce qui explique pour partie leurs divisions et leurs difficultés à s’unir.

Dans l’ensemble du salariat

Lorsqu’on cumule les votes exprimés du secteur privé et des fonctions publiques, les suffrages exprimés représentent 46,57 % des inscrits. La CGT devance la CFDT de 2,66 points, qui elle-même précède FO de 7 points. La CFTC, la CGC, UNSA et Solidaires sont sous le seuil de 8 %.

CGT CFDT FO CFTC CGC UNSASolidaires
26.32% 23.66% 16.67% 7.5% 7.2% 5.98% 4.53%

L’existence de marchés syndicaux

Les résultats nationaux interprofessionnels additionnent ceux des différentes branches professionnelles. Les chiffres par branches ne sont pas le décalque des chiffres interprofessionnels ; ils sont propres à chaque branche. Et l’on constate dans de nombreuses branches, que là où la CGT domine, métallurgie, bâtiment par exemple, la CFDT obtient de faibles résultats et à l’inverse, là où la CFDT est première par exemple dans les banques et assurances, la chimie, la CGT arrive derrière. Dans quelques branches comme le commerce, c’est FO qui est en tête.

A ces sortes de marchés syndicaux selon les professions, s’ajoutent l’impact des différences régionales. On sait par les élections prud’homales et des CE, que les organisations syndicales ont des influences différentes selon les régions. CFDT forte en Bretagne et Alsace, CGT, forte en Limousin, Centre et Picardie, FO forte en PACA…

Ces prédominances régionales peuvent alors modifier l’ordre de préséance constaté dans les branches.

Enfin, les résultats selon les catégories professionnelles sont aussi soumis à des influences différentes. Forte présence de la CFDT chez les cadres, dominance CGT chez les ouvriers dans de nombreuses branches.

Ainsi, les résultats nationaux globaux masquent la pluralité des effets de racines historiques et idéologiques. La propension à avoir la présence de telle ou tells organisation syndicale peut alors s’expliquer autant par la qualité des démarcheurs de chaque syndicat que par la convergence de critères sociologiques.

Avenir du pluralisme syndical

L’Unsa et Solidaires qui espéraient entrer dans l’enceinte des représentatifs restent donc à la porte. Mais renoncent-ils pour autant à concourir la prochaine fois, dans quatre ans ? Leurs réactions à ce jour ne le laissent pas penser. Et par ailleurs, cinq confédérations, cela reste beaucoup plus que dans la plupart des pays européens. Malgré cette réforme, le pluralisme syndical français a de beaux jours devant lui.

Par contre, dans les branches où se négocient les conventions collectives, la règle du 8% pour participer aux négociations va réduire dans de nombreux cas le nombre d’organisations participantes. Ici la réforme peut jouer un rôle positif. Mais à partir de 2017 seulement.

Enfin, c’est la façon dont les accords au plan professionnel et interprofessionnel pourront être dorénavant conclus qui aura le plus d’effet. En fixant un seuil de 30% de voix pour signer un accord et de 50% pour s’y opposer, la réforme peut créer une dynamique d’alliances et en même temps créer un suspense lors de la négociation de certains accords importants. Quand aucune organisation n’atteint le seuil de 30% nécessaire pour qu’un accord soit valable, les syndicats vont se trouver devant des choix où leur responsabilité sera en jeu. La fin d’accords signés par un ou deux petits syndicats peut apporter à la négociation collective un intérêt et une autorité supplémentaires.

Le dialogue social français vient de faire un pas dans la transparence et la modernité. Qui s’en plaindra ?

De plus, pour la première fois, les salariés des TPE (très petites entreprise, moins de 11 salariés) ont été appelés à choisir une confédération syndicale, en décembre dernier. Élection difficile pour des salariés qui n’avaient jamais voté et qui ne devaient pas élire des personnes mais se prononcer sur un sigle seulement. Là, le taux de participation, sans surprise, fut très faible (10,4%).


 

 

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