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Rapport « Rendre des heures aux Français », des propositions inquiétantes pour le dialogue social

mercredi 3 avril 2024

Cinq parlementaires de la majorité présidentielle [1] viennent de remettre un rapport dont l’objectif est de nourrir le futur projet de loi sur la simplification. Il a été remis le 15 février dernier au ministre des Finances et de l’Économie. Si la recherche d’une meilleure relation entre la puissance publique, les entreprises et les particuliers, objectif affiché par les rapporteurs, peut être partagé, certaines propositions du rapport sur le domaine social sont inquiétantes.

Quelles sont les propositions essentielles du rapport qui touchent le domaine social ?

Si le rapport fait état de modifications d’ordre technique notamment en matière de transmission d’informations et de coordination des organismes sociaux et l’État pour limiter les démarches administratives, d’autres sont beaucoup plus inquiétantes pour la qualité du dialogue social en France.

Le rapport suggère de supprimer carrément la base de données économiques, sociales et environnementales (BDESE). Pour les auteurs du rapport, « son utilité réelle n’est pas avérée dans un contexte de renforcement des obligations de reporting extra-financier ». Un jugement de valeur largement contestable. La BDESE est un point d’appui pour les discussions entre l’employeur et les représentants des salariés.

Les rapporteurs souhaitent permettre aux jeunes entreprises de moins de 50 salariés de déroger temporairement aux accords de branche avec l’accord individuel des salariés notamment sur les niveaux de salaires.

En plus de l’harmonisation complète des seuils sociaux et commerciaux, le rapport suggère de modifier les seuils sociaux. Trois solutions sont envisagées : décaler les obligations sociales de 11 à 50 salariés, de 50 à 250 salariés et de 250 salariés au-delà qui pourrait être de 1 000 salariés. Relever une partie des obligations d’un seuil à l’autre ou créer de nouveaux seuils qui remplaceraient les seuils de 11 et 50 (20 et 100 salariés). Cela reviendrait entre autres à limiter les prérogatives des CSE en matière économique, sociale et environnementale aux entreprises de plus de 100 voire de 250 salariés selon les solutions retenues.

Le délai de contestation d’un licenciement aux prud’hommes serait ramené de 1 an à 6 mois.
Des autorisations attendues de l’administration en matière de temps de travail pourraient se limiter à de simples déclarations. Il en serait ainsi du dépassement de la durée quotidienne ou hebdomadaire de travail ou du recours aux horaires individualisés ou de la définition du travail de nuit.

Des propositions rejetées par les organisations syndicales, le patronat partagé

Sans surprise, ces propositions qui ont reçu l’approbation du ministre de l’Économie ont été contestées par l’ensemble des organisations syndicales qui manifestement ont appris par la presse le contenu du rapport. Ainsi pour la CFDT « ces propositions vont à l’encontre d’un dialogue social de qualité ». Pour la CGT « sous couvert de simplification c’est surtout une nouvelle atteinte aux droits et garanties des salariés qui est prônée ». Même son de cloche à Force Ouvrière qui y voit « une attaque en règle contre les travailleurs, leurs représentants et le code du travail ».

Du côté patronal, les réactions sont partagées. Le MEDEF, le plus enthousiaste, « tient à saluer le travail rigoureux » des parlementaires et appelle à l’action. Pour la CPME, « ces propositions correspondent pour la plupart » aux propositions qu’elle a elle-même faites. Elle est plus réservée sur les dérogations temporaires vis-à-vis des accords de branche pour les jeunes TPE/PME. L’U2P semble plutôt réservée sur « des mesures qui pourraient se retourner contre les petites entreprises ».



Même s’il ne s’agit que d’un rapport préparatoire, certainement pas dénué d’arrière-pensées politiques, ces propositions pourraient figurer dans le futur projet de loi sur la simplification. Toutefois, de nombreuses dispositions concernent les questions sociales et devront donc faire l’objet d’une concertation préalable avec les partenaires sociaux conformément au code du travail. Manifestement non consultées par les rapporteurs contrairement aux acteurs patronaux, les organisations syndicales devraient les rejeter.

Ces dispositions mettent en danger encore un peu plus la qualité du dialogue social en France. Elles sous-entendent l’idée que le dialogue social constituerait une charge pour les entreprises alors qu’il est considéré par beaucoup, y compris dans certains milieux patronaux, comme une richesse à la fois pour l’entreprise et les travailleurs.


Source


Notes :

[1Louis MARGUERITTE, député Renaissance de Saône-et-Loire, Alexis IZARD, député Renaissance de l’Essonne, Philippe BOLO, député MODEM du Maine-et-Loire, Anne-Cécile VIOLLAND, députée Horizons de Haute-Savoie et Nadège HAVET, sénatrice RDPI du Finistère.