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Problème d’embauche : la faute aux conditions de travail !

samedi 20 août 2022

La DARES s’est intéressée aux conditions de travail qui contribuent le plus aux difficultés de recrutement dans le secteur privé en 2019. Ses conclusions font l’effet d’une pierre dans la mare à contre-courant des discours politiques sur le manque de volonté des chômeurs de retravailler et de la nécessité, à nouveau, d’une réforme de l’assurance chômage. En effet, il ressort que les difficultés de recrutement sont en grande partie liées à de mauvaises conditions de travail et très peu à une question de compétences et de manque de motivation des demandeurs d’emploi. Des études aux Etats-Unis confirment cette hypothèse. Les entreprises qui ont le plus de mal à recruter sont principalement celles qui proposent de mauvaises conditions de travail. Mais elles n’identifient pas toujours cette difficulté.

71 % des employeurs du secteur privé indiquent des difficultés à recruter

Ces problèmes sont le plus souvent attribués par les employeurs à une pénurie de personnel qualifié. En effet seuls 15 % des employeurs citent les conditions de travail comme source de leurs difficultés ; 91 % les attribuent à la pénurie de personnel qualifié et 26% à des salaires insuffisants. Mais en creux le rôle des conditions de travail apparaît lui aussi important à travers les statistiques.

Ainsi, les employeurs qui signalent que leurs salariés sont exposés à des conditions de travail difficiles sont plus nombreux (85 %) à connaître des difficultés de recrutement. C’est dans l’hôtellerie-restauration que les employeurs sont les plus nombreux (24 %) à reconnaître que leurs problèmes de recrutement viennent des conditions de travail. Suivis des employeurs des transports (18,4 %), de la santé et du social privé (18,3 %) et des industries agroalimentaires (16,7 %). Les conditions de travail sont nettement plus évoquées par les responsables d’établissements où les employés ou les ouvriers sont les plus nombreux.

La méconnaissance des employeurs

Pour la DARES, les entreprises qui connaissent ce frein à l’embauche ne s’en rendent pas compte alors que les statistiques le démontrent. Pour affirmer cela, les statisticiens ont recoupé les déclarations de difficultés de recrutement des employeurs avec les caractéristiques des conditions de travail de ces entreprises, détaillées dans la fiche employeur de l’enquête et dans les questionnaires remplis par les salariés de ces mêmes entreprises. La conclusion est sans appel : plus la part des salariés de l’entreprise soumis à des conditions de travail pénibles est grande, plus les recrutements sont difficiles.

Trois facteurs de pénibilité qui pèsent

En premier lieu les contraintes physiques et en particulier les horaires imprévisibles. 90 % des entreprises qui ont entre 10 et 50 % de leurs salariés soumis à des horaires imprévisibles rencontrent des difficultés de recrutement, contre 66 % de celles qui n’ont pas d’horaires imprévisibles. Le deuxième facteur n’est pas physique, mais psychosocial : c’est l’impossibilité pour un salarié de bien effectuer son travail. Enfin, il faut citer la pénibilité physique. 77 % des entreprises qui exposent entre 10 et 50 % de leurs salariés à au moins une pénibilité ont du mal à recruter, contre 63 % de celles qui n’ont pas de métiers pénibles.

L’enquête évoque d’autres raisons aggravant les difficultés de recrutement : le travail de nuit, le travail en urgence et les tensions avec le public.

De mauvais diagnostics conduisent à de mauvaises solutions

Les employeurs se trompent dans leurs explications et leurs déclarations publiques, en expliquant quasi exclusivement leurs difficultés de recrutement par une inadéquation entre l’offre et la demande de travail. S’ils ignorent les vraies raisons de leurs problèmes, soit des mauvaises conditions de travail, ils ne peuvent pas résoudre leurs problèmes de recrutement ou de fidélisation de leurs salariés. Les stratégies mises en œuvre par certaines entreprises de l’hôtellerie-restauration en sortie de crise COVID (travail en brigade de 4 jours, logement fourni…, en plus de l’augmentation salariale de 16 % signée dans la branche) confirment les conclusions du ministère du Travail.

Enfin, il est utile d’évoquer à ce stade les projets du gouvernement d’une nouvelle réforme de l’Unédic et dans son esprit d’un durcissement des règles d’indemnisation des chômeurs. Dans une interview récente dans le journal Le Monde, l’économiste Bruno Coquet, chercheur associé à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), rappelle que la précédente réforme, dont les dernières dispositions sont entrées en vigueur à l’automne 2021, n’a pas encore été évaluée. « Tout se passe comme si des solutions étaient avancées face à un problème qui n’est pas connu ». Il indique « qu’au-delà des anecdotes, il n’y a pas, en toute rigueur, de lien démontré entre l’assurance chômage et les difficultés de recrutement ». Pour lui comme pour la DARES, la question première est de comprendre pourquoi la majorité des demandeurs d’emploi ne pourvoient pas aux postes proposés.

Répondre à cette question permettra à tous de progresser.


Source

  • « L’Etat a une responsabilité dans la situation de l’Unédic », Interview de Bruno Coquet dans Le Monde 29 07 2022