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Présentéisme des salariés en cas de maladie

mercredi 16 septembre 2020

Quel lien entre les conditions de travail et le présentéisme des salariés en cas de maladie ? Une enquête de la DARES essaye de définir ce lien. En 2016, sur les onze jours de maladie déclarés par salarié, il y a eu huit jours d’absence et trois jours de travail en étant malades. Ainsi, plus d’un jour de maladie sur quatre (27 %) s’est traduit par du présentéisme, une pratique qui consiste à aller travailler tout en étant malade. Quelle est en France l’ampleur du présentéisme par rapport au nombre total de jours de maladie ? Quels sont les salariés les plus enclins au présentéisme ? Quels aspects du travail peuvent favoriser ou au contraire limiter ce phénomène ?

La propension au présentéisme, c’est-à-dire la proportion de jours de maladie passés au travail, varie en fonction :

  • de l’état de santé des salariés : plus le nombre annuel de jours de maladie est élevé, plus la part des jours de présentéisme dans l’entreprise est faible.
  • des conditions de travail dans l’entreprise : les salariés qui signalent de mauvaises relations avec leur hiérarchie, un travail intense ou un sentiment d’insécurité économique ont tendance à passer au travail une part plus importante de leurs jours de maladie.

Parmi les pays européens, la France est particulièrement touchée par le phénomène, d’après la dernière enquête européenne sur les conditions de travail (2016) : 62 % des salariés en France ont fait au moins 1 jour de présentéisme au cours de l’année 2015 contre 42 % des salariés dans l’ensemble de l’union européenne.

La propension au présentéisme est plus faible pour les salariés en mauvaise santé. Elle varie fortement en fonction du nombre annuel total de jours de maladie cumulés par les salariés.

  • Elle est d’autant plus faible que le nombre total de jours de maladie est élevé, c’est-à-dire que la santé du salarié est mauvaise ou dégradée.
  • Lorsque les salariés ne signalent qu’un ou deux jours de maladie dans l’année, ils passent 83 % de ces jours au travail.
  • Parmi les salariés cumulant trois à cinq jours de maladie, 63 % des jours ont donné lieu à du présentéisme.
  • En revanche, cette propension au présentéisme n’est que de 47 % parmi les salariés ayant cumulé six à quinze jours de maladie dans l’année et tombe à 21 % pour ceux cumulant plus de quinze jours de maladie.

Une plus forte propension au présentéisme pour les cadres et les seniors

  • À état de santé et conditions de travail comparables, la propension au présentéisme est moins élevée pour les hommes (-3,4 points par rapport aux femmes), alors qu’elle est plus forte pour les cadres, surtout pour ceux qui n’encadrent pas d’autres salariés (+4,6 points relativement aux professions intermédiaires).
  • La propension au présentéisme est plus importante pour les salariés âgés de plus de 60 ans (+10,2 points par rapport aux salariés de moins de 30 ans) et pour celles et ceux travaillant dans de petits établissements (+6,6 points dans les établissements de moins de 10 salariés relativement à ceux de 10 salariés ou plus).

Le présentéisme est plus élevé en fonction de l’intensité du travail et des conditions du travail des salariés

  • Ceux cumulant plusieurs contraintes de rythme de travail (travail normé : réponse à la demande, suivi informatisé, procédures qualité, etc.) ont une plus forte propension au présentéisme (+6,9 points relativement à ceux dont le travail est peu intense).
  • Ceux qui vivent une forte pression temporelle (être obligé de se dépêcher, devoir penser à trop de choses à la fois, etc., +6,1 points).
  • Ceux qui ont un temps de travail long et envahissant (+4,8 points relativement à ceux qui ont des horaires standard) et ceux qui jugent qu’on manque de moyens pour faire correctement leur travail (+4,4 points) sont associés à une forte propension au présentéisme. Lorsqu’il fait face à une demande de travail importante (en intensité, en quantité ou en temps de travail), ou lorsqu’il manque de moyens pour faire correctement son travail (« qualité empêchée »), le salarié pourrait être découragé de s’absenter par la perspective d’une quantité de travail encore plus importante à son retour de maladie, ou par la pression des collègues sur qui retomberaient les tâches non réalisées.

L’intensité émotionnelle joue sur le présentéisme. C’est pour les femmes que le sentiment de « qualité empêchée » favorise le présentéisme (+7,4 points de plus lorsqu’elles sont exposées, comparées aux femmes non exposées) ; pour les hommes, on n’observe pas de différence significative entre exposés et non exposés.

  • Être en contact avec un public difficile (+5 points). Le présentéisme peut s’interpréter dans ce cas comme une manifestation de solidarité, envers les usagers, mais aussi envers les collègues avec qui on partage des situations de travail difficiles.
  • L’obligation d’impassibilité au travail (« devoir cacher ses émotions », « éviter de donner son avis »), est associée à un plus fort présentéisme pour les hommes (+9,6 points de plus en cas d’exposition), mais pas pour les femmes ni pour les salariés dans leur ensemble.
  • Manquer d’autonomie va de pair avec un niveau de présentéisme plus élevé exclusivement pour les hommes (+5,2 points de plus).
  • En cas de tensions avec la hiérarchie et d’insécurité socio-économique, les salariés tendent davantage au présentéisme en cas de maladie quand ils vivent des difficultés relationnelles avec leurs supérieurs.

Une propension au présentéisme plus élevée quand les risques se cumulent

  • Le premier groupe (33 % des salariés) concerne ceux « peu ou pas exposés » à de mauvaises conditions de travail ; ils ne cumulent en moyenne que 2 expositions sur les 20 identifiées ;
  • Le deuxième groupe (19 % des salariés) se caractérise par des « risques physiques » : ses membres cumulent en moyenne 4 expositions, dont les principales sont les contraintes physiques, un travail intense et un temps de travail décalé et atypique ;
  • Le troisième groupe (16 % des salariés) réunit celles et ceux déclarant travailler « sous pression » : ils cumulent aussi en moyenne 4 expositions (pression temporelle, temps de travail long et envahissant, manque de moyens pour bien travailler, indifférence de la part des supérieurs hiérarchiques).
  • Le quatrième groupe (19 % des salariés) rassemble les « insécurisés » qui cumulent en moyenne 6 expositions, plus particulièrement l’insécurité de l’emploi et les changements organisationnels, ainsi qu’un collectif de travail divisé.
  • Le cinquième groupe (13 % des salariés) réunit les « plus exposés » à des mauvaises conditions de travail, ceux qui cumulent en moyenne 8 expositions, et plus particulièrement un travail normé, un manque d’autonomie, des rapports conflictuels avec la hiérarchie, des violences morales, des conflits éthiques et des contraintes physiques.

À principales caractéristiques identifiables équivalentes, le groupe des « plus exposés » aux mauvaises conditions de travail signale 16,7 jours de maladie de plus par an que le groupe « peu ou pas exposé ». Par ailleurs, toujours à état de santé et autres caractéristiques comparables, sa propension au présentéisme est supérieure de 18,9 points à celle du groupe « peu ou pas exposé ». Ces corrélations ne préjugent pas nécessairement du sens des causalités : les salariés enclins au présentéisme ont-ils une perception plus pessimiste de leurs conditions de travail, ou bien certaines caractéristiques défavorables de leurs conditions de travail les poussent-ils à aller travailler malgré la maladie ?

Une analyse économétrique plus poussée suggère un effet causal positif des risques psychosociaux sur la propension au présentéisme des salariés. Ainsi, certains types de risques, surtout quand ils se cumulent, pousseraient les salariés à choisir plus souvent le présentéisme.


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