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Précarité d’emploi et conditions de travail dans la fonction publique

samedi 12 novembre 2022

Le rapport de la DARES (Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques) du ministère du Travail, « Face aux risques professionnels et aux atteintes à la santé, quelle prévention ? » explore les liens entre statuts d’emploi et exposition aux risques professionnels, en portant la focale sur des statuts d’emploi qui s’écartent de la norme de l’emploi salarial à durée indéterminée à partir de laquelle se sont construits les systèmes de prévention et de mesure des risques professionnels depuis le tournant du XXème siècle. Il fait suite au rapport de 2018 (voir
https://www.clesdusocial.com/quelles-sont-les-evolutions-recentes-des-conditions-de-travail-et-des-risques-psychosociaux-de-l-intensite-du-travail).

La population ciblée par cette enquête qualitative a été réalisée à partir d’entretiens auprès des intérimaires, des auto-entrepreneurs et des contractuels de la fonction publique. Chacune de ces populations présente un intérêt propre pour la connaissance des liens entre emploi précaire et conditions de travail.

L’objectif d’explorer les liens entre conditions de travail et parcours professionnels pour les personnes en précarité d’emploi fait l’objet de cette recherche :

  • Interroger les influences de la précarité d’emploi sur les conditions de travail et vice-versa.
  • Questionner cette catégorie générique de « précarité d’emploi ».
  • Identifier les discontinuités spatio-temporelles de ces différentes formes d’emploi précaires ainsi que leurs implications en termes de rémunération et de rythme de vie.
  • Repérer les effets de l’insécurité de l’emploi sur l’autonomie au travail, sur les formes de subordination et de commandement, ou sur la segmentation des collectifs de travail.

Le ciblage de ces trois populations conduit à nourrir les analyses sur le rapport au travail des « jeunes salariés », sachant que les CDD et intérim présentent les âges médians les plus bas (moins de 35 ans) et une assez forte concentration dans les âges de la vingtaine.

  • Les contractuels de la fonction publique sont relativement jeunes : avec un âge moyen de 38 ans, ils constituent, avec les militaires, la catégorie la plus jeune de la fonction publique d’État.
  • Un tiers des contractuels a moins de 30 ans dans la fonction publique d’État, et 43,4 % d’entre eux dans la fonction publique hospitalière.

La notion de « sous-emploi » a été retenue pour rendre compte de la pluralité des situations de précarité d’emploi rencontrées par les trois populations :

  • Les auto-entrepreneurs se trouvent en situation de « sous-dépendance », autrement dit leur dépendance est rendue possible sous conditions de disposer d’autres ressources (accumulées au long de la vie professionnelle antérieure, fournies par la protection sociale ou encore par le ou la conjointe).
  • Les contractuels sont majoritairement à temps partiel puisque celui-ci concerne la moitié des CDD des fonctions publiques d’État et territoriale.
  • Les intérimaires sont également, fréquemment à temps partiel (près de la moitié du panel, surtout des femmes) et leur emploi a un caractère intermittent.

« Le sous-emploi » visible se manifeste par un volume insuffisant d’heures travaillées sur une période donnée et le sous-emploi invisible est caractérisé par un faible revenu, une sous-utilisation des compétences et une faible productivité au travail :

  • Une tension entre cette distance assumée par rapport à l’emploi stable, qualifiée parfois de liberté de choix (de l’employeur, du client) et le faible revenu généré, ramené au niveau du Smic pour les 301 intérimaires même qualifiés ou ceux en CDI-I ou les faibles revenus des travailleurs indépendants.
  • Une fausse liberté dont nos interlocuteurs sont conscients.

Quelles qu’en soient les formes, la situation de « sous-emploi » a des effets sur l’expérience des conditions de travail :

  • Le caractère délétère de l’exposition à des risques professionnels est relativisé car perçu comme temporaire pour les trois populations étudiées.
  • Le temps hors-travail est vécu comme un temps de récupération et de compensation lorsque l’activité professionnelle est particulièrement intense et pénible.
  • Les périodes de chômage entre deux missions compensent les effets psychologiques et physiologiques d’une activité de travail éprouvante.
  • La généralisation des conditions de travail dans une configuration d’emploi qui deviendrait continue et à temps plein serait insoutenable à moyen ou long terme.

Le rapport individualisé à la santé, à la préservation de sa santé au travail ressort de l’analyse des trois types d’emploi, tant les mécanismes collectifs de prévention des risques les oublient ou les ignorent délibérément :

  • Dans chaque situation, il incombe au travailleur de se défendre, de se préserver, de porter une attention particulière à son propre corps et ses exigences.
  • Les traits caractéristiques du « sous-emploi » sont accentués pour les femmes (activité plus faible et plus fractionnée que pour les hommes).
  • Cette dégradation pour les femmes s’accentue avec l’âge, avec des répercussions sur leurs faibles retraites.

Ce rapport fait ressortir le rôle central des relations de travail dans l’expérience de cette condition de sous-emploi :

  • Dans le cas des contractuels et contre-intuitivement, le collectif de travail est en réalité une ressource décisive pour faire face aux exigences du travail et notamment pour soutenir les personnes dans des situations de harcèlement.
  • Pour les auto-entrepreneurs dont l’activité paraît isolée, leurs relations de travail marquent également fortement leur expérience du travail et de l’emploi. Leur rapport « domestique » au travail (relation avec la clientèle qui se régule à travers des pratiques informelles) induit une gestion individuelle et solitaire des risques professionnels.

Ce rapport met en évidence les liens entre statuts d’emploi et exposition aux risques professionnels : hausse de l’intensité du travail, renforcement des normes et des procédures, baisse de l’autonomie, suraccidentalité du travail des intérimaires, évitement de la question santé-sécurité des travailleurs précaires…
Ces évolutions s’inscrivent dans un contexte de débat social toujours vif sur les atteintes à la santé liées au travail, alors que la prévention s’affirme comme une priorité de l’action des partenaires sociaux et des pouvoirs publics.


Référence