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Pour ou contre le congé menstruel

samedi 11 juin 2022

Depuis 2014, la communauté internationale consacre chaque 28 mai une journée mondiale pour la santé et l’hygiène menstruelles. Le choix du jour, le 28ème du mois, fait référence à la durée moyenne d’un cycle menstruel. Le mois de mai est le 5ème de l’année, soit le nombre moyen de jours de la durée des règles. Cette journée était au départ un moyen de sensibiliser les décideurs pour améliorer les infrastructures sanitaires en milieu scolaire.

Une loi dans certains pays : le Japon est le premier pays avoir officiellement mis en vigueur un congé menstruel en 1947. Il existe aussi en Corée du Sud, en Indonésie, aux Philippines. La Zambie est le seul pays africain à avoir instauré « le jour des mères », un congé réservé aux personnes ayant leurs règles :

  • De nombreuses entreprises se mobilisent dans le monde pour favoriser le bien-être de leurs salariées en période de règles.
  • En Australie en 2016, VictorianWomen’Trust, une ONG de défense des droits des femmes décide d’introduire un congé menstruel de douze jours annuels et encourage ses pairs à en faire autant. Un peu plus tard, Future Super, fonds de retraite australien, décide également de proposer 6 jours de congé annuel.
  • En 2020, en Inde, c’est la société Zomato, genre de Deliveroo local, qui inaugure la possibilité de prendre dix jours de congé menstruel par an.
  • L’Espagne s’apprête à voter une loi.

Des pratiques différentes : selon l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), le Japon, l’Indonésie, la Corée du Sud comptent parmi les pays qui affichent les plus grandes inégalités salariales entre hommes et femmes. Aussi les femmes essayent de faire oublier leur condition de femme pour être réellement reconnues par le monde du travail :

  • Au Japon, seulement 0,09 % des femmes auraient osé prendre ces congés en 2016 contre 26 % en 1965 et aujourd’hui les femmes qui le demandent doivent passer un examen médical qui prouve qu’elles ont leurs règles.
  • En Indonésie (qui avait reconnu le congé en 1948) la modification de la loi en 2003 ne contraint plus l’employeur à rémunérer ces congés (idem au Japon).
  • En Corée du Sud, si une femme ne prend pas ces congés, elle reçoit une prime et peu d’entre elles semblent en bénéficier vraiment.

L’OIT (Organisation internationale du travail) a pour objectif de promouvoir l’égalité sur le lieu de travail pour tous les travailleurs « La menstruation et la ménopause figurent parmi les autres motifs pour lesquels les femmes peuvent solliciter un congé maladie. Il ne s’agit pas là de maladies à proprement parler, mais de phénomènes cliniques susceptibles de fragiliser et de réduire sensiblement (même de façon temporaire) la capacité de travail des femmes. »

  • Des salles devraient être mises à disposition lorsqu’il n’existe pas d’autres locaux pour le repos momentané des travailleurs pendant les heures de travail, notamment pour répondre aux besoins des travailleuses ».

Doit-on individualiser les situations sur « la douleur au travail » ? Pour certains, l’employeur n’a pas à connaître les raisons d’un arrêt maladie, qu’il s’agisse de douleurs menstruelles, d’addiction à l’alcool ou aux drogues ou de pathologie psychique sévère :

  • Revenir à l’origine du congé maladie. C’est au médecin de dire si on est en état de travailler et l’employeur doit respecter le diagnostic.
  • Respecter les règles de QVT (qualité de vie au travail).
  • La fonction de l’entreprise : « information et prévention », c’est d’assurer des infrastructures sanitaires adaptées : hygiène des locaux, salle de détente, mises à disposition de protections hygiéniques au bon endroit dans l’entreprise …

Le congé menstruel fait débat dans l’opinion publique en France. Certains craignent un objet de discrimination supplémentaire. Cela pourrait entrainer plus de discrimination à l’embauche et une progression de carrière encore plus difficile pour les femmes au sein de l’entreprise qui sont déjà discriminées pour leurs congés de maternité.

  • Certaines préfèreraient une possibilité de télétravail.
  • En France, des femmes préfèrent la Sécurité sociale, possible si l’on souffre d’une pathologie comme pour l’endométriose reconnue comme affection de longue durée (ALD) et qui touche 1 femme sur 10.
  • Certaines femmes redoutent les effets pervers (discrimination, stigmatisation, freins à l’embauche, remarques désobligeantes, déclarations gênantes…)

Un sondage IFOP paru en mars 2021 et mené auprès d’un échantillon de 1 009 femmes, âgées de 15 à 49 ans, révélait que 68 % des femmes seraient plutôt ou tout à fait favorables à la mise en place de ce congé. 90 % se disent favorables à des distributeurs gratuits de protections hygiéniques en entreprise.

  • L’enquête menée par Womanizer auprès d’un panel de 470 femmes menstruées venues de 26 pays différents confirme « que cette mesure est juste et appropriée ». Pourtant d’après cette enquête, si deux personnes sur trois ont déjà voulu ne pas aller travailler à cause des douleurs menstruelles, seul un tiers l’a fait.
  • Selon une étude Yougov pour le Huffpost en 2019, les jeunes sont plus ouverts que leurs ainés sur cette question, puisque 73 % des 18-24 ans sont favorables au congé menstruel.

En France, plusieurs entreprises testent le congé menstruel : des sociétés comme Louis Design (société du mobilier de bureau éco-responsable) et Critizr (société de 100 personnes, spécialisée dans la relation client) proposent à leurs salariées de s’absenter un jour par mois si nécessaire :

  • Depuis le 8 mars, à l’occasion de la journée internationale des femmes, la startup toulousaine, spécialisée en fabrication de mobilier écoresponsable, a institué une possibilité de congé payé « ça vaut tous les team buildings, confirme le DRH, c’est contre-productif de laisse un salarié souffrir au travail ».
  • Chez Louis Design, pour bénéficier d’un jour de repos rémunéré supplémentaire par mois, rien de plus facile « Le jour J, il suffit de nous envoyer un courriel. On a mis en place un tableau de suivi pour anticiper les absences et ne pas avoir de retard dans la production ».
  • « Le congé menstruel est un outil novateur très fort pour montrer notre engagement » confirme le PDG de l’entreprise. L’expérience va durer un an.

Le dialogue social doit s’emparer des questions de la prise en compte des facteurs humains dans l’entreprise et dans la sphère familiale, indépendamment du sexe des individus, voir le congé paternité, le congé aidant, ou celui d’un congé qui puisse s’adapter à un besoin physiologique homme ou femme.


Références