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Non-recours aux droits de l’assurance chômage

mercredi 9 novembre 2022

Un rapport de la DARES vise à connaître le non-recours aux droits à l’assurance-chômage. L’observatoire des non-recours aux droits et services (Odenore) définit le non-recours comme la situation d’une personne « qui ne reçoit pas, quelle qu’en soit la raison, une prestation ou un service auquel elle pourrait prétendre » Ce rapport porte sur la période de novembre 2018/octobre 2019 avec les conditions de la convention chômage de 2017. Plus d’un quart des chômeurs ne demanderaient pas à être indemnisés.

Pour prétendre à l’indemnisation de l’assurance chômage, les salariés doivent remplir plusieurs critères, selon la convention de 2017 :

  • une condition d’inscription sur les listes de Pôle emploi, de disponibilité pour occuper un emploi et de recherche effective d’emploi.
  • Une condition minimum d’affiliation : un salarié privé d’emploi doit avoir travaillé au moins 4 mois au cours des 28 derniers mois (36 derniers mois pour les individus âgés de 53 ans ou plus).
  • Une condition d’âge : le demandeur d’emploi ne doit pas avoir atteint l’âge et le nombre de trimestres requis pour une retraite à taux plein.
  • Une condition de perte involontaire d’emploi : la rupture de contrat ne doit pas être à l’initiative du salarié.

Dans la présente étude, une personne éligible n’ouvrant pas de droits dans l’année qui suit la fin de son contrat est considérée comme non-recourante (ce seuil est de 6 mois sur 24 mois depuis l’entrée en vigueur du décret de carence de juillet 2019). Vu l’impossibilité d’analyser certaines données administratives, l’étude a exclu les moins de 25 ans et ceux qui n’avaient pas de droits ouverts ou encore ceux qui sont sortis du chômage en moins de 7 jours.

Dès l’inscription à Pôle emploi, les droits sont systématiquement calculés à partir des informations sur les contrats de travail passés du demandeur d’emploi, ce qui tend à priori à réduire le risque de non-recours :

  • Les entreprises de 10 salariés et plus ont l’obligation de procéder à cet envoi par voie électronique (depuis 2012), sur le site de Pôle emploi.
  • Les droits acquis au titre de l’assurance chômage non utilisés ne sont pas immédiatement perdus (un délai de 12 mois après la fin de contrat).
  • Environ un tiers des personnes ayant une fin de contrat sont de fait déjà couvertes par l’assurance chômage en raison de leurs contrats précédents. Il s’agit de personnes qui travaillent tout en étant couvertes par le régime d’assurance chômage.

Pourtant le taux de non-recours des personnes inscrites à Pôle emploi dans l’année qui suit leur fin de contrat varie entre 25 % et 42 %, ce qui représente sur un an entre 390 000 et 690 000 personnes non-recourantes (tenir compte des fins de contrats des personnes déjà inscrites fait mécaniquement baisser le taux de l’ordre de 11 points sans impact sur le nombre de non-recourants). Ce taux est proche de celui que l’on peut observer sur d’autres prestations : 34 % pour le RSA, 32 % pour les retraites, 50 % pour le minimum retraite…

  • 30 % des personnes âgées de 25 à 60 ans qui connaissent une fin de contrat dans le privé ne s’inscrivent pas à Pôle emploi.
  • Les non-recourants ne sont pas très différents en termes d’âge, de sexe, ou de catégorie socio-professionnelle.
  • Les salariés en contrats temporaires (intérim et CDD) recourent significativement moins à l’assurance chômage que les salariés en fin de CDI.
  • À l’inverse, le taux de recours est très élevé (supérieur à 90 %) à l’issue d’une rupture conventionnelle ou d’un licenciement économique.
  • Les non-recourants ont travaillé moins longtemps que les recourants. Leurs droits potentiels sont donc plus faibles : ainsi plus de la moitié (55 %) des éligibles ayant travaillé entre 4 et 6 mois ne recourent pas à l’assurance chômage, contre 19 % ayant travaillé plus de deux ans.
  • Les non-recourants retrouvent un emploi plus vite que les recourants : près d’un quart d’entre eux retrouvent un emploi dans le mois suivant la fin de contrat contre 15 % des recourants.

Les résultats suggèrent de grandes familles d’explication, les deux principaux motifs d’explication sont le non-recours par défaut d’information ou celui par défaut de sollicitation.

  • Les non-recourants peuvent méconnaître leur éligibilité ou mal connaître l’allocation (non-recours par défaut d’information). Le fait que les salariés proches de la dure minimale d’affiliation (4 mois) soient ceux qui recourent le moins à l’assurance chômage peut révéler une incertitude sur les règles d’éligibilité.
  • Les individus ayant peu travaillé avant de perdre leur emploi sont aussi les plus susceptibles de ne pas connaître ou de mal connaitre leur éligibilité, puisqu’ils sont les plus proches du seuil d’éligibilité.
  • Au contraire, plus la durée travaillée est importante, moins les individus ont de doute sur leur éligibilité.
  • Au contraire, les salariés ayant déjà été indemnisés par l’assurance chômage dans le passé ont des taux de non-recours plus faibles (21 %) que les autres. Ce résultat peut s’interpréter comme un effet d’apprentissage de la connaissance des démarches pour demander son droit. Avoir une expérience de l’assurance permet une meilleure maîtrise des règles d’indemnisation.
  • D’autre part, certains salariés peuvent ne pas demander l’allocation en raison d’un arbitrage coûts/bénéfices défavorable (défaut de sollicitation). La prestation peut paraître peu attractive : crainte de la stigmatisation, démarches administratives, contrôles…
  • Les salariés qui reprennent rapidement un emploi recourent un peu moins à l’assurance chômage.



Suite à l’échec des négociations de la convention d’assurance chômage, en 2019, le gouvernement est tenu de remettre au gouvernement un rapport sur la réalité et les conséquences du non-recours aux droits en matière d’assurance chômage. Cette première étude quantitative, hors effets du Covid et de la réforme des règles actuelles d’indemnisation, démontre, comme beaucoup de non-recours aux aides sociales, que les principales causes de non-recours sont dues à la complexité administrative, la dématérialisation, le changement des règles, la non-connaissance : « On ne demande pas parce que l’on pense ne pas pouvoir y prétendre ». Une étude qualitative permettrait d’affiner les différents comportements des non-recours à l’assurance chômage des personnes privées d’emploi.


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