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Les objectifs chiffrés et l’absence d’entretien individuel entraînent du stress

samedi 24 janvier 2015

La mise en œuvre de l’entretien individuel laisse à désirer
L’entretien individuel annuel d’évaluation devrait permettre au salarié et à son supérieur hiérarchique de faire le bilan sur les objectifs fixés au salarié et l’organisation de son poste pour les atteindre, et d’expliciter les nouveaux objectifs comme les besoins de formation, et l’évolution de la rémunération.

L’ANI du 9 décembre 2003 a inclus l’entretien professionnel [1], « au moins tous les 2 ans », pour organiser l’évolution professionnelle du salarié, et certaines conventions collectives vont plus loin. Le code du travail prescrit ainsi, par l’article L.1222-3 : « Le salarié est expressément informé, préalablement à leur mise en œuvre, des méthodes et techniques d’évaluation professionnelles mises en œuvre à son égard. ». Même s’il n’est obligatoire que pour les salariés au forfait jours, il représente un acte de management qui permet de faire le point et d’anticiper le travail de l’année suivante.

Pourtant, il est loin d’être généralisé et concerne avant tout les cadres et les salariés des grandes entreprises, comme le montre l’étude que vient de publier la Dares (enquête Sumer 2010).

3 variables aux combinaisons différentes : entretien, objectifs, critères

  1. Un tiers des salariés n’ont ni entretien individuel, ni objectifs chiffrés. C’est le cas de 57 % des salariés des TPE de moins de 10 salariés. C’est également vrai pour 53 % des salariés en contrat temporaire, CDD ou intérim. Ce sont surtout les salariés agricoles, les ouvriers du BTP, les conducteurs de véhicules, les secrétaires, les employés de comptabilité, les employés et agents de maîtrise de l’hôtellerie et de la restauration, les coiffeurs et esthéticiens, les aides ménagères…
  2. 10 % des salariés sont reçus au moins une fois par an par leur supérieur pour un entretien d’évaluation mais sans critères chiffrés ni objectifs précis : surtout des salariés de catégories B et C des fonctions publiques ou de grands établissements.
  3. L’entretien individuel d’évaluation fondé sur des critères « précis et mesurables » mais sans objectifs chiffrés concerne, quant à lui, 20 % des salariés : en particulier dans le secteur de l’administration publique, de la santé et de l’action sociale (36 %) ainsi que dans les établissements de 500 salariés ou plus (38 %). Les plus concernés sont les secrétaires de direction, les employés et ingénieurs de l’informatique, les ouvriers, techniciens et agents de maîtrise de la maintenance, mais aussi les agents d’entretien ou de gardiennage et de sécurité.
  4. Des objectifs chiffrés dans un entretien « cadré » sont donnés à 22 % des salariés : surtout des cadres (39 %), notamment les ingénieurs et cadres de l’industrie et les cadres commerciaux, des professions intermédiaires (29 %) en particulier dans le commerce, des salariés de grands établissements (34 %) et du secteur finance-assurances (50 %)
  5. À l’inverse, ceux qui ont des objectifs chiffrés sans bénéficier d’un entretien individuel d’évaluation fondé sur des critères précis et mesurables, soit 13 % des salariés, sont surtout des ouvriers non qualifiés.

L’impact des objectifs chiffrés

Les salariés qui ont des objectifs chiffrés à atteindre sont beaucoup plus nombreux à déclarer devoir « toujours ou souvent se dépêcher pour faire leur travail » et avoir une quantité de travail excessive, sans toujours les moyens, et une forte intensité de travail. Ces objectifs chiffrés accroissent le sentiment de pression au travail.

Ce sont aussi des salariés surexposés à la plupart des facteurs de risques psychosociaux : leur travail comporte de faibles marges de manœuvre, plus de demande psychologique et émotionnelle, plus de conflits éthiques et d’insécurité économique, plus de tensions avec le public, moins de soutien social, et de moindres possibilités de développer leurs compétences professionnelles. Ils signalent aussi plus souvent être en mauvaise santé physique et mentale. Et l’impact est d’autant plus fort s’ils n’ont pas d’entretien individuel.

Et celui de l’entretien individuel

Les salariés qui ont un entretien cadré déclarent plus souvent que les précédents bénéficier d’autonomie et de soutien social de la part de leur hiérarchie ou de leurs collègues, et moins souvent ressentir des conflits éthiques ou de l’insécurité dans leur emploi.

En somme, si l’entretien repose sur des critères précis et mesurables, l’évaluation ne semble pas introduire nécessairement la concurrence et tuer la coopération. Ces salariés ont un meilleur sentiment de reconnaissance de leur travail et de justice. Et l’entretien, quand il existe, atténue l’impact des objectifs chiffrés.

Ce sont donc des sujets à suivre de près pour les représentants du personnel puisqu’il intervient largement sur les conditions de travail et les risques de stress.


Le numéro de Dares Analyses-Dares Indicateurs :
http://travail-emploi.gouv.fr/etudes-recherches-statistiques


Notes :

[1(*) L’accord du 9 décembre 2003 sur la formation professionnelle :

CHAPITRE I : INFORMATION ET ORIENTATION TOUT AU LONG DE LA VIE
Article 1 – L’entretien professionnel et le bilan de compétences
Pour lui permettre d’être acteur dans son évolution professionnelle, tout salarié ayant au moins deux années d’activité dans une même entreprise bénéficie, au minimum tous les deux ans, d’un entretien professionnel réalisé par l’entreprise, conformément aux dispositions d’un accord de branche ou d’entreprise conclu en la matière ou, à défaut, dans les conditions définies par le chef d’entreprise.
Les propositions en matière d’actions de formation professionnelle qui seraient faites lors de ces entretiens professionnels peuvent être, avec l’accord du salarié, portées dans une annexe à son « passeport formation » défini à l’article 2 du présent accord.
Tout salarié peut demander à bénéficier d’un bilan de compétences ou d’une validation des acquis de l’expérience, mis en œuvre pendant ou en dehors du temps de travail et dans le
cadre d’une démarche individuelle.


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