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Les logements surpeuplés au regard du confinement

samedi 11 avril 2020

L’Observatoire des Inégalités a publié le 19 mars dernier des données reflétant la réalité des logement surpeuplés. Près d’un tiers de la population des plus pauvres, dont 26 , des ménages immigrés, 17 % des ouvriers et 15 % des employés vivent dans des logements trop petits.

Lors de la remise de son rapport, en janvier 2018, sur l’état du mal-logement en France, la Fondation Abbé Pierre consacrait un cahier établissant ce constat : « Surpeuplement, un problème de taille ».

En 2013 (dernières données disponibles), l’Insee relevait que 9,5 % des ménages vivaient dans un logement surpeuplé. Les catégories sociales modestes sont les plus concernées et il était observé que les ménages pauvres avaient 15 fois plus de risque d’habiter un logement surpeuplé que les personnes plus aisées (rapport qui n’était que de 7 vingt années auparavant).

La crise sanitaire du covid-19, provoquant un confinement durant une longue période, met en évidence le fait que les familles vivant dans un logement surpeuplé se trouvent dans des conditions de difficultés sociales, voire de souffrance, accrues.

Ce manque d’espace et d’intimité nuit particulièrement au bon développement comportemental et cognitif des enfants. Disposer d’une chambre à soi quand on est enfant devient un luxe et plus les enfants grandissent, plus le besoin d’espace devient important.

Qu’entend-on par logement surpeuplé ?

Près d’un ménage sur dix est concerné, selon le rapport 2018 de la Fondation Abbé Pierre. 8,6 millions de personnes étaient touchées par le surpeuplement en 2013, dont 7 656 000 en surpeuplement « modéré » et 934 000 en surpeuplement « accentué », notamment les plus précaires qui vivent en foyers, dans des chambres d’hôtels ou chez des tiers.

La surface d’un logement est estimée en fonction de normes de peuplement établies par l’Insee (nombre de pièces jugées nécessaires au ménage - taille du logement, âge et situation familiale des occupants -).

Un logement est dit surpeuplé quand il ne comprend pas au moins, une pièce à vivre pour le ménage, une chambre pour les personnes qui vivent en couple, une pour les célibataires de 19 ans ou plus, une pour deux enfants (s’ils sont du même sexe ou s’ils ont moins de 7 ans). Ainsi, une famille avec deux enfants, garçon et fille, de plus de 15 ans, devrait disposer d’un séjour et de trois chambres. Les logements d’une pièce et d’une surface supérieure à 25 m2 pour une personne seule ne sont pas considérés comme surpeuplés. De ce fait, on considère un surpeuplement comme modéré lorsqu’il manque une chambre et un surpeuplement comme accentué s’il en manque deux ou plus.

On peut noter que la population des immigrés combine bas revenus et familles plus nombreuses en moyenne, près de quatre fois plus en nombre que les ménages non immigrés. Une partie d’entre eux tombent sous la coupe des « marchands de sommeil » et doivent payer des loyers élevés pour des logements exigus et insalubres.

De plus en plus de logements surpeuplés

Depuis toujours, des familles vivent en situation de surpeuplement dans leur logement. Dans les grandes villes, les associations de lutte contre les exclusions et les services sociaux se trouvent confrontés à des couples habitant des studettes ou des familles avec plusieurs enfants occupant un deux-pièces. Malgré une amélioration des conditions de logement ces dernières décennies, ces situations sont en augmentation, le nombre de personnes concernées par le phénomène ayant progressé entre 2006 et 2013 (voir les deux dernières enquêtes logement de l’Insee).
Sont en cause, la hausse des prix des loyers et de l’immobilier qui, depuis le début des années 2000, oblige les familles à se replier sur des logements plus petits que leurs besoins.
La précarisation des revenus et de l’emploi, la hausse de la pauvreté ou l’évolution des structures familiales contribuent également au surpeuplement.
Il s’agit là d’un retournement de tendance car, comme l’historien Antoine Prost la qualifie de "conquête de l’espace", l’augmentation de la superficie des logements depuis la fin de la Seconde Guerre a permis ce qu’on appelle la « démocratisation de l’intimité », menacée par l’accroissement du surpeuplement. Les plus démunis en sont en priorité les victimes.

Le surpeuplement touche surtout les grandes agglomérations où existent des tensions sur le logement, au premier rang desquelles se trouvent les villes de l’Île-de-France où les prix des loyers sont élevés. Par exemple à Paris et en Seine-Saint-Denis, la part des logements surpeuplés dépasse désormais les 25 % et on relève par ailleurs qu’à Paris, la suroccupation concerne aussi des ménages plus favorisés (familles recomposées, jeunes actifs diplômés…).
Tous les opérateurs du logement sont touchés par le surpeuplement, comme le parc locatif privé comprenant plus d’1 million de logements suroccupés, le secteur des HLM où logent 790 000 ménages dont le logement est devenu trop petit, la famille s’agrandissant. Mais les propriétaires ne sont pas épargnés, 465 000 vivant aussi dans des habitats surpeuplés.

Conséquences sociales du surpeuplement

Le confinement durant ces semaines met en lumière les multiples conséquences pour les familles d’un surpeuplement du logement. On peut s’inquiéter, devant la situation créée par la crise sanitaire que nous vivons, des conséquences que relèvent les études analysant le surpeuplement des logements. Les coûts sociaux générés ont des répercussions que devra supporter tôt ou tard la collectivité. À la dégradation du logement et au risque d’accidents domestiques, s’ajoutent les difficultés scolaires des enfants, l‘impact sur la santé physique et mentale des membres de la famille, les tensions engendrant des conflits de voisinage et une agressivité exacerbée. Ces faits peuvent entraîner ou accentuer de graves dérives, comme les violences conjugales ou des maltraitances envers les enfants.

Plus de 3,2 millions de mineurs vivent en situation de surpeuplement. Plus de 300 000 d’entre eux sont même confrontés à un "surpeuplement accentué". Cette situation empêche que les enfants puissent se créer un lien social avec l’autre ou un univers de rêve et de silence auxquels ils aspirent naturellement, au sein ou en dehors de leur cercle familial. Par la promiscuité imposée, le surpeuplement entrave gravement le développement des enfants.

Les conditions de vie au quotidien se résument par les conséquences suivantes, facteurs de stress pour les occupants de logements en surpeuplement, à savoir : ne pouvoir prendre des repas ensemble, dégagement de la salle d’eau pour se laver, difficultés de stocker la nourriture, et surtout être empêché de s’isoler (faire les devoirs pour les enfants)… Des études scientifiques montrent les nombreux effets néfastes de cette privation d’intimité et on peut relever aussi que ces conditions de logement altèrent gravement la qualité du sommeil, indispensable au maintien d’une bonne santé.

Au surplus, et cela touche particulièrement les salariés contraints au télétravail durant cette période de confinement, le surpeuplement a également un impact négatif sur la vie professionnelle des adultes qui ne trouvent pas suffisamment d’espace, de temps et de concentration indispensables à leurs projets ou démarches (par exemple, dans le cadre d’insertion ou formation). Une étude de l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques) montre qu’un adulte vivant dans un logement suroccupé a 1,8 fois plus de risque (chiffre de 2013) d’être au chômage qu’une personne de mêmes caractéristiques, mais vivant dans une situation d’occupation « normale ».

Le surpeuplement des logements et l’après-confinement

Le rapport précité de la Fondation Abbé Pierre exposait qu’une relative indifférence au surpeuplement des logements, voire une tolérance, régnait dans la gouvernance des pouvoirs publics ou opérateurs du logement. Certains l’analysent comme inévitable dans les territoires où existe une tension sur la politique du logement (construction, rénovation ou prix élevés) ou d’autres le renvoient à des pratiques de choix de vie ou culturelles, dans un contexte de précarité.

Au-delà de la crise sanitaire du covid-19, il y aura là aussi une des nombreuses priorités d’action politique. Il s’agira donc d’aborder l’amélioration de la vie quotidienne de nombreux ménages confrontés au surpeuplement et à ses effets d’inégalité sociale avérée.

Des milliers de grands logements ne sont pas mobilisés, alors que leurs occupants souhaiteraient les quitter. Il conviendra notamment de renforcer la priorité accordée aux demandeurs de logements Hlm vivant dans des logements en suroccupation accentuée ou favoriser les demandes de mutation des ménages en situation de sous-peuplement, pour libérer de grands logements.

De même, les institutions et collectivités devront s’attacher à prendre des mesures comme élargir les conditions d’éligibilité au Dalo (prise en compte du critère de surpeuplement), traiter ces situations par l’allocation-logement en proposant un relogement effectif, en signalant les cas de surpeuplement dès l’entrée dans les lieux, et avoir une politique plus volontariste des préfets vis-à-vis des bailleurs dans la lutte contre la suroccupation.

La Fondation Abbé Pierre préconise un certain nombre de mesures susceptibles d’apporter des solutions, lors de son rapport 2018, comme par exemple une mobilisation du parc HLM répondant aux 36 000 ménages (à l’époque) logés dans des appartements trop grands et souhaitant déménager, libérant ainsi des appartements ou concevoir des habitats évolutifs, qui suivent la taille de la cellule familiale…


Références