Des effets positifs ou indésirables selon les modalités de mise en place du télétravail

Le télétravail est une forme d’organisation du travail à part entière, bien qu’il recouvre de réalités différentes, travail à distance, travail à domicile ou en coworking… Mais l’étude de l’Anses réalisée avec l’Inserm ainsi que celle commandée à L’Irset (institut de recherche en santé, environnement, travail) montrent que les effets se situent à la fois au niveau de la santé des salariés, de leur vie sociale et de leur travail. Et qu’ils sont plus ou moins importants selon la fréquence du télétravail (1 jour par semaine, 2 ou plus).

Les répercussions sur la santé

Elles sont à la fois positives et négatives. D’une part le télétravail peut permettre une réduction du stress et de la fatigue, notamment par la diminution des trajets et de leur perte de temps, de même que celle des formes de violences et de harcèlement qui existent parfois dans les face à face présentiels. De plus, cela peut être un aménagement utile pour des salariés en mauvaise santé ou handicapés, à condition qu’il n’impose pas d’être assis toute la journée, que le poste de travail soit adapté et que le lien avec l’équipe soit assuré.

D’un autre côté, comme y insiste l’Inrs, la position assise en longue durée devant l’ordinateur engendre des TMS (troubles musculo-squelettiques) comprenant des douleurs cervicales, cervico-brachiales, du dos et des lombaires, et même des membres. Peuvent aussi advenir des conséquences sur la vue (vision floue, irritations, fatigue visuelle…), des troubles du sommeil, de nouveaux RPS (risques psychosociaux) liés à l’isolement, à une surcharge ou à un sentiment de surveillance permanente, voire une atteinte à la santé mentale. Sans compter les accidents au travail, avec les difficultés de la distance et du caractère privé du domicile pour les faire prendre correctement en charge.

Les incidences sur la vie sociale

L’essentiel est la modification entre la vie professionnelle et la vie personnelle, familiale et sociale. Là aussi les effets sont contrastés. Pour 80 % des salariés qui l’exercent, le télétravail est un facteur positif de conciliation de la vie professionnelle et personnelle, même si pour certains, et surtout certaines, la multiplication des exigences du travail, de la famille et sociales crée une pression, liée à la porosité que le télétravail crée entre ces différentes facettes de la vie. C’est pour les femmes que la conciliation est le plus difficile.

Les conséquences sur le travail

Le niveau de satisfaction est en général effectif, avec un sentiment d’autonomie et même d’indépendance, surtout si l’organisation du travail le facilite et que le salarié n’est pas laissé seul mais peut bénéficier de soutien.

Dans un autre sens, beaucoup ressentent une surcharge de travail, dans un contexte d’intensification du travail et d’exigences de réactivité et de disponibilité, ce qui amène souvent à des horaires atypiques. L’implication au travail et le sentiment d’appartenance dépendent des pratiques de contrôle, parfois excessives, du sentiment ou non d’isolement. Le maintien de relations professionnelles est fondamental pour éviter la fragmentation des collectifs de travail, pour préserver les interactions dans le travail et leur registre informel, facteur de bien-être et d’innovation. Enfin, se pose la question du travail non télétravaillable et du sentiment d’inégalité entre 2 types de salariés qui peut se développer.

La prévention des risques professionnels du télétravail

L’insuffisance des connaissances des répercussions du télétravail sur la santé et les conditions du travail montre le besoin que des recherches continuent d’être effectuées par des experts. Elle nécessite aussi la mobilisation des acteurs de l’entreprise et de l’administration, dirigeants et travailleurs et leurs représentants, de façon à éviter les effets négatifs potentiels du télétravail en amont par la discussion, le dialogue professionnel, le dialogue social et la négociation.

D’une part, la qualité du vécu dépend matériellement de la qualité de l’équipement informatique et de bureau, celle de la connexion internet et les coûts engendrés, à négocier avec l’employeur.

L’essentiel est l’organisation de la prévention des risques professionnels, sur la santé tant physique que mentale et sociale et sur les conditions de travail. N’oublions pas que l’employeur a l’obligation d’assurer la sécurité et la santé de tous ses salariés. Des directives claires de sa part sont indispensables pour les mesures de sécurité. Des modalités sont à penser puisque le travail va se dérouler dans un lieu extérieur qui n’est donc pas sous sa responsabilité directe. Le changement de nature des interactions sociales au travail est aussi à discuter car le télétravail limite l’informel, le repérage des difficultés, la fatigue, le mal-être et nécessite la mise en place de procédures de soutien. Des mesures de prévention sont à prévoir dans l’organisation du travail, l’information des managers, la formation ainsi que dans l’aménagement des postes de travail.

Le télétravail concernait peu de salariés avant 2020. Momentanément il s’est imposé à une moitié des travailleurs. Après la phase d’obligation il est devenu un mode de travail pérenne qui nécessite un approfondissement des changements qu’il induit, de leur analyse afin d’organiser de façon précise et positive sa poursuite.

Sources

• Anses – Télétravail : poursuivre la recherche pour mieux évaluer les effets potentiels sur la santé – 12 février 2024 :
  – https://www.anses.fr/fr/content/teletravail-poursuivre-recherche-effets-potentiels-sante

• Télétravail : effets sur la santé et les conditions de travail – Revue de la littérature – Anses-Inserm - 2023 :
  – https://www.anses.fr/fr/system/files/AP2021SA0091-Anx-RapportCRD.pdf