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Lassitude : tel est l’état d’esprit des salariés après plus d’un an de crise du covid

samedi 5 juin 2021

Après plus d’un an de crise du covid, les salariés expriment leur lassitude face à la crise sanitaire qui se prolonge. C’est ce que disent les salariés dans le sondage effectué au cours du mois d’avril 2021 par Kantar pour la CFDT [1] . Au-delà de la lassitude, ils y expriment des points de satisfaction sur la gestion de la crise par les différents acteurs mais aussi des inquiétudes et des attentes fortes pour la sortie de crise. Un sondage qui conforte les organisations syndicales à la fois dans le rôle qu’ils voudraient qu’elles mènent dans la sortie de crise mais aussi par les revendications qu’elles expriment sur le plan économique et social. À méditer par tous les décideurs…

Où en est-on au moment où s’amorce un retour progressif à la normale ?

La situation au travail des salariés est très différente de celle de l’an dernier : 83 % travaillent à plein temps (53 % en avril 2020). 5 % seulement sont en chômage partiel total et 8 % en chômage partiel contre respectivement 17 % et 14 % en 2020 à la même période. 67 % des salariés qui travaillent exercent leur métier sur leur lieu de travail habituel et 33 % en télétravail (45 % en avril 2020). Chez les télétravailleurs, un tiers le sont à temps plein contre 80 % en 2020.

Les télétravailleurs sont en premier des cadres (69 % des cadres) alors que le télétravail est beaucoup moins répandu dans les autres catégories : 38 % pour les professions intermédiaires et 27 % des employés.

Les salariés satisfaits de leurs conditions de travail…

Les salariés sont globalement satisfaits de leurs conditions de travail actuelles (entre 70 et 82 % d’opinions positives sur les différents items concernant les conditions de travail). Quelques différences notables existent toutefois entre les salariés qui travaillent sur site et les télétravailleurs et parfois entre télétravailleurs à temps plein et télétravailleurs alternants.

Ainsi, si l’ensemble des salariés se disent satisfaits à 84 % du lien qu’ils ont avec leurs collègues, ils ne sont que 78 et 79 % chez les deux catégories de télétravailleurs. Les télétravailleurs alternants sont moins satisfaits de leur lieu de travail (74 %) que l’ensemble des salariés et les télétravailleurs à temps plein (79 %). Il en va de même sur la qualité de l’équipement de travail (68 % contre respectivement 78 % pour l’ensemble des salariés et 84 % des télétravailleurs à plein temps). Toutefois, alors que 77 % des salariés sont satisfaits de l’équilibre entre leur vie personnelle et professionnelle, le niveau de satisfaction monte à 82 % chez les télétravailleurs.

…et soucieux sur leur salaire à l’avenir

Même s’ils sont moins nombreux que l’an passé, 19 % des salariés (-9 points par rapport à avril 2020) disent que la crise a entrainé une perte de salaire et surtout 27 % (-6 points) disent craindre une perte à venir même s’ils ne l’ont pas encore constatée. Ces salariés se trouvent essentiellement chez les ouvriers et dans les entreprises de moins de 10 salariés.

Par ailleurs, 60 % des salariés pensent que les travailleurs de 2ème ligne n’ont pas eu la reconnaissance qu’ils méritaient pour leur engagement face à la crise.

L’impact de la crise du COVID sur la santé et les conditions de travail des salariés

Pour une petite majorité de salariés (54 %), la crise du covid n’a pas eu d’impact sur leurs conditions de travail. 27 % ont connu une dégradation et 17 % une amélioration. La dégradation des conditions de travail a surtout été ressentie chez les cadres (37 %) alors qu’elles n’ont pas changé pour 63 % des ouvriers. C’est dans les établissements recevant du public que le ressenti de dégradation a été le plus fort (41 %) ainsi que les chez les télétravailleurs alternants (33 %). Mais c’est aussi chez les télétravailleurs que les conditions de travail se sont le plus améliorées (22 % et 23 % suivant le type de télétravail).

La lassitude des salariés

Toutefois, quand on demande quel mot exprime le plus leur état d’esprit, les salariés choisissent « la lassitude » (48 %) loin devant « l’inquiétude » (28 %) et « la patience » (35 %). La « colère » n’est exprimée que par 16 % des salariés. C’est plutôt « la résignation » (22 %) et « l’impuissance » (24 %) qui viennent à la suite. Comme si les salariés subissaient la crise avec le sentiment de ne pas avoir prise sur elle. S’ils sont peu inquiets pour eux-mêmes, ils semblent plus soucieux de l’état psychologique de leurs collègues qui, pour 61 % d’entre eux, s’est dégradé du fait de l’angoisse face à l’avenir, la dégradation des interactions sociales et l’isolement, plus que sur les risques de contamination.

Les entreprises à la hauteur face à la crise

69 % des salariés pensent que les entreprises ont été à la hauteur des enjeux durant la crise. Ils sont plus critiques vis-à-vis des pouvoirs publics (45 % de satisfaits) et des syndicats (47 %). Il faut relativiser ce dernier chiffre. En effet, le niveau de satisfaction est de 51 % quand il y a présence syndicale et 61 % quand l’employeur a consulté les représentants du personnel.

Sur ce dernier point, un tiers des salariés considèrent que les représentants du personnel ont été consultés par l’employeur. C’est évidemment plus le cas dans les grandes entreprises que dans les petites où la présence syndicale est moins fréquente. Ainsi dans les entreprises de plus de 1 000 salariés c’est près de la moitié des salariés qui considèrent que les représentants des salariés ont été consultés. C’est aussi plus le cas dans l’industrie (44%) et le transport (44 %) que dans le BTP (23 %).

Même s’ils sont critiques vis-à-vis des pouvoirs publics sur la gestion de la crise sanitaire, les salariés portent un jugement positif sur leur action pour aider les entreprises à faire face à la crise (57 % de satisfaits). Les cadres plébiscitent à 66 % l’action des pouvoirs publics. Les employés sont plus réservés (46 % de satisfaits). Enfin les salariés du privé sont plus satisfaits (59 %) que ceux du public (52 %).

Les pistes d’action pour la sortie de crise

Le sondage aborde aussi de nombreuses questions pour connaître le point de vue des salariés sur la sortie de crise à la fois sur la santé, les conditions de travail ou encore la politique économique et son financement.

Une forte demande est d’abord exprimée pour protéger l’état psychologique des salariés. 64 % pensent que l’employeur doit agir dans ce domaine. C’est une demande particulièrement forte chez les télétravailleurs.

En matière d’organisation et de rythme de travail, les salariés souhaitent globalement un retour simplement à la normale (68 %). C’est le cas plus particulièrement des ouvriers (78 %). Mais une demande de changement s’exprime fortement chez les télétravailleurs à temps plein (59 %).

Les salariés ont des attentes fortes (supérieures à 80 %) sur tous les changements à apporter au monde du travail au point qu’il est difficile de définir des grandes priorités. Ces attentes sont souvent qualitatives comme améliorer la qualité de vie au travail ou encore la formation professionnelle pour développer les compétences ou lutter contre les discriminations. Elles marquent aussi une volonté de réduire les inégalités comme avoir une meilleure répartition des richesses ou lutter contre les inégalités hommes-femmes.

Il en va de même en matière économique : relocalisation des emplois, revalorisation des métiers essentiels, meilleure contribution des plus riches à la relance, etc…On peut regretter que les préoccupations concernant la transition écologique n’apparaissent qu’en dernier dans les préoccupations des salariés à un niveau qui reste toutefois élevé (79 %). Pour mener ces politiques, les salariés privilégient le niveau national (49%) sur le niveau européen (35 %) et surtout le niveau local (15 %).

Enfin, pour financer la relance, ils privilégient des mesures qui viseraient les plus riches ou les entreprises qui ont bénéficié de la crise aux mesures qui demanderaient un effort à toutes les catégories sociales notamment en augmentant l’impôt sur le revenu. Peut-être un peu contradictoirement aux enseignements qu’on pourrait tirer de cette crise, ils souhaitent toujours une réduction des dépenses publiques.


Après un an de crise, les salariés sont donc fatigués de subir la crise sur laquelle ils n’ont pas de prise. Mais c’est sur la sortie de crise et les mesures économiques et sociales qu’ils ont des attentes fortes. Ces attentes correspondent globalement aux orientations proposées par les organisations syndicales. Ces attentes sont fortes en matière de réduction des inégalités. Seront-elles entendues par les acteurs politiques à la veille des élections présidentielles et quelle place voudront-ils donner aux partenaires sociaux pour sortir la crise ? Autant de questions fondamentales auxquelles nos futurs dirigeants devront répondre si nous voulons éviter d’ajouter une grave crise sociale à la crise économique qui est devant nous.


Source


Notes :

[1Enquête réalisée par KANTAR Public auprès d’un échantillon de 1000 salariés, représentatif des salariés français entre le 12 et le 21 avril 2021 interrogés par internet. La représentativité de l’échantillon est assurée par la méthode des quotas (sexe, âge, PCS et secteur d’activité) et stratification par région.