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La répartition territoriale des emplois publics : des chiffres et des surprises

mercredi 28 août 2019

La note d’analyse de France Stratégie établit une cartographie nouvelle, en distinguant deux sortes d’emplois publics : l’emploi public « local » qui regroupe les services à destination des usagers proches et l’emploi public « non local » avec la défense, la justice, l’enseignement supérieur et la recherche, les directions locales ou centrales des ministères, les sièges des collectivités territoriales. Le service « non local » est produit pour les résidents du département, de la région voire du pays dans son ensemble. Les emplois publics sont-ils équitablement répartis en France ? Existe-t-il un égal accès aux services publics sur tout le territoire ? Les chiffres réservent des surprises à rebours de certains discours.

Qu’est-ce qu’un « emploi local » et « un emploi non local » : Les services « non locaux » sont des emplois nationaux (une base militaire, un ministère, un service technique national) mais ils peuvent aussi être régionaux (une direction régionale des services de l’État, une université) ou départementaux (une préfecture, un établissement pénitentiaire). Prenons le ministère de l’Économie et des Finances, les emplois des centres des impôts sont classés comme « locaux », alors que les emplois de l’INSEE sont classés comme « non locaux ». Les services de la fonction hospitalière (1,1 million d’emplois) ont été partagés entre « locaux et non locaux ».

Un emploi public sur quatre est « non local ». Des 5,8 millions d’emplois publics, 1,3 million d’emplois sont « non locaux ». 1,2 million relève de l’État et des grands opérateurs de service public. Emplois principalement nationaux avec 530 000 ETP (équivalent temps plein), dont la moitié sont au ministère de la défense, 400 000 sont régionaux dont 200 000 dans les universités et les filières de BTS, 230 000 sont départementaux (ministère de la Justice et de l’Intérieur) et 130 000 emplois sont les emplois des sièges des collectivités territoriales.

4,5 millions d’emplois publics dans des services essentiellement « locaux » : Soit 1,6 million pour l’État et les opérateurs, dont 950 000 emplois pour les seuls enseignements primaire et secondaire. 1,7 million pour la fonction publique territoriale dont 1,4 million sont employés par les communes et les groupements de communes, 240 000 le sont par les départements et 60 000 par les régions. Il faut rajouter les établissements publics de santé (CHRU et CH) ainsi que les ESMS (établissement social et médico-social).

L’indicateur de « taux d’administration d’emploi public » permet de mesurer le niveau de service moyen rendu sur un territoire par les emplois publics : soit en moyenne, pour la France 8,8 emplois publics pour 100 habitants. Il permet d’aller au-delà de l’éternel débat sur le nombre de fonctionnaires dans chaque fonction publique (d’État, territoriale et hospitalière).

  • Le nombre d’emplois publics « non locaux » est plus élevé dans les métropoles, les préfectures, les bases militaires. Il varie très peu avec la densité du territoire.
  • La répartition des « emplois locaux » (qu’ils soient de l’État, des collectivités territoriales ou hospitaliers), est plus homogène.
  • Les zones dynamiques démographiquement sont moins bien dotées en emplois hospitaliers ou en emplois éducatifs (temps long d’adaptation administrative), contrairement aux taux d’administration communaux qui s’élèvent avec le potentiel financier et la densité des territoires.
  • Le taux d’administration est plus élevé dans les zones d’emploi les plus peuplées : il varie de 7 dans les zones rurales à près de 10 dans les grandes métropoles.
  • En part d’emploi public, les départements et régions d’outre-mer (DROM) sont largement au-dessus de la moyenne du fait de la faiblesse structurelle de l’emploi privé.

Comment expliquer les écarts entre les territoires ? Les auteurs ont découpé le territoire en 320 zones d’emploi : l’Île-de-France, les douze métropoles régionales de plus de 500 000 habitants, puis les zones d’emploi urbaines très peuplées, puis moyennement peuplées et enfin les zones rurales.

 Premiers constats : Certaines zones urbaines peu peuplées affichent des taux d’administration supérieurs à ceux des grandes métropoles, comme la Lozère. À l’inverse, des zones urbaines très peuplées comme Mulhouse ont des taux d’administration inférieurs au taux moyen des zones rurales. Le taux d’administration est plus bas dans les zones à taux de chômage élevé et plus haut dans les zones à fort potentiel fiscal.

 Peu de différence en éducation selon la taille de l’agglomération principale. Les zones d’emploi de la diagonale nord-est/sud-ouest sont plus dotées par enfant que la moyenne, indépendamment du degré d’urbanisation. Le taux d’administration en éducation par habitant de moins de 16 ans est plus élevé pour les zones les moins dynamiques sur le plan démographique et pour les territoires à niveau de vie plus faible. Voire pour les chefs-lieux départementaux (3,5 % d’emplois en plus par habitant de moins de 16 ans). Hétérogénéité des dotations notamment en milieu rural (lien entre niveau de vie et densité des territoires).

 Dans les 5 régions les moins dotées en emploi « non local » on retrouve les quatre régions les moins dotées en « emploi local ». Le taux d’administration des collectivités territoriales s’avère moins lié à la taille de l’agglomération qu’au potentiel financier de ses habitants et à sa capacité d’hébergement touristique. Deux déterminants qui avantagent les zones d’île-de-France et les trois régions Sud (PACA, Occitanie, Nouvelle Aquitaine). Ces régions, à caractéristiques économiques égales, ont en moyenne, par habitant, 0,3 emploi public local de plus.

 Dans les 10 % des zones les plus dotées, l’emploi « non local » compte pour plus de 8 % de l’emploi total, contre moins de 0,3 % dans les 10 % des zones d’emploi les moins dotées. Un grand écart qui va de pair avec le degré d’urbanisation des zones.

 L’emploi « non local », réparti de façon très inégale, est responsable des écarts à 56 % : l’Île de France est en tête suivie par l’Occitanie, la Nouvelle Aquitaine, l’Auvergne-Rhône-Alpes, et la Bretagne qui disposent d’établissements ministériels, d’écoles de formation de la fonction publique, de services logistiques. À l’opposé la Normandie et les Hauts de France sont très peu pourvus en emplois nationaux.

 L’emploi « local » des collectivités locales est plus homogène, il est responsable des écarts pour 34 % et celui de l’État et de ses opérateurs pour seulement 5 %. Au contraire l’emploi hospitalier contribue à résorber de 14 % les écarts et on constate des effets d’inertie dans la répartition des emplois en éducation (écoles et collèges).

Pour les auteurs de la note de France stratégie, quels sont les principes pour une meilleure répartition des emplois ?

  • Pour les emplois publics, ils préconisent de réallouer progressivement l’emploi dans les régions en se saisissant de deux opportunités : les départs en retraite et l’e-administration. En 2015, 30 % des services « non locaux » de l’État étaient occupés par des agents de 52 ans et plus. Et l’e-administration rend possible la prise en charge d’un service interdépartemental ou interrégional par des zones en difficulté économique ou en déprise démographique.
  • Pour les services des collectivités territoriales, le lien entre potentiel financier et développement de l’emploi public nécessite un débat sur l’équité, dans l’accès à certains services locaux (crèches, périscolaire…). Les dotations ciblées de l’État dans le cadre de la contractualisation sont des outils qui permettraient d’assurer un niveau de service plus homogène.
  • Pour le secteur hospitalier public « la planification sanitaire » fait l’objet de nombreux débats. Les données de l’étude pourraient alimenter la réflexion sur la question du soutien à certaines zones défavorisées sur le plan économique et social.
Les écarts de taux d’administration constatés entre territoires justifient de mettre en débat la possibilité d’une réallocation des emplois publics entre territoires pour une meilleure équité en terme d’accès aux services publics comme de soutien aux zones d’emploi en difficulté. Les propositions du gouvernement comme celles de « déplacer » 3 000 agents de la Direction générale des finances publiques en région et « notamment en ruralité » ou la création des maisons de service au public en font partie.

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