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La réforme du transport routier enfin adoptée par le Parlement européen

mercredi 5 août 2020

Le Parlement européen a voté le jeudi 9 juillet 2020 en faveur du « paquet mobilité » routier. Le « paquet mobilité », ensemble législatif, négocié pendant trois ans (huit votes), doit permettre une concurrence plus équitable entre les transporteurs routiers des États membres et lutter contre le dumping social pour les trois millions de chauffeurs dans l’Union européenne.

Le 4 décembre 2018, les pays de l’UE trouvent un compromis pour la réforme du transport routier international, après une négociation de 18 mois. Ce compromis servira de base de négociation avec le Parlement européen afin d’adopter une nouvelle législation européenne (voir Clés du social : .../l-application-future-de-la-directive-travailleurs-detaches-au-transport-routier).

L’accord du 9 juillet 2020 met fin juridiquement à l’opposition entre les pays de l’Est qui dénoncent des coûts trop élevés pour leurs entreprises et les pays de de l’Ouest qui réclamaient des mesures contre le dumping social des transporteurs de l’Est. Les trois volets sociaux du paquet routier comprennent le détachement des conducteurs, le temps de conduite et de repos, ainsi que le cabotage, c’est-à-dire le fait pour un transporteur d’effectuer plusieurs chargements et déchargements dans un pays où il est arrivé dans le cadre d’une livraison internationale.

Le détachement des chauffeurs routiers, le point le plus litigieux de l’accord du transport routier. Les pays de l’Est de l’Europe ainsi que l’Espagne et le Portugal souhaitaient une règlementation spécifique du travail détaché pour ce secteur. Aussi l’entrée du transport routier dans le champ d’application de la directive sur le détachement n’a été obtenue qu’à une courte majorité avec de nombreuses exceptions :

  • Les livraisons bilatérales ne seront pas concernées par le champ d’application de la directive.
  • Les chauffeurs routiers ne seront considérés comme des travailleurs détachés qu’à partir du troisième jour de travail dans un autre pays (7 jours auparavant).

Le texte prévoit une lutte renforcée contre les entreprises « boites aux lettres » : c’est-à-dire les boites immatriculées dans un pays à la règlementation avantageuse mais où elles n’ont pas d’activité réelle. Les sociétés de transport devront justifier d’une activité importante dans leur État d’enregistrement. L’entreprise doit être gérée dans le pays et y effectuer une opération de transport au moins toutes les 3 semaines.

Obligation d’un repos hebdomadaire obligatoire (45 heures consécutives minimum) qui ne peut se passer en cabine. : ce compromis obtenu par la France se heurtait à la première version du texte qui autorisait le repos sur un parking surveillé ou l’hôtel payé par l’employeur « la cabine ne peut pas être associée à un lieu de vie » (avis de la Cour européenne de justice) :

  • Les chauffeurs devront pouvoir rentrer à leur domicile au moins toutes les quatre semaines (trois semaines s’ils prennent deux temps de repos hebdomadaires raccourcis à 24 heures).
  • Les chauffeurs ne pourront plus être éloignés de chez eux pendant des mois. C’est une grande victoire, confirme l’Organisation des transporteurs routiers européens (OTRE).

Quelles règles pour le cabotage ? Compromis difficile à trouver. Lors des livraisons « bilatérales » entre seulement deux pays, un maximum de deux opérations de cabotage seront autorisées à l’aller et/ou au retour pour prévenir « le cabotage systématique ». Afin de comptabiliser tous les franchissements de frontières, les camions devront être équipés de tachygraphes, stipule le texte. Enfin, après chaque période de cabotage, un délai de carence d’au moins 60 heures est désormais imposé, pendant ce laps de temps le camion devra se trouver dans son pays d’origine.

De nombreuses critiques s’élèvent contre plusieurs points de l’accord. Beaucoup de pays redoutent les conséquences de ces nouvelles régulations sur l’économie du transport. Les Roumains prévoient la disparition d’un tiers de leurs effectifs. Les Polonais jugent ce paquet « nuisible au climat, aux transports et à la reconstruction de l’économie de l’UE après la pandémie ». Ils veulent faire appel auprès de la Cour européenne de justice car le fait de faire revenir les routiers dans leur pays d’origine pourrait produire trois millions de tonnes supplémentaires de C02.

Réduire les émissions de C02 des poids lourds et des camions. De nouvelles dispositions environnementales complètent, avec les nouvelles règles sociales, le paquet mobilité sur le transport routier :

  • Mesures adoptées en mars 2019 pour diminuer les émissions de C02 en matière de transport routier : moins 37,5 % pour les voitures neuves, moins 31 % pour les camionnettes neuves d’ici à 2030.
  • Mesures adoptées le 18 avril 2919 pour réduire les émissions de C02 des camions et des poids lourds neufs de 30 % d’ici à 2030 par rapport au niveau actuel.

Les règles en matière de détachement des chauffeurs routiers, prévoyant une rémunération selon les règles du pays où ils travaillent : salaire minimum, mais aussi primes, s’appliqueront au cabotage et aux opérations de transport international, avec certaines exceptions, notamment pour le transit.

Les dispositions sur le temps de repos s’appliqueront 20 jours après la publication au journal officiel de l’UE qui aura lieu dans les semaines à venir, tandis que celles sur le détachement et les retours des camions s’appliqueront 18 mois après cette publication.

Des directives préparées par la Commission européenne pour clarifier les dispositions de la réforme doivent être publiées à l’automne.

Une victoire pour l’Union européenne et l’harmonisation du droit du travail européen : les députés de la commission des transports du Parlement européen, après plusieurs années de négociations, d’échanges entre les différents pays ont réussi, certes avec un vote à faible majorité, à finaliser un accord avec les ministres de l’UE sur une réforme essentielle du secteur du transport routier, sur l’amélioration des conditions de travail, sur des règles claires et sur une meilleure application pour lutter contre les pratiques illégales.


Références