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La GPEC : guide de gestion des ressources humaines ou objet de négociation sociale ?

mercredi 10 juin 2015

L’examen de plusieurs accords de GPEC de groupes [1], ou de branches [2], conduit à plusieurs considérations sur la négociation sociale.

La GPEC n’est pas un sujet monothématique, comme les sujets classiques de négociation que sont les salaires, le temps de travail ou les classifications. C’est un processus articulé de gestion des ressources humaines de l’entreprise croisant : économique, emploi, formation, mobilité, évaluation des salariés et gestion de leurs évolutions professionnelles.

Partant de l’énonciation de la stratégie de l’entreprise face aux évolutions de son marché et de son environnement économique, les accords GPEC se fixent pour objectif l’optimisation des ressources humaines pour réussir : par l’évolution des compétences, l’adaptabilité et la mobilité de la main d’œuvre.

De fait les accords étudiés sont un condensé de ce qui se fait de mieux en matière de prospective économique, d’anticipation des évolutions et de promotion des ressources humaines (évolution des métiers, identification des compétences stratégiques, priorités de formation, mise en place d’outils de construction des carrières et de mobilité).

Au passage les syndicats y gagnent en qualité du dialogue social, qui se trouve rehaussé en amont par son intégration au niveau stratégique dans des « comités stratégiques de groupe ». Ils sont mieux mis dans le cœur de l’entreprise par accès aux données d’analyse prospective tant sur le plan économique que social. Ils sont aussi responsabilisés à travers des comités de suivi des programmes d’action GPEC et des accords.

Pourtant ces accords ne manquent pas d’interroger.

1. Ils se présentent souvent comme des monstres de 80 pages, qui tiennent plus du guide ou manuel de gestion des RH de groupe, que du genre « accord collectif ». À quoi cela sert-il d’apposer sa signature au bas d’un texte fleuve qui énonce dans le détail les processus de gestion RH qu’il n’appartient pas aux syndicats de conduire ? Nous ne sommes pas en France dans un système de cogestion… S’agit-il pour les directions d’obtenir une caution ? Ce n’est pas nécessairement responsable, tant il est vrai qu’un objet contractuel doit se fixer sur des engagements et une responsabilité réciproques. Ce n’est pas aux délégués d’assumer les responsabilités de la Direction.
Quel syndicat peut-il affirmer qu’il dispose des moyens et de l’expertise nécessaire pour suivre dans le détail les processus RH énoncés ?

On notera que l’accord Renault et l’accord Schneider sont plus clairvoyants de ce point de vue.
L’accord Renault énonce clairement qu’il ressort du pouvoir de direction du chef d’entreprise de définir la stratégie de l’entreprise et d’élaborer les démarches opérationnelles de GPEC. L’accord contractualise pour l’essentiel les éléments de dialogue social (information, consultation, débats, suivis, bilans) et les droits accordés aux salariés pour qu’ils se forment, s’orientent, évoluent …sans s’étendre sur les processus RH qui seront engagés.
L’accord Schneider se focalise quant à lui sur les impératifs de la restructuration industrielle et se donne comme priorité d’agir sur les emplois sensibles (menacés par la concurrence et la mondialisation) et les emplois stratégiques (cruciaux pour l’avenir de l’entreprise). C’est donc un propos plus proche du métier syndical de défense et de protection des salariés.

Tout cela montre qu’il est encore nécessaire de mener une réflexion syndicale sur ce qu’il est utile et légitime de mettre ou de ne pas mettre dans un accord GPEC. Cela doit conduire à clarifier le rôle exact du syndicat.

2. Tous les accords créent des droits importants pour les salariés, à la suite des accords interprofessionnels : droit à entretien et bilan professionnel, bilan de compétence, VAE, certifications, compte personnel de formation, droit à construction d’un parcours de carrière, aides à la mobilité…
Ces droits resteront lettre morte si les salariés n’en sont pas bien informés et ne s’en saisissent pas. Il revient aussi aux syndicats de se mobiliser pour ça. Les accords GPEC présupposent que les salariés sont « acteurs » de leur évolution de carrière. C’est largement une illusion. Pourquoi ne pas reconnaître que la majorité d’entre eux n’est pas en position proactive par rapport à leur emploi et leurs compétences ? L’attentisme est souvent la règle…

Il y a là un champ essentiel mais difficile à labourer pour des pratiques syndicales de proximité.

3. La très grande majorité des salariés travaille dans des PME de moins de 300 salariés non soumises à l’obligation de négocier la GPEC.
Pourtant ce sont ces PME qui sont le plus ballotées en matière d’emploi, sans capacité de prospective et d’anticipation, dominées qu’elles sont sur leurs marchés.
Il est de la responsabilité des syndicats d’agir pour que la GPEC devienne aussi une réalité dans ces entreprises et pour ces salariés.

Les accords de branche étudiés (2) se présentent comme des appuis importants pour prévoir, anticiper les évolutions, aider à trouver les compétences recherchées ou les fabriquer par la formation : avec les observatoires de l’emploi et des compétences de branches mis en place, avec des capacités d’études prospectives et d’audits, avec les outils de formation mutualisés…
Encore faut-il que les fédérations signataires de ces accords se mobilisent pour en assurer la mise en œuvre et agissent pour transmettre du savoir-faire à leurs délégués d’entreprises.

À ce niveau, on notera une évolution fondamentale (mais encore timide) dans les accords GPEC tant de branche que de groupe : celle d’une appréhension et d’une organisation de la GPEC au niveau territorial, c’est-à-dire dans les bassins d’emploi tant professionnels qu’interprofessionnels.
C’est en effet à l’échelle de leurs territoires que les PME sont le mieux à même de trouver des éclairages et des aides pour anticiper les évolutions de leur environnement, s’adapter et avoir des réponses à leurs besoins en emplois et compétences.


Notes :

[1(1)Accord AREVA (2014) ; accord BPCE (20-01-2015) ; accord Orange (09-09-2014) ; accord Renault (04-02-2011 et 01-02-2015) ; accord Schneider (2012)

[2(2) Institutions de retraite complémentaire (30-12-2014) ; Sociétés d’assurances (24-11-2014) ; Mutualité (15-10-2014) ; Industries chimiques (12-02-2015)