Des défis managériaux similaires
L’Igas constate que les défis managériaux des entreprises en France, Allemagne, Italie, Irlande et Suède, dans les 4 secteurs étudiés de l’automobile, des hotels-restaurants, du digital et de l’assurance sont assez semblables : avec notamment une crise du sens au travail, les difficultés d’encadrement d’équipes en modes hybrides ou encore la prise en compte des transitions démographique, technologique et écologique…
Or les pratiques managériales influencent tant la performance des entreprises que la qualité de vie et des conditions de travail (QVCT) et les politiques sociales. Cela se traduit dans le taux d’emploi, l’absentéisme, la perte de sens au travail, le turnover…, à un moment où existent des tensions dans le recrutement, des besoins de fidélisation.
Quatre constats
La première conclusion qui est tirée de l’étude c’est que les principes d’un management de qualité sont très convergents entre les pays et reposent sur un fort degré de participation des travailleurs, une autonomie réelle soutenue par la hiérarchie ainsi que la reconnaissance du travail réalisé.
Même s’il est difficile de quantifier les effets sur la performance des entreprises, on sait qu’ils sont non négligeables. D’autre part, l’impact est certain, et maintes fois analysé, sur la situation des salariés, leur santé au travail, la qualité de l’emploi, l’engagement des salariés, donc sur la performance économique et sociale. Et cela constitue un facteur d’attractivité et de fidélisation.
Or aucun des 5 pays n’a de politique publique de management. Dans les 4 pays hors la France, les réglementations ne ciblent que les aspects prioritaires, comme le travail à distance en Italie et Irlande, ou l’intégration progressive du numérique dans le dialogue social. Les autres questions se traitent dans leurs institutions de dialogue social. C’est en France qu’il y a les dispositifs publics les plus complets, notamment le droit d’expression directe, les obligations de QVCT… La vraie distinction entre ces 5 pays est la place donnée au dialogue social.
D’où un examen très critique des pratiques françaises que le rapport qualifie de position française « peu flatteuse » et de résultats « médiocres ». En cause « des pratiques managériales plus verticales et plus hiérarchiques », « peu coopératives », qui se traduisent par une reconnaissance du travail beaucoup plus faible, un niveau réduit d’autonomie et une place au dialogue social plus limitée. Le tout entretenu par une formation très académique des managers dans les grandes écoles de management et d’ingénieurs, peu tournée vers la coopération, même si le développement de l’apprentissage dans l’enseignement supérieur peut constituer un élément d’évolution. Aussi on ne s’étonnera pas que les salariés français se disent plus souvent peu satisfaits que leurs homologues des autres pays.

Comment faire évoluer ces pratiques ?
Pour les auteurs, cela ne peut se faire que dans une démarche concertée avec les partenaires sociaux. Il y a d’ailleurs une demande sociale d’évolution des pratiques managériales, du côté syndical mais aussi patronal, qu’on a pu retrouver dans la négociation en 2024, non menée au bout jusque-là, d’un pacte de vie au travail et qui existe aussi dans les entreprises mais qui expriment le besoin d’un soutien technique national.
Le premier groupe de propositions cherche à améliorer l’environnement de travail par des dispositifs publics de soutien à l’innovation, par exemple en prolongeant par cette question les débats des Assises du travail, en donnant la possibilité d’un accompagnement, en faisant évoluer la formation initiale et continue des managers pour les former à des pratiques innovantes et participatives. Sans oublier les services publics où les besoins sont proches.
Si l’action des pouvoirs publics ne peut être qu’indirecte sur des pratiques d’entreprise, l’Igas propose malgré tout des mesures législatives et réglementaires possibles, telles la prise en compte de la question dans les négociations de branches, dans les plans nationaux de santé au travail, l’inscription des pratiques managériales dans la négociation collective sur la QVCT. Les CSE pourraient aussi acquérir une compétence élargie, en intégrant les pratiques managériales dans la consultation sur les orientations stratégiques de l’entreprise, en étendant les pouvoirs du CSE en matière d’organisation du travail. Deux autres possibilités consisteraient en l’augmentation de la place des salariés dans les conseils d’administration et de surveillance, et dans la transformation du droit d’expression en dialogue professionnel.
En conclusion
Le rapport de l’Igas montre combien les pratiques françaises ont besoin d’évoluer, de s’améliorer, tant dans les entreprises, sujet de cette étude, que dans le secteur public qui a lui aussi besoin de clarifier ses pratiques, de mettre en place des dialogues professionnels, de former ses managers, de transformer ses pratiques managériales. Il y va de la qualité d’emploi et de vie des salariés d’entreprises comme des agents des services publics, mais aussi de la qualité des services publics et de la performance des entreprises.
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