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L’intelligence artificielle, quelles conséquences sur le travail ?

samedi 5 janvier 2019

L’intelligence artificielle (IA) se retrouve dans beaucoup d’actualités et de publications. Selon les auteurs, soit elle fait peur – on craint la disparition de pans entiers d’activités et d’emplois - ou au contraire elle est rêvée – comme une source de productivité et de fin de nombreuses tâches fastidieuses -, souvent sans analyse rigoureuse. Pourtant, elle fait déjà partie de notre monde et son rythme de création et d’introduction dans les activités et les contenus de travail s’accélère. Or l’anticipation de cette transformation est vitale et n’est encore que peu engagée. Une bonne raison pour s’y mettre …à temps !

L’IA dans les activités

On ne peut éviter de passer par une définition, indispensable pour prendre la mesure de son impact. France Stratégie la définit comme « l’ensemble des technologies visant à réaliser par l’informatique des tâches cognitives traditionnellement effectuées par l’humain » : on pense en particulier à la reconnaissance vocale, la biométrie, la reconnaissance d’images, l’aide à la décision, le service clientèle, des traductions de meilleure qualité, la victoire aux échecs et même au jeu de go, etc. que l’on rencontre déjà. Mais pour l’instant ces technologies sont encore peu présentes dans le quotidien de la plupart des emplois.

Quelle sera l’ampleur de son introduction, de son rythme ? Est-ce que ce sera vraiment une telle rupture technologique que les transformations du travail et les conséquences sur l’emploi seront brutales, ou s’inscrira-t-elle dans la continuité des transformations numériques déjà mises en œuvre ces dernières décennies ?

En fait, répond France Stratégie, cela dépend des secteurs, en raison de la multiplicité des facteurs qui font qu’une organisation recourt ou non à des usages d’intelligence artificielle, et de son contexte. Toutes prévisions des impacts sur les emplois et les métiers restent donc encore hasardeuses et incertaines.

Les craintes des salariés

Malakoff-Médéric a fait un sondage auprès de dirigeants, de managers et de salariés sur leur vision des impacts de l’IA. Si les dirigeants envisagent l’IA de façon majoritairement positive (performance, rapidité et fiabilité de la prise de décision, organisation et façon de travailler, fonctionnement, pilotage et gouvernance d’entreprise) sauf pour les pratiques managériales, les managers sont plus partagés.

Quant aux salariés, une bonne moitié craint une déshumanisation du travail, une perte de lien social, des suppressions de postes ou de métiers, ainsi que des problèmes éthiques et une non-amélioration des pratiques managériales ; et près de la moitié un alourdissement du reporting et du contrôle.
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Quelques hypothèses pour les emplois

On s’attend de toute façon à des transformations importantes dans les compétences nécessaires, en particulier la nécessité de compétences transversales, des emplois spécialisés, le développement d’emplois d’accueil, conseil, orientation et accompagnement.

Mais on devine en miroir l’automatisation de certains métiers, la déqualification des emplois à tâches répétitives ou régulières. On cite ainsi de nombreux emplois dans la banque, la comptabilité, la bureautique, le travail de caissiers et d’employés de libre service. Mais aussi, si la voiture autonome se développe, quel avenir pour les chauffeurs ?

D’autre part, le contenu et les conditions du travail peuvent être profondément modifiés. On peut aller vers une gestion plus performante des systèmes d’information, vers le développement de travail en équipe et une autonomie accrue, la valorisation des compétences transversales, une meilleure coordination des acteurs, une baisse de la pénibilité.

Au contraire, si l’introduction de l’IA n’est pas pensée et anticipée, les risques vont à l’intensification du travail, la surcharge mentale, la perte d’autonomie en raison d’un contrôle automatisé et insidieux, des tâches plus fragmentées, avec moins de transferts de compétences…, comme on le voit déjà dans les plateformes.

La nécessité de l’anticipation

Ainsi, l’avenir de l’IA et de ses impacts n’est pas déterminé. Il n’y a pas de voie tracée. Plusieurs facteurs sont essentiels pour une transformation positive :

  • La prise en charge publique de ces enjeux. La stratégie française a été présentée en mars dernier, celle de la Commission européenne en avril, avec un sommet numérique les 3 et 4 décembre. Cela demande d’élaborer des règles juridiques, de réaliser des investissements, de prendre en compte les attentes sociales, d’accompagner les TPE-PME. Tout cela ne fait que commencer d’émerger.
  • La définition de règles éthiques. Pour la CNIL, les principes de loyauté et de vigilance/réflexivité sont essentiels. Il faut former à l’éthique tous les maillons de la chaîne dans l’entreprise ou l’administration, rendre compréhensibles les algorithmes et assurer la liberté humaine, faire de la recherche, créer une plateforme d’audit et renforcer la fonction éthique dans les entreprises.
  • Si des métiers risquent de progressivement disparaître, d’autres ont commencé d’apparaître ou sont pressentis : plus de travail de création d’éléments et d’outils de l’IA, de travail de supervision, d’accueil, et de conseil… Ainsi le développement de l’IA oblige à anticiper l’évolution des emplois et des compétences, à partir de travaux de prospective par branche, à renforcer les dispositifs de sécurisation des parcours, à créer les outils de formation et de requalification indispensables pour garantir les emplois futurs et leur qualité dans un univers d’interaction homme/machine. Avec des évaluations régulières des impacts emploi et compétences et des transferts de tâches.
  • Enfin, et l’étude Malakoff-Médéric y met l’accent, pour que ces transformation progressives soient mises en œuvre de façon positive, il est essentiel de développer le dialogue social et sociétal et définir la responsabilité sociale de l’entreprise dans ce nouveau panorama. Car cela implique de repenser les organisations et les conditions de travail, préserver l’autonomie des salariés, sauvegarder les logiques collectives de travail et la mutualisation des risques, travailler avec les branches et les territoires pour une gestion collective de cette transformation.
En conclusion provisoire, même si ce développement technologique est en route, le tout est, comme y incite France Stratégie, que ces possibilités technologiques soient utilisées pour ouvrir des perspectives nouvelles – et positives – pour les personnes, les organisations, les structures et les territoires. L’avenir est à créer dans cette direction et ce doit devenir un sujet de négociation dans les entreprises et d’administration.

Sources

Déjà paru dans Clés du social